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Citation de VALENTYNE


Je suis arrivée à la cité et Lahlou était là, sur le banc. Il avait découvert la colle à rustine en CM2 et depuis il ne décollait pas. Enfin, si ….il était toujours perché quoi. Il m’a dit :

" T’étais encore chez les rupins?

- Bah oui, où voulais tu que je sois?

- Chais pas moi, chez ta grand-mère…pourquoi tu passes plus la voir? Je la vois souvent, toute seule sur un banc en bas aux 4 Keusses (c’était le petit nom des 4000, même les horreurs ont leur Nick Name). Elle s’ennuie toute la journée….tu pourrais passer la voir quand même, ça se fait ape ("pas" en verlan, qui était toujours usité à cette époque), Sylvie, la vérité.

- J’ai pas de leçon à recevoir d’un toxico, Lahlou….

- T’as changé Sylvie, c’est pas bien, t’essaies de faire la meuf style t’es rangée et tout ça mais ça se voit trop sur ta gueule que t’es pas de chez eux, lâche l’affaire, reviens, on va traîner aux Halles comme avant, on va ril-go grave, allez…

Et il partait dans un éclat de rire qui ressemblait au chant du cygne juste avant le dénouement de sa vie, une dernière flèche lancée en l’air comme une bouteille à la mer dans laquelle on aurait glissé ses plus beaux arguments. Ce rire, il était adressé à Dieu, ce cri comme un chant joyeux désespérément pathétique, c’était les derniers mots, les paroles des autres à leur dernières minutes là-bas, nus sous la douche, avant le gaz et ces mots c’étaient "Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? "

Et moi je suis montée en larmes à force de ne plus savoir qui j’étais et c’est là que j’ai ouvert le livre qui devait changer ma vie pour toujours. J’ai pris le livre que Mr Fourrat m’avait tendu comme on tend sa main à quelqu’un tombé à l’eau pour le sauver de la noyade., j’ai ouvert le livre de Sylvia Plath qui s’appelle "La cloche de détresse" et j’ai compris pourquoi j’avais du mal à respirer, pourquoi je ne ressentais plus les choses, les gens. J’étais dans un bain d’eau tiède mais cette eau ne mouillait pas, le soleil ne chauffait pas ma peau. Je n’avais qu’une colère diffuse en moi que je ne m’expliquais pas, j’avais cessé d’aimer les autres, de chercher chez eux la bonne facette comme mes grands-parents m’avaient appris à la faire. Je ne parlais plus, ne sortais plus, j’étais sous la cloche de verre, des envies de mort subite qui volaient autour de moi comme des mouches à merde bruyantes et ça bourdonnait tout le temps dans ma tête ses idées suicidaires.
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