Thierry Declercq

Aujourd'hui, j'ai vu la mort et elle m'a parlé. Elle a exigé que je tue et j'ai tué. Se pourrait-il qu'aujourd'hui je sois né ?

Ce que Nina préférait dans la nuit, c'était la lumière. L'éclairage mordoré des vitrines, les néons papillotants des cafés éveillaient en elle des souvenirs précis d'adolescence, la nostalgie des longues heures à discuter entre amies devant un Vittel menthe tandis que le professeur d'Histoire Monsieur Flamand, salle B204, consignait son absence dans le registre d'appel. Nina aimait toutes les lumières. L'alignement des soleils blancs des réverbères le long de l'avenue, les feux tricolores, ceux des voitures, les rectangles lumineux des publicités et les tubes fluorescents des aubettes ; même les scintillement sur l asphalte mouillé et le miroir des flaques d'eau, elle aimait. La flamme des briquets embrassant les visages. L'extrémité rougeoyante des cigarettes et les gerbes d'escarbilles des mégots jetés par la vitre des voitures. Toutes les lumières.

En matière judiciaire, on est innocent tant que la culpabilité d'un prévenu n'est pas établie. En matière policière c'est tout le contraire. La présomption de culpabilité prévaut.

Mais elle avait trop pleuré pour encore verser des larmes. Quelle heure était-il ? Est-ce qu'il faisait nuit ? Évidemment ! Elle le sentait. Elle le goûtait. La nuit avait toujours eu une saveur particulière. Un goût de mystère et de sueur. Et souvent, comme ce soir, un goût de peur aussi. Nina aimait la nuit. Elle l'avait toujours aimée. Et ce qu'elle préférait dans la nuit, c'était la lumière.

Ah oui, et qu'a-t-il dit ? Elle ne le savais pas. Elle ne le lui avait pas demandé. Elle craignait tellement qu'il lui avoue son non-besoin de se confier à elle qu'elle ne l'avait pas fait. Elle avait si peur d'en souffrir !