Véronique Ribera

Les quatre Éveillés se dévisagèrent sans un mot, débordés par la signification des paroles d'Hilel. Leurs cœurs battaient sourdement, pulsation lourde et intense. Dehors, la vie se poursuivait tranquillement. Mais autour d'eux vibrait une nouvelle Énergie, d'où il fallait évacuer toute peur. Les perspectives se recombinaient pour ouvrir un "à-venir" inconnu et trouble, mais où, enfin, l'action semblait possible.
La partie reprenait.

Hilel ricana.
- Le public a-t-il réellement envie de savoir ? Depuis le temps que les signaux d'alarme sont allumés, que les lanceurs d'alerte démontrent qu'on marche à l'envers, que les scientifiques prouvent que le dérèglement climatique est lié aux activités humaines modernes, les habitants de ce monde continuent à offrir leur âme à ces familles. En échange de quoi ? De malbouffe sous plastique, de programmes télé débilitants, de matériel inutile qu'ils oublient dans un placard sitôt acheté. Tu les as vu se précipiter dans les magasins pour le Black Friday ? Ça me donne envie de vomir... Alors, me sacrifier et sacrifier ceux que j'aime pour ça ? Je crois pas, non.

- Nous sommes proches du but, renchérit l'un des hologrammes. Nos systèmes sont utilisables à grande échelle, les derniers tests le prouvent. Quand l'heure sonnera, lorsque la Terre se rebellera de manière définitive, nos associés seront en sécurité, sous notre protection. Les autres n'auront qu'à s'en remettre à leur Dieu, quel qu'il soit.
La messe était dite. Elle condamnait sept milliards de personnes.

Lors de ses plongées en lui-même, les pensées négatives flottaient autour de lui. Il sentait l'égrégore puissant et dense, qui ceinturait la planète de ses noirs desseins, planer à ses côtés. Il s'employait à faire le vide pour l'empêcher de s'insinuer en lui. Nourrir le loup blanc pour éviter de grossir la tempête qui menaçait à l'extérieur.

L'air est lourd, suffocant. L'espace manque entre les quatre murs de béton ; le plafond accentue la sensation d'oppression. Des sanglots résonnent parfois, vite étouffés. Certains se pressent les uns contre les autres, dans une tentative désespérée pour se rassurer. Personne ne parle. Ça ne sert plus à rien.

L'heure n'était pas à se réjouir, mais cela valait toujours mieux que d'attendre sans rien faire, à regarder sans cesse par-dessus son épaule, pensa-t-elle. Tout plutôt que de ressasser sans fin les événements de la veille !