Debout près du mur de l'église, Séverin regardait le ciel de nuit, dont une grande partie était cachée par la masse sombre du bâtiment. C'était le temps des changements, de l'usage des armes et d'une forme de guerre éternelle, avec un soupçon d'étrange - les vampires, contre les tueurs de vampires. Il était dans un état de rêve, lui, le vagabond de la cité des astres et de la cité des ombres, devant cette forteresse des étoiles ; caillou dans le ciel. En terre étrangère, il contemplait ce qui au fond était un cas de conscience. Il était à la fois l'homme plus, produit d'une humanité et demie, et l'homme démoli, sur cet échiquier du mal où s'affrontaient ses deux natures : l'expérience terminale de l'homme multiplié.
Séverin Desjaune ouvrit les yeux dans le noir. L'homme attendit un instant, le temps de s'éveiller complètement, puis cessa de crier.
Elle était partie.
L'esprit envahissant de la femme l'avait quitté au réveil. Elle avait disparu. Elle... n'était plus là.
Les sensations n'étaient pas "que" les sens. Alors pourrait-il vivre uniquement sur ces sensations, celles des sens plus les autres ? Il commençait à être à court de mots pour ce qui lui passait par la tête. Quelque part, il avait conscience que le mot "pensée" avait autant de consistance que les mots "truc" ou "bidule", lorsqu'on parlait des processus de l'esprit.
- Ma femme, Clarisse, va aussi mal que l'on puisse aller sans être tout à fait mort, j'imagine. Et ce que ça me fait, c'est que je suis apparemment devenu ce que tu pourrais appeler "psychologiquement" instable. J'ai fait un certain nombre de choses que je ne ferais probablement pas dans mon état normal, à commencer par une bonne cuite, quand j'ai appris la nouvelle, jusqu'à finir ici en train de te raconter comment je me sens.
(Séverin)