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Citation de Jangelis


Où mon père m'annonce que je vais faire mon entrée dans le grand monde

Comment j'ai rencontré cette (...) d'Olympe ? Je sais, je sais, ça commence mal. Dès le début, au sixième mot. Que faire ? La vulgarité, c'est une histoire de famille. Non seulement, on est comme ça, à dire des jurons à tout bout de champ, mais c'est même notre marque de fabrique, notre gagne-pain, notre image de marque. Si c'était mon père qui racontait cette histoire, il en aurait mis un dès le premier mot. C'est certain. D'ailleurs, ce matin-là, quand il a fait irruption dans la salle d'armes, il ne s'en est pas privé. Je l'entends encore avec sa grosse voix : «(...) de (...) de ça c'est une (...) de bonne journée qui s'annonce !» Quatre jurons dans la même phrase, pas mal, hein ? Un vrai champion.
Maintenant que je suis vieux et que ma situation n'est plus la même, j'ai changé ma manière de causer. Je suis beaucoup moins grossier que dans mes jeunes années. Bien obligé. Autour de moi, on ne supporterait pas que je me laisse aller à parler comme le faisait mon père. D'ailleurs, pour peu qu'un de mes rejetons tombe aujourd'hui sur ce manuscrit, il serait capable de barrer, de raturer, de biffer sans remords tous les mots qu'il n'estimerait pas dignes de moi. Comme si je n'étais pas assez grand pour savoir comment je dois écrire !
Si je prends la plume, confortablement installé sous mon édredon, ce n'est pas pour raconter mes vieux jours. Sans intérêt tout ça, j'en ai peur. Non, mes aventures quand j'avais seize ans sont bien plus amusantes. Comment un jeune homme a manqué de finir dévoré par des chiens, a échappé aux galères royales, a survécu à deux cérémonies de mariage, trois rencontres avec des dragons, une meute de révoltés sanguinaires, un complot machiavélique et quelques duels à l'épée ? Voilà qui est autrement plus palpitant.
Si je disais que je me cache pour écrire, on ne me croirait pas, et pourtant ! Le bon Gaspard ouvre l'oeil. Il s'inquiète pour moi, le brave homme. Surtout, il craint que mes enfants ne lui reprochent de me laisser me fatiguer. Ce domestique fidèle, comme ma (trop) nombreuse descendance, ne comprendrait pas que je veille la nuit pour couvrir du papier avec des histoires d'un autre siècle, celui où je suis né.
J'ai caché mon matériel - papier, crayons et écritoire - sous mon lit. J'ai fait le mort jusqu'à ce que ce que Gaspard vienne vérifier que je dormais bien. Une fois que j'ai entendu ses pas s'éloigner dans le couloir, j'ai aussitôt rallumé la chandelle pour me mettre à l'ouvrage.
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