Extrait de "Au souvenir de Yunus Emre" de Tahar Bekri. le poète tunisien lira ses textes au célèbre TNP de #Villeurbanne, le jeudi 23 mai à 20h30, dans le cadre de la manifestation "Les langagières".
#Tunisie #rencontre #poésie #extrait
Dehors, il fait très froid. Il gèle même. De ma fenêtre, j'aperçois le cerisier totalement nu, les flocons de neige retenus par les larges palmes du palmier, à côté de l'olivier. Deux arbres, toujours verts, même en cette saison. Ils défient l'hiver, le ciel gris. Un vrai cadeau de les voir garder leurs feuilles, par tous les temps. Il y a quelques années, des propriétaires dans l'immeuble ont fait arracher l'unique bouleau, bien que frêle, car, ont-ils dit, il bouchait la vue à un habitant. Comment ne pas ressentir le vide qu'il laisse, son absence ?
"Dis toi que la soie hautaine fut fabriquée par un ver."
La tragédie palestinienne ne concerne pas que ce peuple, elle illustre la lâcheté des puissants, l'absence de morale internationale, la ruse de l'Histoire.
RETOUR À NOUAKCHOTT
(fragment)
Je te retrouve dans le souffle du vent
Exsangue brûlé par le sable sans relâche
Tant de dunes impatientes le long de ma route
Surgissent des limbes de l’inconsolé mirage
Les caravanes portées par la distance d’antan
Immobiles et langoureuses l’ombre aussi rare
Que l’acacia sec et endurci sous le soleil de plomb
Mon chant comme prière implorant le firmament
J’ai de toi désert la soif affranchie des frontières
Le rêve qui s’enlise ensablé habillé de lumière
Tout l’océan aimant chargé de lourdes pirogues
Butin d’arc-en-ciel pour des frères noirs et blancs
Où as-tu égaré fleuve ton limon pour nourrir la terre ?
Mauritanie, 2003
Retour à Nouakchott, in Confluences poétiques N° 1,
Mercure de France, 2006 (p. 28).
Lampedusa
Si ta main se ferme contre la pierre
Si ton olivier fait peur aux oiseaux
Si ta porte est un rideau de fer
Si ta cloche est sourde aux cris de la mer
Si l'horizon remplit ton cœur d'épouvantails
Si ta carabine tire sur les radeaux de fortune
Comment peux-tu honorer la terre ?
Si ton cactus ne sait donner que des épines
Si ton muret est une frontière pour les rapaces
Si ta vigne ne partage pas ses raisins
Si ton rivage vomit les corps anonymes
Si ton cimetière ne vaut pas une prière
Si ton rêve est une mouette empaillée
Comment peux-tu aimer la liberté ?
p 37
C'est la beauté qui est acte de civilisation, non le fracas des armes......
Je ne veux ni crier avec les loups ni être insensible à la souffrance humaine. Je veux tremper ma plume dans l'encre généreuse et fraternelle, non dans l'ivresse du sang.
Les palmes, c'est pour bercer le visage de la terre ; les rameaux d'olivier, c'est pour apaiser sa douleur. Ah ! Si cette belle neige pouvait laver toutes la laideur sur la face du monde ! Je sais, les poètes ont la tête dans les nuages. Mais qui leur dénie le droit d'aimer... les merveilleux nuages ?
Je ne veux ni crier avec les loups, ni être insensible à la souffrance humaine. Je veux tremper ma plume dans l'encre généreuse et fraternelle, non dans l'ivresse du sang"
L'importance d'une parole ne réside pas dans la puissance de son cri mais dans la hauteur du silence qu'elle impose.
Aimer la pierre abandonné sur le chemin
Aimer la pierre abandonné sur le chemin
Depuis la nuit des temps
Le coquelicot fragile
Loin des bottes des conquérants
Le bouleau qui attend le printemps
Des ailes d’un cheval ailé aimant
Pousseront à la montagne endormie
Ou les cendres d’un volcan
Et si le printemps est en retard
Attends le bourgeon difficile
La neige sera promue
À la source où tu te désaltères
La poésie a toujours été pour moi une leçon d'humanité. Sa beauté réside dans sa générosité, dans son refus de la laideur, de la haine, de la raison arbitraire. Comment un coeur de poète peut-il accepter tant de violence, tant d'injustice ?