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Citation de Woland


Woland
10 septembre 2010
[...] ... En premier lieu toutefois, un mot sur la scène des assassinats. Ratcliffe Highway est une grande artère d'un quartier des plus chaotiques de l'Est nautique de Londres, et qui, en ce temps-là (c'est-à-dire en 1812) où il n'existait aucune police adéquate hormis la police détective de Bow Street, admirable pour ses fins particulières mais totalement disproportionnée aux besoins généraux de la capitale, était fort dangereux. Un homme sur trois, pour le moins, y pouvait être tenu pour un étranger. On rencontrait à chaque pas des Lascars, des Chinois, des Maures, des Nègres. Et indépendamment du banditisme aux mille formes, voilé de façon impénétrable par les chapeaux ou les turbans de ces hommes dont nul regard européen ne saurait sonder le passé, c'est chose bien connue que la marine de la chrétienté (spécialement, en temps de guerre, la marine marchande) est le sûr dépôt de tous les meurtriers et de tous les ruffians à qui leurs crimes ont donné le motif de se dérober pour un temps aux yeux du public. Il est vrai que peu de gens de cette catégorie sont qualifiés pour se comporter en marins capables, mais de tous temps, et particulièrement en temps de guerre, ces derniers ne forment qu'une petite proportion (ou nucleus) de l'équipage d'un navire, la grande majorité étant composée de terriens inexpérimentés. John Williams, toutefois, qui avait servi en qualité de matelot à bord de plusieurs vaisseaux affectés au commerce avec les Indes, etc ..., était probablement un marin accompli. D'une manière générale à vrai dire, c'était un homme prompt et adroit, fertile en ressources pour parer aux difficultés soudaines, et qui s'adaptait avec souplesse aux diverses exigences de la vie en société. Il était de taille moyenne (de cinq pieds sept pouces et demi à cinq pieds huit pouces), élancé, assez mince, mais nerveux, passablement musclé et libre de toute chair superflue. Une dame qui l'a vu à son interrogatoire (au bureau de police de la Tamise, je crois), m'a assuré qu'il avait des cheveux d'un ton très vif et fort remarquable, un jaune ardent entre l'orange et la couleur citron. Williams avait été en Inde, particulièrement au Bengale et à Madras, mais aussi au bord de l'Indus. Or il est notoire qu'au Pendjab, les cheveux [des personnes] de caste élevée sont souvent peints - en cramoisi, en bleu, en vert ou en pourpre ; et il me vint à l'idée que Williams avait pu s'inspirer, à quelque fin de déguisement, de cette pratique du Sind et de Lahore, en sorte que cette couleur de cheveux n'était peut-être pas naturelle. Naturelle cependant, son apparence l'était dans l'ensemble, médiocre même pour la structure du visage si j'en juge par une statuette de plâtre à son effigie que j'ai achetée à Londres ; il avait cependant un trait frappant, qui s'accordait bien à son tempérament inné de tigre, c'est que son visage exsangue était empreint en tous temps d'une mortelle pâleur. "On aurait dit," me rapporta mon informatrice, "que ce n'était pas le sang rouge de la vie qui coulait dans ses veines - ce sang que peut embraser la honte, la colère ou la pitié - mais une sève verte qui ne jaillissait pas d'un coeur humain." Ses yeux semblaient glacés et vitreux, comme si toute leur lumière eût convergé sur quelque victime tapie dans le lointain. De ce fait, son aspect aurait pu être repoussant mais d'autre part, les dépositions concordantes de nombreux témoins et aussi celle, tacite, des faits, montrent que son comportement huileux, reptilien et insinuant neutralisait le caractère repoussant de son visage sinistre et lui valait, auprès des jeunes femmes inexpérimentées, un accueil très favorable. ... [...]
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