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Critiques de Vincent Haegele (18)
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Trésors des Bibliothèques de Versailles

Les bibliothèques de Versailles abritent un important fonds patrimonial, constitué à partir de dons et de saisies révolutionnaires. Ce trésor fait de temps à autre l’objet d’expositions temporaires, comme ce dernier automne dans la galerie d’apparat du duc de Choiseul, à l’Hôtel des Affaires Etrangères et de la Marine.





Sur les 55 000 pièces anciennes et précieuses conservées, 160 ont été présentées au public. Une centaine sont photographiées et commentées dans ce livre grand format, structuré de la même façon que l’exposition, c’est-à-dire en fonction de ce qui fait la valeur des oeuvres. La visite-lecture commence par les plus anciennes : tablettes cunéiformes et monnaies antiques. Elle pose ensuite la question « l’auteur fait-il le chef d’oeuvre ? » autour de pièces plusieurs fois attribuées et réattribuées. Ce sont ensuite la provenance prestigieuse, révélée par les armes des reliures, les ex-libris, les annotations manuscrites, puis la rareté des éditions, enfin la valeur esthétique ou artistique, entre reliures d’exception, matériaux précieux, dessins originaux de maîtres tels Fragonard ou Goya, qui se relaient comme dans une course à la distinction. Le panorama s’achève sur une sélection de faux célèbres - fausses monnaies et faux manuscrits, provenances erronées -, eux aussi esthétiquement ou historiquement remarquables.





Précisément documenté, cet ouvrage séduira bien sûr les passionnés d’histoire de l’art et du livre, mais aussi les simples curieux, amateurs de musées ou lecteurs fascinés par les bibliothèques, où ne murmurent d’ailleurs pas que des livres mais aussi, comme ici, des objets qui ont beaucoup à raconter : tabatière devenue reliquaire, service de porcelaine prétendument offert par Marie-Antoinette, bague à l’histoire aussi mouvementée que controversée, fausse statuette antique fétichisée par l’un de ses propriétaires, bustes de plâtre, malle américaine portant l’inscription « books not bullets » - une de celles utilisées après-guerre pour l’envoi dans le monde d’ouvrages pour la jeunesse…





Une belle occasion de découvrir les trésors cachés, fragiles et ordinairement inaccessibles, de l’un de ces lieux magiques et mystérieux que sont les vieilles et somptueuses bibliothèques.





Merci à Babelio et aux éditions Faton pour cette intéressante découverte.
Lien : https://leslecturesdecanneti..
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Trésors des Bibliothèques de Versailles

Reçu le 23 décembre 2023





Un immense Merci pour ce magnifique catalogue d'exposition aux éditions Faton et à Babelio , pour ce Masse Critique de fin d'année.



Lecture faite aussitôt avec curiosité et avec quelque étonnement car les trésors présentés ne concernaient pas seulement les livres, mais aussi des objets, de la numismatique, des sculptures, dessins, peintures, etc.



220 années d'existence de cette Bibliothèque de Versailles qui a pu accumuler des trésors classiques ou singuliers...



D'autant de livres, documents rares et précieux, objets d'art uniques, jusqu'à des " faux

sublimes "(*Deux fausses Lettres de Michel de Montaigne).



Quels points communs ? : peu, si ce n'est d'avoir transité pour des raisons multiples, à Versailles: un Roi, puis des collectionneurs et mécènes célèbres..de la ville ont légué leurs trésors, sans oublier les aléas de l'Histoire qui fit du Château de Versailles un dépôt des oeuvres confisquées pendant la Révolution!



"III- La Provenance



En raison notamment de la proximité du Château de Versailles, devenu sous la Révolution lieu de dépôt et de tri des oeuvres et livres confisqués aux nobles émigrés et aux membres du clergé pour constituer les bases d'une collection nationale, un grand nombre d'ouvrages de provenance royale et princière ont formé le noyau originel des fonds de la Bibliothèque municipale de Versailles. Les dons, legs et acquisitions postérieurs ont enrichi ces collections de documents ayant appartenu à de prestigieux possesseurs."





Très beau livre qui passionnera tous les amateurs d'Histoire, du Patrimoine et bien sûr des livres et documents rares et précieux...Ce catalogue très bien fait a le grand mérite d'une iconographie exceptionnelle, avec une présentation permettant plusieurs niveaux de lecture, avec des paragraphes colorés distincts explicitant tour à tour:



- la description de la pièce

- Identification, provenance, historique...

- éléments bibliographiques, etc



Le catalogue se divise en 6 grands chapitres:



- L'Ancienneté

- L'auteur

- La Provenance

- Raretés

- Splendeurs

- Faux trésors



Des illustrations en couleurs sur papier glacé, et le plus souvent en pleine page...

nous faisant voyager de manière magique à travers les siècles : du Roi collectionneur Louis XVI, à Pierre Louys, Louise Labé, Miguel de Cervantes, Francisco de Goya, jusqu'à une toute dernière sculpture d'Ossip Zadkine

( représentant le mécène , Claude Aveline )..., ainsi qu'une somptueuse reliure de Rose Adler...



Les sources et une bibliographie complètent comme il se doit ce livre d'art qui est aussi une publication impressionnante en connaissances historiques et artistiques...!



Il y aurait encore énormément à commenter; je vais juste signaler un personnage rencontré, incroyable: un faussaire de génie ( créateur des 2 fausses lettres de Montaigne, conservées dans cette collection:.

L'artiste coupable se nomme Denis Vrain Lucas

( 1816-1881) : " La vie de (*** cet écrivain-faussaire) est un curieux roman d'aventures littéraires et judiciaires que n'aurait pas renié Honoré de Balzac"



J'allais omettre que cette publication est présentée par une préface jubilatoire d'Emmanuel de Waresquiel, dont je ne peux résister de vous transcrire un extrait :



"Avant-propos d'Emmanuel de Waresquiel,

" D' Encre et de lumière :



L' historien est à la tortue ce que le poète est au faon.Il porte ses livres sur son dos et n'a pas la démarche légère. Nos bibliothèques sont à notre image. Elles disent nos goûts et nos passions, nos tics, nos tocs et nos travers d'érudits.La mienne est en désordre permanent.Elle n'est pas classée par ordre d'auteurs,ou d'époques ou de pays mais selon l'usage temporaire que j'en fais par rapport à l'écriture de tel ou tel livre.Je m'y promène comme en apnée, j'y reconnais mes livres à la couleur de leur dos, à leur épaisseur ou à leur grosseur de leurs titres.C'est une bibliothèque de fonds marins, qui change sans cesse selon les courants ou la clarté de l'eau. Les livres que je découvre dans mes propres rayonnages sont toujours ceux que je préfère. On les oublie, on ne se souvient plus de leurs auteurs, on les retrouve et c'est comme si on les lisait pour la première fois."



Ce bel ouvrage m'a offert un plaisir supplémentaire : celui de retrouver des souvenirs abondants touchant mes années captivantes de catalographe en librairie ancienne , lorsqu'après moult recherches, je rédigeais des notices très détaillées pour des catalogues de ventes aux enchères de livres rares et précieux !..

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Révolution impériale

Une approche originale de l'histoire de l'empire napoléonien. Plutôt qu'une analyse systématique à la façon de Thierry Lentz, l'auteur multiplie les points de vue, les analyses des situations géo-politiques vécues en Italie, en Espagne, en Hollande, décrit les parcours de diplomates, de chefs militaires et des membres de la famille Bonaparte. Les causes de la chute de l'Empire sont bien analysées : le blocus continental impossible à appliquer, la guerre inextricable en Espagne, la campagne de Russie, l'opposition catholique. Un récit pluriel très dense qui éclaire cette période fondatrice de l'Europe née de cette Révolution impériale.
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Napoléon et les siens

Dédie à Emmanuel de Waresquiel (dont je lis la biographie de Talleyrand), ce livre est un condensé de l'histoire de France entre 1769 et 1815.

Un travail de qualité pour aborder Napoléon, sa famille et ses proches en politique.

Vincent Haegele, l'auteur précise dans sa conclusion:

" le constat fait par Emmanuel de Waresquiel (que j'ai le privilège de compter parmi mes amis) que l'on ne perd jamais son temps à retourner vers la source première, celle offerte par les archives."

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Trésors des Bibliothèques de Versailles

Reçu dans le cadre de Masse Critique de décembre 2023, le beau catalogue d’exposition : Trésors des bibliothèques de Versailles, porte bien son nom. Merci à Masse Critique et aux éditions Faton pour cet envoi. Un bel ouvrage de niche pour bibliophiles avertis pourrait-on se dire au premier abord. Or, il n’en est rien.

Décliné en six grands mouvements, aussi alléchants les uns que les autres, l’exposition livre peu à peu ses trésors, chacun riche d’une histoire particulière. L’ancienneté ; l’auteur ; la provenance ; raretés ; splendeurs ; faux trésors : sont les angles d’attaque du livre qui parlent au lecteur dans une approche résolument tournée vers l’ouverture et l’actualité. Ce qui est heureux car on pourrait facilement tomber dans l’excès inverse. Les faux trésors évoquent les fake news et sont particulièrement intéressants à cet égard.

J’ai un faible pour les Caprichos inventados y grabados de Goya, recueil de 80 planches gravées à l’eau-forte. Une planche est mise en exergue, trois personnages saisissants et roublards entourés de chauve-souris, dont l’humanité le dispute au grotesque. L’approche du catalogue est toujours intéressante et fait inconsciemment résonner l’imaginaire du lecteur :

Le mot Caprichos est décrit et situé historiquement : « …le capriccio devient au XVIIIe siècle un genre fondé sur la représentation de paysages fictifs, où figurent souvent des ruines imaginaires et des éléments architecturaux fantaisistes, (…) ». Goya s’inscrit dans un moment d’évolution de ce style, qui peut, par résonance, en évoquer d’autres, littéraires et visuels, comme le Steampunk. Se fondre à un moment dans un style toujours mouvant…

La description de l’ouvrage et la photo de celui-ci font également rêver pour le novice (c’est mon cas) en livre ancien : « Les planches de notre exemplaire ont été tirées en 1799 sur papier vergé sans filigrane, avant le biseautage des cuivres. Elles portent probablement leur reliure espagnole d’origine, en veau vert jaspé selon la technique dite de la pasta española. »

Veau vert jaspé…

Biseautage des cuivres…

Autant d’évocations poétiques à l’œil du lecteur.

Une très belle découverte donc, qui se laisse feuilleter et parcourir au rythme de chacun.

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Infographie de l'Empire napoléonien

Un livre d’infographies sur l’Empire Napoléonien qui m’a plutôt déçu. Non pas pour sa qualité, je vais y revenir, mais par son manque de clarté.

Il faut reconnaître que c’est un ouvrage vraiment exceptionnel au niveau des données. Le livre explore l’Empire sous toutes les coutures : la généalogie de Napoléon, les institutions impériales, les communications au sein de l’Empire, les finances, les différentes unités de l’armée, la marine, la garde impériale, les campagnes militaires… bref, toute l’histoire du Premier Empire tient dans ces infographies.

Révère de la médaille, je me suis retrouvé souvent noyé sous la masse des données. Il y a des traits qui partent dans tous les sens, des petits carrés, des triangles, des illustrations de soldats… pour moi, c’est vraiment trop chargé, si chargé que je n’arrive pas à retrouver les informations essentielles - un comble pour un livre d’infographies !

Les textes sont totalement à l’image des infographies de cet ouvrage : des textes très denses - très intéressants certes, mais trop imposants.

J’ai tout de même apprécier les informations qui ressortent de cet ouvrage mais j’aurai aimé qu’il soit plus sobre et plus simple pour y trouver plus simplement les informations essentielles. Les aficionados de cette période y trouveront eux, complètement leur bonheur.
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Murat

L'originalité de cette biographie de Joachim Murat est dans l'étude comparée entre celui-ci et Napoléon Bonaparte, son illustre beau-frère. Néanmoins, l'auteur me parait surtout faire oeuvre d'archiviste dans cet ouvrage qui ne me parait guere avoir de profondeur psychologique.



Le livre nous décrit consensuellement un Murat ambitieux et impulsif alors que le personnage était plus que cela: amoureux de soi-meme a l'extreme, oscillant constamment entre euphorie et abattement avec le manque d'empathie caractéristique du narcissisme - un psychologue moderne parlerait aussi peut-etre d'histrionisme et de trouble bipolaire - qui apparait notamment dans la maniere systématique de mener ses hommes dans des attaques autant suicidaires que victorieuses dont il était, lui, certain de sortir vivant grace a une chance quasiment surnaturelle sur le champ de bataille. Par ailleurs, n'oublions pas les méthodes de Murat pour réprimer des émeutes de civils, tant en France qu'en Espagne, en faisant tirer dans le tas au canon et charger sabre au clair. Pour se faire une idée du souvenir qu'a laissé Murat en Espagne, il n'est que de voir le portrait glacant qu'a peint de lui Francisco de Goya. Murat se faire tirer le portrait par les peintres les plus en vue du moment, mais Goya ne lui a pas de cadeau, contrairement aux autres peintres dont les productions de style pompier nous montrent aujourd'hui l'image d'un demi-dieu a la fois brave (brave, il l'était assurément) et bienveillant que l'on dirait droit sorti d'une superproduction de Hollywood..



J'ai l'air ici de vouloir descendre en flammes Murat alors que dans la critique du livre "Murat" de Jean Tulard, j'ai fait part d'une certaine admiration pour le personnage, mais celui-ci est tellement peu ordinaire et son importance est telle dans l'épopée napoléonienne qu'éloge et condamnation trouvent tous deux leur place. En tout cas, nul doute que pour les nombreux admirateurs du roi Murat, ce gros livre soit une lecture autant plaisante qu'instructive.



Finalement, ce qui ressort forcément de toute biographie de Murat, c'est que sans lui - que Napoléon appelait son "cavalier flamboyant" - l'épopée napoléonienne n'aurait probablement pas eu cette amplitude faute des victoires éclatantes dues a la cavalerie de Murat. Celui-ci a donc en quelque sorte "fait" Napoléon, mais il l'a aussi probablement défait lorsqu'il refusa de prendre part a la bataille de Waterloo (ou le courageux mais peu inspiré Ney a mené la cavalerie a sa perte), ce qu'un Napoléon sachant apprécier son importance décisive dans les batailles ne lui a jamais pardonné. Par conséquent, si l'on accepte (ce qui est mon cas) que Napoléon a "fait" l'Europe moderne en protégeant la Révolution et en sonnant le glas du féodalisme européen, on est bien obligé d'admettre que Murat est aussi, a sa maniere flamboyante, un grand de l'Histoire.
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Vienne sous le soleil d'Austerlitz

En s'emparant de Vienne, Napoléon a changé le cours de l'histoire.
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Traîtres : Nouvelle histoire de l'infamie

Ce livre est passionnant au moins pour deux raisons. D’abord, il propose des grilles de lecture pour déchiffrer à nouveaux frais bien des épisodes de l’histoire [...]. Ensuite, il démontre, sur le plan de la méthode, l’intérêt qu’il y a à pratiquer une histoire globale.
Lien : http://www.nonfiction.fr/art..
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Infographie de l'Empire napoléonien

Chaque thématique est analysée et synthétisée dans des schémas qu’il faut prendre le temps d’étudier et d’admirer.
Lien : https://www.lhistoire.fr/liv..
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Des hommes d'honneur : Trois destins d'Anci..

Vincent Haegele écrit très bien: la lecture est fluide et agréable. En outre, ces histoires nous ancrent dans le quotidien de personnes peu mises en lumière suite à un minutieux travail de recherche. Les notions mises en avant sont multiples. Parmi elles: la famille, le droit avec ses résidus de droits féodaux, l'amitié, le mensonge, l'agilité, l'obéissance, la hiérarchie sociale et l'honneur bien entendu. C'est une véritable plongée dans le temps et dans l'espace, avec des rebondissements dignes d'un roman!
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Traîtres : Nouvelle histoire de l'infamie

« Traîtres. Nouvelle histoire de l’infamie », ces derniers sont rarement des stratèges, mais plutôt des pauvres types ayant accumulé les erreurs, lâchetés, échecs et humiliations. Leur mythologie en prend un coup.
Lien : https://www.nouvelobs.com/ch..
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Napoléon et les siens

Nous avons déjà chroniqué un livre de Vincent Haegele (1) consacré à « Trois destins d’Ancien Régime », que nous avions grandement apprécié. Avec cette étude intitulée « Napoléon et les siens », Haegele nous permet de suivre l’épopée impériale sous l’angle familial du clan Bonaparte.



Très souvent, les passionnés d’histoire napoléonienne suivent et étudient celle-ci en ne prenant en compte que la vision de l’acteur principal de cette tragédie, à savoir Napoléon. En agissant ainsi, ils se placent d’un point de vue partisan. En effet, ils peuvent oublier que les autres héros de l’épopée (frères et sœurs de l’Empereur et les maréchaux par exemple) disposent aussi d’avis différents et de leur libre arbitre. En couvrant d’un voile les pensées des acteurs de l’époque ou en occultant leurs contextes forcément particuliers, les historiens professionnels et amateurs passent sûrement à côté de l’essentiel et commettent irrémédiablement des erreurs d’analyse. L’intérêt de cette passionnante lecture de Haegele réside donc dans ce point précis : suivre l’évolution d’une famille française dans la tourmente révolutionnaire, en prenant en compte chacun de ses membres. N’oublions pas que les Bonaparte ont présidé aux destinées de la France voire de l’Europe.



Dans la vie d’un individu, qu’est-ce qui compte le plus ? Nous citons Haegele qui écrit dès la première page : « Tout oppose les partisans et les détracteurs du système né de la Révolution, excepté ce petit air : passent les régimes, la famille demeure quoiqu’il arrive ». Il s’agit d’une loi anthropologique non écrite mais fondamentale qui remonte à la nuit des temps. Comment juger ou plus exactement comprendre Napoléon et sa famille ? L’auteur écrit : « Que n’a-t-on pas dit et écrit sur la famille de l’homme dont le destin stupéfia le monde et changea radicalement le paysage européen, qui donna à la France des institutions pérennisées, une monnaie, un code ? A peu près tout et son contraire, mais une image domine toutefois, celle d’un clan avide d’argent, d’honneurs immérités et de dépouilles prélevées sur les cadavres d’antiques monarchies ».



Le tableau paraît tranchant mais, cependant, reflète-t-il réellement la vérité ? Haegele poursuit son propos de la manière suivante : « Des frères dissipateurs, des sœurs ambitieuses et dépravées, des épouses indignes, des cousins sans scrupules et leurs entourages de courtisans… tous traîtres, dilapidateurs et voleurs : voilà le portrait peu flatteur que beaucoup n’ont pas hésité à reprendre, à noircir à volonté ». Pourtant, comme le précise l’auteur, l’un des grands moralistes du siècle Joseph Joubert avait écrit : « Il est impossible de manier les affaires sans se salir de cupidité ». Nous le laissons libre de son propos. Le plus important, nous semble-t-il, n’est pas dans la moralité ou l’immoralité de la famille Bonaparte. La question principale n’est-elle pas de savoir quelle place il faut accorder à la famille de Napoléon tout au long de son illustre et incomparable carrière ?



A ce sujet, Haegele estime que « dès le commencement, le grand homme de son siècle est attaquable à travers sa famille : la publicité qui est faite de ses infortunes conjugales, les turpitudes avérées ou non de ses frères sont là pour mettre en péril un édifice aussi colossal que fragile, dont la légitimité est contestée. S’ajoute enfin la douloureuse question de l’hérédité et de la survivance. Voilà la faille. » Indépendamment du sujet de la transmission du pouvoir, Napoléon a toujours été considéré comme un parvenu par les vieilles têtes couronnées, même si le Pape Pie VII participa à son sacre.



De fait, Napoléon au début de sa carrière souhaite associer sa famille à sa réussite, à ses projets, à ses espérances, d’autant qu’il s’affirme vite comme le chef après la mort de leur père Charles, au grand désespoir de son frère aîné Joseph. Dans les biographies consacrées à Napoléon, Charles, se voit décrit comme un homme absent, lointain voire très effacé. Pourtant, c’était un père aimant ses enfants et un époux tendre, nonobstant des écarts conjugaux réputés. Très vite, Charles a compris que fonder ses espoirs sur une Corse indépendante relevait d’une chimère. Haegele évoque dans de longues pages le contexte géopolitique et intellectuel de la Corse et de l’Europe. Il précise également que les choix décisifs de Charles permettent à ses deux aînés d’obtenir une bourse et de suivre une scolarité sur le continent. La suite est connue…



Une fois arrivé au pouvoir, Napoléon conscient des forces politiques en présence décide de rétablir la monarchie à son profit. Haegele note : « Bien évidemment, nul ne peut construire une dynastie sans compter sur l’aide de son propre sang et c’est là le nœud gordien de toute l’entreprise complexe et incomparable de Napoléon Bonaparte : ses frères et sœurs ont accompagné, soutenu et parfois déterminé ce processus de conquêtes et de constructions civiles et militaires, partageant dès le début les douleurs de l’exil, la remise en cause systématique de leur place dans la société et les blessures d’amour-propre ». Napoléon avait acquis sa gloire par ses propres mérites, mais ses frères et sœurs pouvaient-ils en dire autant ? Il y a peut-être ici un des paramètres qui expliquent la chute finale de l’aventure napoléonienne. Ses frères et sœurs, et nous pensons ici au monologue de Figaro, ne s’étaient-ils pas donnés que la peine de naître ? Louis, un des petits frères de Napoléon, refusait les honneurs et les prébendes en justifiant son choix par la réponse suivante : « Je n’ai pas mérité cela… »



Cependant, Haegele précise « qu’il y a une mystique du pouvoir indéniable, qu’aucune Révolution ne pourra jamais abolir, et la force des Bonaparte est de l’avoir instinctivement mise en œuvre dès les premiers succès en Italie. C’est la perfection fine de cette mystique qui a permis aux Bonaparte de se hisser au plus haut niveau avec une aisance qui a confondu leurs contemporains, et confond encore aujourd’hui les historiens ». Tout au long de son entreprise, pour convaincre sa fratrie de la légitimité de ses actions, Napoléon parle toujours de « son système » sans vraiment jamais le définir. Toutefois, les Bonaparte ont conquis le pouvoir, et certains oublient que les succès de Napoléon, notamment le coup d’Etat du 18 Brumaire, ont parfois dépendu de ses frères et sœurs…



Haegele nous propose une histoire de l’épopée napoléonienne à la fois originale et pertinente, car elle met en avant des analyses nouvelles sur le système familial impérial loin des images noires et dorées auxquelles certains semblent habitués. Pour finir, nous conclurons par une citation de Napoléon qui nous invite à méditer sur les destinées des Hommes : « On peut s’arrêter quand on monte, jamais quand on descend ».



Franck ABED











(1) Des hommes d’honneur par Vincent Haegele, chronique littéraire publiée par l’auteur
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Des hommes d'honneur : Trois destins d'Anci..

Trois portraits d'hommes illustrant l'imbrication des relations sociales, malgré leur verticalité, dans la société française de la fin du XVIIIe siècle. Les parcours d'un marquis orgueilleux envisageant d'attenter un procès au roi, d'un spéculateur entraîné dans une affaire dont les intérêts le dépassent et d'un jeune officier envoyé à Ceylan par sa famille se trouvent ainsi étroitement mêlés
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Des hommes d'honneur : Trois destins d'Anci..

Vincent Haegele, historien, compositeur, conservateur des bibliothèques de Versailles, ancien élève de l’École nationale des chartes, archiviste-paléographe, a publié Napoléon et Joseph Bonaparte : correspondance intégrale 1784-1818, ainsi qu’une biographie croisée des deux frères susnommés. Il a également commis Murat : la solitude du cavalier ainsi que Napoléon et les siens : un système de famille. Avec son dernier ouvrage intitulé Des hommes d’honneur, il revient sur Trois destins d'Ancien Régime comme l’indique très clairement le sous-titre.



Il est toujours intéressant de comprendre et de connaître la genèse du travail d’un écrivain. Dès les premières lignes, nous lisons : « Ce livre est le fruit de quelques rencontres fortuites faites au hasard de mes affectations (j’aimerais dire affections) à Compiègne et à Versailles. Il arrive parfois que l’on ouvre un carton mal coté, mal inventorié, et que l’on se prenne au jeu de la découverte. » Il poursuit son propos de la manière suivante : « Le hasard voulut que je m’intéresse donc aux papiers d’un ancien chef de la sécurité de Napoléon, Pierre-Marie Desmarets, laissés en jachère depuis près de cent cinquante ans, dans lesquels dormaient plusieurs manuscrits d’une très grande valeur. » Une nouvelle fois, l’adage populaire se vérifie : « Le hasard fait bien les choses. »



De fil en aiguille, de cartons mal rangés en cartons peu ou pas étudiés, Haegele finit par tomber sur « les derniers papiers rescapés de la famille de Gouy ». Très vite, il perçoit l’intérêt de sa trouvaille : « Il y avait là l’essentiel des querelles mineures et des procès que le vieux marquis Louis avait intentés à ses voisins pour un mauvais bornage, un chemin de traverse, ou encore une paire de chapons gras à verser au titre des redevances seigneuriales. » A ce titre et en creusant la question, nous apprenons « que la chasse n’était pas qu’un loisir. Elle était le crible par lequel s’écoulaient toutes les questions de droit qui n’attendaient que d’être soulevées… » En définitive, l’auteur nous explique qu’il lui semblait « tenir une matière extrêmement vivante. Elle n’attendait qu’à être replacée dans le cadre qu’elle avait quitté ». Dans ce passionnant ouvrage, Haegele nous conte avec talent, après ce préambule, trois histoires d’antan. La première met donc en scène un marquis sûr de son droit « au point d’envisager de traîner le roi en justice ».



La deuxième se montre tout aussi captivante. Elle décrit « l’histoire d’un avocat spécialiste des questions de successions emporté dans des affaires de patrimoine en lien avec la Cour, et celle de son ami commis dans un grand ministère. Elle présente un panorama extraordinaire des mille et une manière de se constituer une clientèle fidèle, tout en flirtant avec les plus dangereuses relations. » Cette affaire nous plonge littéralement « dans le quotidien versaillais et parisien de deux amis, pris à la gorge par leurs obligations familiales, victimes tout autant qu’acteurs d’une société dont ils cherchent à tirer profit tout en jouissant de la vie dans ce qu’elle a de meilleur ».



L’auteur se livre à une surprenante mais agréable confession : « Antoine Le Bel et Armand Nogaret sont peut-être les hommes les plus émouvants qu’il m’ait été de fréquenter dans leur intimité, deux cents ans après leur disparition. Tout est tellement vivant dans leurs échanges : leurs joies, leur amour de la bonne table, le plaisir du partage, jusqu’à ce que la raison impérieuse vienne s’en mêler. » Eh oui, les questions financières et les dettes l’emportent souvent sur toutes les autres considérations, qu’elles soient amicales, familiales voire même amoureuses…



Avec sa troisième et dernière histoire, Haegele nous transporte « loin de la France, mais sur les traces d’un jeune Français frivole, débarqué à Colombo, aujourd’hui capitale du Sri Lanka, pour servir comme mercenaire dans un régiment loué par la Compagnie des Indes néerlandaises ». Nous le suivons pas à pas dans ces différentes pérégrinations résumées parfaitement par cette locution latine extraite d'un poème d'Horace : « Cueille le jour présent sans te soucier du lendemain. » Malheureusement pour lui, il se confronte à des hommes qui ne pensent qu’à une seule chose : le profit. Peu importe la religion, la couleur de peau, l’échelon social, les administrateurs de la dite compagnie ne basent leurs vies et leurs nombreux projets que sur l’argent, comme l’apprendra notre héros à ses dépens.



Ces « trois destins » ne nous offrent pas « un destin unique », mais ils présentent « la perspective d’une infinité de récits, car les hommes qui sont décrits ici ont participé, sans jamais la faire, à l’histoire. Ils ont vu certaines choses, croisé certaines personnes, vécu les désagréments de la roue de la Fortune ». De fait, Haegele avec son étude confirme ce que nous pensons « du travail même de l’historien : interpréter, se tromper, croiser, suivre un chemin qui n’était pas celui prévu au départ ».



Toutefois, Haegele estime à raison que « ces trois histoires sont loin de constituer un tout et ne donnent qu’une vision fragmentaire de ce que furent les dernières années de l’Ancien régime ». Il précise aussi qu’il « n’a été usé d’aucun artifice : les citations proviennent toutes des lettres et documents échangés entre les protagonistes et les quelques phrases qui peuvent être entendues ici et là ont été retranscrites par eux ».



L’objectif fixé par l’auteur et énoncé dans son épilogue se montre très ambitieux : « Notre intention, dans cette étude, était de donner au lecteur l’impression de comprendre l’Ancien Régime à travers toute la complexité des relations entre différentes catégories sociales : il s’agit certes d’une société d’une grande verticalité, mais dans laquelle les relations individuelles sont intimement imbriquées. » Après une lecture attentive et critique, nous pouvons dire que le résultat se montre plus que probant et à la hauteur des espérances fixées par Haegele. Etant donné que beaucoup semblent l’ignorer, il opère un rappel historique salutaire : « La société de l’Ancien Régime est tout sauf individualiste car elle requiert service et obligations. »



Néanmoins, il existe un danger social majeur que l’auteur décrypte parfaitement : « Un individu qui connaît les codes de cette société, en étant né à la Cour, et n’ayant aucune difficulté à en comprendre les usages, se voit d’emblée offrir des perspectives et peut-être une certaine illusion de participer au concert social. » Tout au long du XVIIIe siècle, beaucoup de membres du Tiers-Etat souffriront de ce mirage et voudront concourir pleinement, activement et directement à la conduite des affaires du royaume. Toutes ces aspirations exploseront sous le règne de Louis XVI et conduiront à l’ouverture des Etats-Généraux le 5 mai 1789.



Cependant, l’auteur note que « la Révolution française, en abattant les privilèges, ne reniera pas les notions de vertu et d’honneur, elle prétendra même revenir à leur origine, réelle ou fantasmée ». En effet, nombreux sont les révolutionnaires à prendre l’Antiquité gréco-romaine en référence. Certains changeront leurs patronymes pour adopter les suivants : Horace, Scipion et Brutus. Ce dernier étant considéré comme l’un des modèles à atteindre et à imiter. Effectivement, dans l’esprit des révolutionnaires, il avait tué le tyran César. Pourtant, Haegele développe non sans malice une idée lourde de conséquences : « Or la République romaine est aussi une république aristocratique, ce qu’oublieront volontairement certains tribuns parmi les plus virulents de la Révolution. »



Haegele nous présente une galerie de personnages à la fois très intéressants et surprenants, qui incarnent relativement bien la nature humaine : « Louis de Gouy rêve d’une propriété en tout point égale à celle de sa voisine ; Armand Nogaret et Antoine Le Bel apprennent à leurs dépens qu’il est vain de spéculer sur les réformes d’un Etat qui ne permet pas à ses sujets de disposer d’une égalité de traitement devant la justice. Quant à Etienne de Jouy, c’est la stupeur de se voir ramener à une simple valeur marchande. »



Avec ces trois destins, nous réalisons - une fois de plus - que l’Homme est bien souvent naïf, procédurier, attiré par l’argent et les gloires d’ici-bas. Les descriptions des paysages, des campagnes, des villages et des villes nous offrent une réelle vision de cette France du XVIIIe siècle. L’auteur, grâce à sa plume belle et alerte, nous immerge dans cette ambiance si particulière qui a fait dire à Talleyrand : « Qui n'a pas vécu dans les années voisines de 1789 ne sait pas ce que c'est que la douceur de vivre. » En fin de compte, ces remarquables biographies permettent de répondre à « la petite phrase de Montesquieu » mise à la forme interrogative : est-ce que « l’honneur ne reconnaît point de loi ? » Pour Haegele la chose est entendue et nous le rejoignons sans aucune hésitation dans sa conclusion : « L’honneur est un marqueur civilisationnel qui dépasse le cadre des siècles et des régimes… »







Franck ABED
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Infographie de l'Empire napoléonien

Cette Infographie de l'empire napoléonien devrait mettre tout le monde d'accord. Elle réussit à décrypter les rouages du Premier Empire, se mettant dans les traces de Napoléon et déroulant par extension les phases d'un monde en mutation.
Lien : https://www.lefigaro.fr/livr..
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Infographie de l'Empire napoléonien

Par l’association de vignettes, de graphiques de statistiques, de dessins, de photos, de cartes, de graphiques, l’infographie éclaire formidablement la vie et l’organisation de l’Empire de Napoléon.
Lien : https://www.lalibre.be/cultu..
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Infographie de l'Empire napoléonien

Deux historiens spécialistes et un infographiste livrent la substantifique moelle d'une période et d'un homme qui ne laissent personne indifférent.
Lien : https://www.lepoint.fr/livre..
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