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Citation de Charybde2


Devant des fuselages d’avion, sur les routes de la Californie, je traque ses secrets, ses parades animales. Sa peau est si fine que la lumière s’y accroche, que sa fragilité passe au travers. Il suffit de mettre le commutateur su « on », d’enfiler clic et reclic pour que Norma Jeane dégage au quart de tour des vibrations sexuelles. Mon Canon braqué sur ses cuisses nues, je suis le chasseur qui lui donne vie. Les paquets de photons que libère l’appareil courent vers mon amante, s’engageant dans un cordon ombilical invisible qui la transfigure en déesse. Mais rien de magique ne se passerait sans le mouvement en sens inverse : de sa chair auréolée d’un halo s’échappent des grains de lumière, un chant d’érotisme que je recueille dans mon boîtier. C’est plus que de la photogénie, c’est une recherche éperdue, une course à travers les images, une façon de ne pas sombrer. L’été 1945, à Death Valley, à Riverside, elle irradie bombe atomique, électrochocs de volupté, elle me jette au visage son corps ouvert, prêt à servir, à être immolé, elle viole l’objectif autant que ce dernier la saute, la pénètre. Consciente de l’impact esthétique de chacune de ses mimiques, de chacune de ses expressions, ma petite ouvrière calcule tout, contrôle tout. Mais ma Baby Blue désaxe ses poses par ses fêlures, un tremblé monte dans l’image, casse le figé, Norma Jeane se retire au sommet de son offrande. Les hommes voient la pute lascive. Son corps pulpeux, ses spasmes d’enfant brillent comme un immense clitoris. Les hommes tapissent leur cervelle de la nouvelle bombe, une vamp encore un peu gauche venue du cloaque de l’Amérique, une Cosette trouvée sur un rayon de Prisunic. Ils ne voient pas la biche aux abois, la sauvagerie de Mowgli dans la playmate qui me déboutonne le pantalon et sort mon membre que ses lèvres brillant d’un rouge sombre avalent, ils ne voient pas les pupilles dilatées d’effroi de la créature haletante qui m’enfourche en bredouillant « papa ».
Sans photos, Norma Jeane est comme une fleur privée d’eau. Perdant l’existence, elle retourne à l’anonymat du tombeau, attendant que l’appareil vienne la déterrer, la somme d’irradier, lui enjoigne d’exhiber sa nudité, son mirage. Amputée du regard des autres, sans la sensation d’être l’objet de tous les désirs, sans la vibration de son corps mordu par la libido de ses admirateurs, elle coule, pantin crevassé, dans le no man’s land des non humains. En deuil d’elle-même.
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