Citations de Thierry Marignac (30)
Le lendemain quand je sors des urgences, l’infirmière dit :
— Vous voyez, on s’occupe quand même de vous.
Je crois qu’elle fait allusion à la croix gammée sur mon tee-shirt.
Je l’emmerde.
Je désigne son badge Marley, aux trois couleurs jamaïcaines caché sous la blouse. Je soigne mon effet : sortir, dire dans un souffle :
— Vous aussi, vous portez sur vous le romantisme suicidaire de la race.
La bêtise concentrée des discours politiques figure parmi les nuisances modernes les plus difficilement supportables. Comme c'est une pollution répétitive, il faut en prendre son parti, ou rendre sa carte. Le Chafoin finit péniblement une tirade enrouée. Puis il conclut :
-... Notre plus grand succès c'est d'être ici ce soir !
Il a la proverbiale tête du faux jeton "qu' ça en devient de la franchise"...
Je veux m'arracher au confort abrutissant des villes occidentales. Car ce mode de vie est ennuyeux.
De l'autres côté du monde, la mort est une routine. On s'ennuie presque autant mais on est occupé à vivre une heure de plus.
Mon père me presse de travailler pour lui et je cède quelquefois. Il prétend que je dois captiver ma jeune femme blonde avec de l'argent. Que l'argent l'ancrera à mon port. Et comme j'avance d'autres arguments il insiste : l'argent est une virilité qui dure. J'ai beau jeu de répondre : mais si on perd l'autre, à quoi bon ?
Ma force, puisqu’elle existe – on ne part jamais de rien –, ma force est sujette aux éclipses. De temps en temps, elle surgit malgré moi, lorsque je suis menacé gravement.
Mon meilleur emploi ne peut être celui de chef. Je n'en ai pas le talent. Trop égoïste, un chef doit aimer ses hommes. Trop indifférent, un chef doit tout connaître. Trop incertain, un chef doit oser.
p. 145.
- Les Américains sont parfaits pour ça. Une cure chez eux, et l'on revient fanatique de l'Europe. Notre déclin est plus beau que leur apogée.
C'est donc comme ça qu'on vieillit. En acceptant de trahir et de se cacher. Jusqu'à ce que la somme de ces impuretés rende compréhensif ; l'usure du temps c'est l'accumulation de ces lâchetés qui pourrissent un homme sur pied. Lorsque l'homme est bien corrompu il devient tolérant par crainte qu'on juge sa conduite avec les critères de la jeunesse, inflexibles. Il est bientôt temps pour lui de pourrir sous terre, il est déjà blet.
D'autres injures fusent, quelques canettes éclatent sur la place, à proximité. J'interdis aux hommes de riposter. Ce sont les consignes : tenir le meeting suffit, il faut éviter la violence, qui effraie l'électeur. Que la présence massive des bandes n'empêche pas la réunion de se tenir, voilà notre première victoire. Les troupeaux qu'on mène à l'isoloir se séduisent progressivement, il faudra claironner haut et fort le succès de l'initiative.
Nous n'entrons pas en politique pour faire le bien, si le mal
est efficace nous nous en servirons.
p. 164.
La liste de ses péchés était plus longue que le gauche de Mohammed Ali
- Quand on classe, qu'on enregistre, qu'on cherche à capturer les phénomènes, c'est qu'on s'éloigne de la prime jeunesse, qui est éblouissement, action.
- Viens te faire baiser est la seule réponse pertinente qui me vient à l'esprit.
Mon goût pour tous les systèmes de mort qui se manifestait avant par une passion - que ma mère qualifiait de morbide - routine lugubre : poètes maudits, musique déchirante, filles fragiles, prend maintenant des formes plus joyeuses, plus précises, plus grisantes ; je sais tuer.
...tu n'en penses pas un mot. Tu ne tiendrais pas pas trois semaines là-bas. Les Américains, ils sont tous d'accord et ils appelles ça la démocratie. Si on les contredit, ils sortent un shotgun, et ils tuent.
p. 158.
La grue de bénitier insista , appuyée par un comparse de la même espèce,un charlatan riche héritier -lui aussi rictus de vieille demoiselle ,au dessus d'un col blanc immaculé - dont la presse aux ordres faisait grand cas depuis cinq ou six ans parce qu'elle le trouvait photogénique.
Pour réussir dans la politique il faut être mû par la sorte d'appétit le plus vite qui soit : pouvoir.
p. 87.
La politique est la continuation de la guerre par d'autres moyens.
p. 88.