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Citation de Presence


La coque du ponton gémissait sous les coups de boutoir des chevaux d’écume qui s’élançaient sans relâche, ruant et frappant le bois putride de leurs sabots blancs, t’en souviens-tu ? Nous étions des milliers destinés à devenir des centaines, entassés dans les cales de ces vieux bateaux démâtés et sevrés de voiles. Ils languissaient le large, comme on languit les amours perdus et la vigueur révolue. Nous avions traversé la ville sous les lazzis de la foule. Soulagés, nous avions défilé sous les insultes des bonnes gens exaltés de voir la maudite engeance des barbares enfin à genoux, conduite par les soldats qui décimaient au hasard. Satory nous attendait. Ce n’était ni un camp, ni une prison, c’était l’enfer sur Terre. Nous étions la chienlit qu’on écrase, la flamme qu’on éteint la révolte qu’on piétine. Sur nos paillasses de boue, à Satory, nos nuits de terreur n’étaient troublées que par le fracas des chassepots. On n’y mourait pas, on y agonisait, t’en souviens-tu ? Et pour ceux qui n’avaient pas eu la chance d’y être fusillés, la longue route reprenait vers les pontons et les bagnes lointains. Elle reprenait sous les huées des gens de biens, qui nous promettaient l’abîme pour crépuscule et l’enfer pour l’auber.
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