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4.07/5 (sur 23 notes)

Nationalité : France
Né(e) le : 22/6/1995
Biographie :

Acteur et scénariste français
Il étudie le droit à l’université de Montpellier unis suit les cours Florant
Il a publié son premier en 2023

Source : JC Lattes
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Bibliographie de Téo Lacaze   (1)Voir plus

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Citations et extraits (4) Ajouter une citation
Plus tard n'existe nulle part ailleurs, ce n'est ni un pays ni une excuse. Plus tard c'est perdre au présent, supprimer le futur. C'est vivre dans un passé lointain, suspendu au bout des lèvres, c’est oublier des mots, des visages. Plus tard, c'est partir sans dire au revoir.
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Mia déteste quitter Noé. Partir de l’endroit où elle se trouvait avec lui. C’est géographique, terriblement physique. Elle s’en rend compte au moment où elle se détache. C’est exactement comme ça : un dé-ta-che-ment. Elle est attirée par lui de manière irrépressible. Le revoir, c’est recommencer encore, avec derrière eux des erreurs plus nombreuses à chaque fois.
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(Les premières pages du livre)
On peut bien dire ce qu’on veut, pour ceux qui prennent le métro tous les jours, il existe des matins plus compliqués que d’autres. Celui-ci en particulier. Il a commencé à faire chaud dès l’aube et toutes les odeurs infectes ont décidé de quitter les entrailles de la terre pour aller prendre elles aussi un bol d’air frais, une petite clope, un café. Noé monte les marches quatre à quatre pour s’extirper de cette rame de l’enfer où l’urine de la veille n’est plus qu’un mauvais souvenir sur les murs. Des deux côtés des escaliers, quelques intranquilles ont griffonné des poèmes ou des insultes depuis le fond de leurs tripes mais personne n’y prête attention. C’est une course d’humains en chemise, des corps trempés de sueur, ils se précipitent tous vers l’extérieur pour s’extraire de cette fourmilière chaude et humide. Et puis c’est enfin la sortie numéro 6, un halo de lumière au fond des ténèbres, la garantie à l’air libre d’un avenir heureux et de jours meilleurs, loin de la puanteur et de toute cette crasse.
Noé sort, il grogne, il a chaud, et il tombe à ses pieds. Parfois il s’arrête, parfois non. Mais aujourd’hui oui. Pas pour la regarder, elle et lui se connaissent bien, mais pour reprendre son souffle. Il lui lance un coup d’œil pour la saluer discrètement. Il ne l’a pas vue depuis longtemps, la grande arche de Strasbourg Saint-Denis. Elle file tout haut dans le ciel. De là où elle est, elle doit en voir sortir plus d’un, ruisselant, essoufflé à force de retard, crevé dès le réveil. Elle doit se foutre de nous, ses petits humains. Elle ne craint ni le temps qui passe ni la pluie, et abrite entre ses jambes dodues des nuées de pigeons, tous plus gras les uns que les autres, nourris à coups de miettes de pain et de déchets dégueulasses. Elle est un refuge pour ceux qui n’en ont pas, ou qui n’en ont plus, ceux qui s’endorment bourrés sur des matelas tachés de pisse. Elle est généreuse.
De plus près, de longues traînées noires s’écoulent de haut en bas, des salissures, de la pollution, qu’importe. Elle ressemble finalement à ceux qu’elle abrite de la nuit. Seule et triste au milieu du bruit, éclaboussée, sale avec son mascara qui bave d’en avoir trop pleuré, d’en avoir trop vu du monde et des gens. Des petits en calèches les pieds dans la boue, puis nous avec nos petites mallettes, et puis sûrement d’autres, plus tard encore.
Mais bon, il faut quand même savoir quelque chose, sur la grande arche. Quand le soleil attrapera enfin ses hanches charnues avec ses grandes mains, et que ses lettres dorées se mettront à danser sur son flanc, on ne verra qu’elle. Les touristes commenceront à la prendre en photo, comme une star de ciné, maquillée, coiffée et sapée comme il faut. Celle qui n’attire aucun regard au lever du jour devient, d’un coup de projecteur, la Grande Dame de Strasbourg Saint-Denis. Tout est question de lumière, de parure, c’est juste une histoire d’angle ou de prise de vue. Évitez de la juger trop vite, la vieille Dame ; comme vous, elle se remet de sa nuit de sommeil comme elle peut.
À cette heure-là dans le quartier c’est le cirque. Les mecs se poussent en traversant pour pas perdre un centime de leur journée avec, à leurs trousses, à la traîne, les mecs la gueule dans le sac, le nez qui coule, qui courent eux aussi les précieux centimes. Au milieu de ce vacarme, les taxis qui klaxonnent, qui tiennent plus à leurs pourboires qu’à la vie des mecs qui ont le nez qui coule. Quelques centimes ou une petite fortune, qui font que tous se lèvent et se mettent à courir, tous les matins du monde.
Noé lui a donné rendez-vous à 8 h 35 dans leur café, celui au pied de son immeuble. Il sait qu’il est à la bourre, il sait qu’il y a de grandes chances pour qu’elle soit encore sous la douche. Elle est toujours plus en retard que lui. Certaines choses ne changent jamais.
Tandis qu’il remonte la rue Saint-Denis, il s’allume une cigarette, se rêvant dans un film dont il serait le héros. Mia, c’est sa meilleure raison de rentrer à Paris, comme un mot du médecin réutilisable pour sécher les cours à l’infini, sa dispense pour la vie. Avant Mia, il n’y avait rien, seulement des expériences merdiques et maladroites vouées à le jeter enfin entre les longues jambes de l’amour véritable. Après Mia, s’ils pouvaient s’étreindre, il n’y aurait rien. Hors de Mia, il n’y a rien. Dans son esprit, elle est cet immense projet d’avenir, sa seule issue, une cathédrale. Noé est ce jeune prince imberbe, éperdument amoureux de la belle princesse de la contrée voisine. Il se dit qu’elle vaut bien une guerre ou deux, alors c’est décidé, elle sera sa guerre en entier.
*
Il sera là à 8 h 35. Elle n’a jamais compris sa manie de donner des rendez-vous à 55, 35, 25… Il sait pourtant que ça lui donne de l’urticaire, mais il continue. C’est peut-être une façon un peu perverse de créer de la matière à penser. Peu importe, puisqu’elle est déjà en retard. Forcément. C’est de sa faute : s’il lui donnait rendez-vous à 8 h 30, elle n’aurait pas à se demander ce qui lui prend de toujours lui infliger des horaires imparfaits, et sa mauvaise foi et elle serait donc très certainement à l’heure.
En prenant sa douche, elle l’imagine marcher dans la rue, ou plutôt, se balancer (c’est sa façon bien à lui de se mouvoir dans l’espace). Elle sort de la douche, se sèche en vitesse ; les cheveux attendront, c’est l’été et il fait chaud. Elle se demande comment il sera et elle a même peur. Elle est tendue, excitée. Excitée parce qu’elle l’aime beaucoup et tendue parce qu’elle sait qu’il l’aime beaucoup. Puis elle se dit que c’est à force de se poser des questions que le retard finit par vous tomber dessus, comme ça. Elle rassemble quelques neurones fonctionnels, ceux qui ne sont pas contaminés par l’imminence de son arrivée, pour se trouver une tenue correcte. Un pantalon noir, un trench, puis elle claque la porte, se met à courir et se sent ridicule. Une fois dehors, la main dans sa poche lui signale qu’il manque quelque chose d’essentiel. Les clopes à droite, rien à gauche, son téléphone, forcément. Pas de Noé en vue, c’est une chance. Elle remonte à toute vitesse, le récupère et redescend comme si elle était un cheval de course. Noé reste introuvable. Il est en retard. Elle sourit et l’attend.
Rien sur son téléphone. Peut-être qu’il lui est arrivé quelque chose de terrible sur le chemin : accident de la circulation, fauché par un taxi fou, mort sur le coup. Elle a à peine le temps de se laisser ronger par ces pensées morbides qu’elle le voit pour la première fois depuis des semaines, et il fume tranquillement. Il avance mais ne l’a pas vue encore. Il est déjà très beau de loin et elle ne sait plus quoi faire de ses mains. Elle aimerait qu’elles disparaissent à l’intérieur de ses poches, ces mains qui la gênent, trop longues, et ne trouvent leur place nulle part. Il n’y a que Noé pour l’encombrer de ses propres mains.
*
Mia est debout devant le bar, elle tapote sa montre invisible tandis qu’il s’approche, c’est son truc pour lui dire qu’elle a gagné la partie.
Deux ans en arrière, c’est ici que Noé l’a rencontrée. Belle au milieu du carnage, seule à une heure où il ne reste que des ivrognes et des gens malheureux. Ici qu’elle s’est laissé séduire une première fois par lui (sans grande conviction), un soir de tristesse ou qu’importe. Elle sait que ce garçon est de ceux qui sont un peu trop passionnés, les brillants mais fragiles, elle n’a pas le temps pour ça. Elle a déjà un travail. Il a insisté, encore et encore, et a fini, on ne sait trop comment, par y arriver, jouant de tous ses atouts. Tous les moyens sont bons quand on est amoureux. Depuis ce soir-là, Mia est restée son unique trésor, elle est sa grande histoire. Ils vivent un amour par intermittence, qui se trimballe sans trop savoir où aller, qui se glisse dans des intervalles un peu au hasard, en attendant de devenir plus concret. Elle est pour lui une montagne qu’il lui faudrait gravir en caleçon, sans chaussures, sans chaussettes. Et, tant qu’il aura la force, il essaiera de l’arracher à ses méfiances, à ses peurs.
Elle a les cheveux mouillés, il le savait. Elle porte un long manteau, un jean noir, et elle ne le quitte pas du regard, il a les oreilles qui brûlent. Elle est grande mais pas trop, blonde mais pas trop, alors disons châtain clair. Elle a les yeux verts, très verts, un nez Modigliani qui scinde son visage en deux parties parfaitement identiques, et ses lèvres, toutes roses, forment la plus belle bouche du monde. Elle se met à sourire quand Noé s’approche d’elle, le genre de sourire auquel on pense avant de s’endormir et le matin quand on se réveille.
— J’ai même eu le temps d’oublier mon téléphone et d’aller le chercher. T’es en retard, elle lui dit en souriant, comme de vieux amis, de vieux amants.
— J’imaginais des baskets ou un truc avec des lacets, il lui dit et il a peur.
— Raté, champion.
Elle se demande ce qu’elle peut bien avoir à répondre à ça, elle a encore perdu ses mains. Il est des moments où le corps parle à la place du reste, tant mieux. Elle s’élance et le serre dans ses bras. Il sent toujours bon, il est tout chaud contre elle. Dix, quinze secondes, peut-être seulement trois. Elle reprend enfin son souffle et elle voit ses mains dans son dos.
Ils entrent dans le bar, leur bar. Celui de leur rencontre et de leurs séparations. Il y en a eu quelques-unes, brèves ou non, plus ou moins glaciales, plus ou moins d’un commun accord. Elle se dit que les ruptures à l’amiable de deux personnes qui s’aiment sont comme les faux tiroirs dans les cuisines, c’est inutile et on continue de se faire avoir même des années après.
C’est un bar parisien classique, crade sans l’être, devenu à la mode sans aucune explication logique. Des banquettes rouges, du papier peint vieilli, des miroirs sales. Autour d’eux, quelques types boivent un café avant d’aller bosser. Revenir ici après s’être isolé un moment loin de la capitale, dans le calme de sa fa
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Il se tient droit. Immobile au milieu du monde. Il est la clef, il est ce quelque chose pour la sauver du vide, est celui qui redonne la vie. Il est une évidence si grande qu'elle est frappée en plein cœur, d’une clarté si lumineuse que Mia en a le souffle coupe. Elle ouvre la bouche comme pour dire un mot puis la referme, elle comprend. Elle sait tout. Elle flotte. À un centimètre au-dessus du sol. p. 94
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" Déjà il rêvait d'une thébaïde raffinée, à un désert confortable, à une arche immobile et tiède où il se réfugierait loin de l'incessant déluge de la sotise humaine ".

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