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Citation de Partemps


Le je ne sais-quoi

Le charme est dans l'agent ce que la tranquillité d'âme est dans la conscience du patient; en sorte que si l' « acquiescentia animi » est un événement subjectif, le charme désigne, lui, cette mystérieuse propriété de l'objet musical à laquelle nous attribuons notre propre conversion à la paix. Le charme est essentiellement chose problématique, et chacun sait qu'il n'y a pas de recettes pour en avoir, l'idée même d'une « technique » du charme ayant, comme celle de charmeur professionnel, quelque chose de burlesque qui fait peine ; on ne peut à la fois avoir du charme et le dire, encore moins le professer. Le charme est une de ces qualités labiles qui, comme l'humour, l'intelligence ou la modestie, n'existent que dans la parfaite innocence et dans la nescience-de-soi [1]. C'est le cas de dire, avec Angelus Silesius : ce que je suis, je ne le sais pas ; et ce que je sais, je ne le suis pas. De cet impalpable il n'y a donc pas philosophie, sinon négative ou apophatique, les prédicats par lesquels on le qualifierait n'exprimant jamais que des privations : le charme est inexplicable ; le charme, en tant que qualité simple, est irréductible ; en tant que non subsumable sous un concept, il est indéductible ; le charme est indivisible ; le charme est indéfinissable, ne se définissant que par soi ; le charme enfin est inexprimable, c'est-à-dire à la fois indicible et ineffable. Quelque nature qu'on lui assigne (par exemple la grâce, le naturel ou la simplicité), il est toujours autre chose, pour la bonne raison qu'il n'est pas « chose », Res. En soi il n'est rien, et même il n'Est pas : fait de rien, comme on dit, il est luimême un pur Rien. Toujours autre que ce qu'il est, comme la liberté, le mouvement et la vie, il est aussi toujours ailleurs. Est-il plutôt dans le sourire, ou plutôt dans le regard ? En vérité le charme n'est pas plus localisable ou repérable que la musique de Fauré elle-même, dont nous montrions l'indifférence aux déterminations géographiques [2] et pittoresques où le tourisme est présent, le charme de l'innocence et de la spontanéité est absent. Le charme, étant inassignable, est l'alibi perpétuel. Comment un art où l'utopie dépayse sans cesse la topographie ne serait-il pas un art de charme ? « Nusquam est, quod ubique est », dit Sénèque.
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