Vladimir Hulpach

L'après-midi même, le chevalier souffrant fut transporté dans une maison de pêcheur d'où l'on découvrait la mer très loin. Iseut aux Blanches Mains s'occupa de Tristan du mieux qu'elle put, mais une fièvre de plus en plus forte l'accablait.
Il se mit à délirer et, de ses mots incohérents, la jeune fille apprit toute l'histoire de son amour pour la blonde Iseut et la raison pour laquelle elle devait attendre un navire aux voiles blanches. Malgré son désarroi, elle ne quitta pas son chevet.
Le troisième jour arriva enfin. Le chevalier n'avait plus de fièvre, mais il était tellement affaibli qu'il ne pouvait presque plus parler. Au prix d'un immense effort, il tournait les yeux vers la fenêtre pour demander à Iseut de lui dire si Gorvenal était de retour. Lorsque midi sonna, la jeune fille aperçut un mât à l'horizon.
- J'aperçois un navire, dit-elle alors d'une voix déformée par l'angoisse. Malgré les larmes qui lui voilaient les yeux, elle vit que la voilure était blanche comme neige.
Au même moment, Tristan à qui l'espoir semblait avoir redonné quelque force demanda :
- De quelle couleur sont les voiles?
- Noires, répondit-elle, sans même savoir ce qui l'avait ainsi poussée à mentir.
Dès lors, Tristan ne dit plus rien. S'approchant de son lit, la jeune fille s'aperçut qu'il était mort. Dans son désespoir, elle se mit à crier si fort qu'elle n'entendit même pas la porte s'ouvrir derrière elle.
La reine Iseut et Gorvenal se tenaient sur le seuil. Alors seulement Iseult aux Blanches Mains se tourna vers les nouveaux venus et leur dit, entre deux sanglots :
- Vous arrivez trop tard, trop tard...
La blonde Iseut s'approcha lentement du lit pour donner un dernier baiser à son bien-aimé. Mais, lorsqu'elle sentit ses lèvres froides, son cœur se brisa, et elle tomba morte à ses côtés.

Telle fut la fin tragique du grand amour qui avait uni la plus belle princesse d'Irlande au chevalier Tristan né dans la douleur et le chagrin.