Je suis perdu ! Quelqu’un possède mon âme et la gouverne ! Quelqu’un ordonne tous mes actes, tous mes mouvements, toutes mes pensées. Je ne suis plus rien en moi, rien qu’un spectateur esclave et terrifié de toutes les choses que j’accomplis. Je désire sortir. Je ne peux pas.
La maison, maintenant, n'était plus qu'un bûcher horrible et magnifique, un bûcher monstrueux, éclairant toute la terre, un bûcher où brûlaient des hommes, et où il brûlait aussi, Lui, Lui, mon prisonnier, l'Être nouveau, le nouveau maître, le Horla !
Tenez, voici le vent, qui est la plus grande force de la nature, qui renverse les hommes, abat les édifices, déracine les arbres, soulève la mer en montagnes d'eau, détruit les falaises, et jette aux brisants les grands navires, le vent qui tue qui siffle, qui gémit qui mugit,- l'avez-vous vu, et pouvez-vous le voir ? Il existe, pourtant.
Alors, j'étais somnambule, je vivais, sans le savoir, de cette double vie mystérieuse qui fait douter s'il y a deux êtres en nous, ou si un être étranger, inconnaissable et invisible, anime, par moments, quand notre corps captif qui obéit à cet autre, comme à nous-mêmes, plus qu'à nous-mêmes.
Depuis que l'homme pense, depuis qu'il sait dire et écrire sa pensée, il se sent frôlé par un mystère impénétrable pour ses sens grossiers et imparfaits et il tâche de suppléer, par l'effort de son intelligence, à l'impuissance de ses organes.
Pourquoi pas d'autres éléments que le feu, l'air, la terre et l'eau ?- Ils sont quatre, rien que quatre, ces pères nourriciers des êtres ! Quelle pitié !
Est-ce la forme des nuages, ou la couleur du jour, la couleur des choses, si variable qui, passant par mes yeux, a troublé ma pensée ? Sait-on ?
Les étoiles avaient au fond du ciel noir des scintillements frémissants.
Quand nous sommes seuls longtemps, nous peuplons le vide de fantômes.
Je ne peux plus vouloir ; mais quelqu'un veut pour moi ; et j'obéis.