[Les habitants de Kyoto] "accordent par contre la plus grande importance aux uniformes. De l'écolière au chauffeur de taxi, chaque catégorie dispose de son costume; la devise nationale est Deru kugi wa, itareru, 'le clou qui dépasse, on lui tape dessus'. Cette multiplicité d'uniformes entraîne une forme d'exotisme qui fait l'enthousiasme des visiteurs, et peut provoquer un sentiment d'oppression si l'on oublie de se rappeler la part de comique qu'elle recèle. Je ne veux pas parler de la beauté des kimonos, mais de ces vieillards en costumes de généraux qui règlent avec des solennités de stratèges le stationnement des vélos à l'entrée des supermarchés ... de ces quinquagénaires hagards en habits de playmobil dormant debout en faisant semblant de régler la circulation ... ou de ces chauffeurs de taxi arborant des casquettes de commandants de porte-avions qu'ils font descendre jusqu'au solen vous ouvrant la portière.
Si l'on ajoute à ce théâtre ces grappes de gamines hautes comme trois pommes drapées dans de petits costumes marins, trottinant par les rues, furetant sur les quais du métro, s'assemblant autour du baobab d'un distributeur de boissons, les yeux disparaissant sous les bobs aux allures de casques d'exploratrices, le Japon a l'air d'une innocente bande dessinée, accentué encore par l'aspect carton-pâte des habitations.