Ah ! on n'est jamais éclairée que d'un côté, quoiqu'on fasse. Il n'ya a jamais qu'un côté de nous qui reçoit la lumière... il faut oser... peut-être que ..." Ramuz la beauté sur terre
(cité en début de chapitre)
Vivant
Le buffet vous regarde avec cet air borgne qui vous as-
sourdit. Les deux bras de ses portes s'ouvrent, vous font peur.
Ils disent.
*
Le vieux tiroir de la cuisine grince et se moque, il semble.
*
Tout cela tombe de vos poche et se perd dans la nuit des
semaines d'école et, à la fin, ne reste plus rien. Vous êtes au
milieu des routes.
p.123
"Tous ceux qui survenaient et n'étaient pas moi-même
Amenaient un à un des morceaux de moi-même
On me bâtit peu à peu comme on élève une tour
Les peuples s'entassaient et je parus moi-même
Qu'ont formé tous les corps et les choses humaines"
extrait de cortège (Alcools de Guillaume Apollinaire)
cité en début de paragraphe
Thomas
Cela
(lui et les autres dedans)
allait venait
tandis que l'horloge à rebours
toque, tique-taque
lancinante
dans nos cœurs lancinants
heureusement,
tandis qu'à la surface
de nos corps
tambourine sensiblement
le long pouls,
tandis que dans la surface où nous effleurons,
sur la croûte terrestre de même tambourine,
comme sous notre peau,
la note perpétuelle du temps,
tandis que souffle des mots le grand accordéon du sol,
dont le corps mouvant respire
en dessous,
dans le fond du monde,
sous nos pieds,
parmi les morts,
qui ne bougent plus que dans nos songes,
sous nos visages,
et que notre bouche transporte comme une langue.
Vers rien ?
Avec le vent mon cœur.
p.150
Pierre
Du temps passe.
Dans quoi ?
Rien ne bouge
mais tout bouge
derrière ce qui ne bouge pas
tout est là et passe.
Dans quoi ?
Le colimaçon.
Le colimaçon
dans quoi les choses
montent et descendent,
dans la mémoire
s'enfoncent
et resurgissent,
se perdent et disparaissent,
le colimaçon du temps.
p.50-51
Vivant
L'horloge pousse devant elle un temps de pierre qui
immobilise éternellement les minutes. La grande carrière dans
quoi cela pioche inlassablement est blanche, têtue et blanche.
Sa craie se désagrège. Cassera ?
p.123
Thomas
Un grand enfant traînait les pieds
sur une terre d'autrefois
avec sa mère toute en allée
seul ce petit bout de toi
tend encore le cou
là
au-dessus du mur d'enceinte.
Vienne l'éternité pauvre petite !
p.151
Je redoutais d’être à mon tour peu à peu gagné par cette implacable mélancolie qui en était la cause puis la conséquence dans un cercle que plus rien ne pouvait briser,sauf la fin qui se trouvait en son centre comme le principe du mouvement,s'il fait mettre les points sur les "i",enfoncer le clou.
L'écrivain B. m'a dit alors pour justifier son geste: "cela n’intéresse plus personne.Cet age-là est révolu,cette flamme éteinte.Les Mots les ont tous désertés."
Avais-je été convaincu?
Je ne saurais le dire
Pierre
C'est la nuit.
La grande feuille noire s'est posée en silence.
C'est la nuit.
Et avec elle, quoi ?
p.55
Pierre
Quelle main ? Quel poing ? Quelle gorge ?
Et puis quel sang ?
p. 55