Je mis du temps à m’habituer à ma nouvelle vie et à oublier le papa disponible que j’avais connu jusqu’alors : celui qui épluchait patiemment mes châtaignes chaudes tandis que ma sœur et mes frères s’y brûlaient les doigts ; celui qui écrivait mon prénom sur le bord de mon assiette avec les lettres des « pâtes alphabet » du potage du soir (...) celui qui me promenait le dimanche dans une carriole à chien attelée à sa mobylette bleue ; celui que j’allais rejoindre discrètement durant sa sieste quand j’arrivais à échapper à la vigilance de ma mère. Je dus faire connaissance avec un père caméléon, excédé de fatigue, aussi généreux que cruel, aussi joyeux que colérique. Vivre sur la « planète père » devint une aventure à haut risque.