Extrait 1 : Roméo et Juliette : premiers échanges :
"Mercutio, toujours audacieux avec les femmes, tel un lion parmi les agneaux, s'empara soudain de la main de Juliette - Juliette aux mains froides comme glace de montagne, été comme hiver, même à proximité du feu. Assis à la gauche de Juliette, Roméo s'aperçut que Mercutio la tenait par la main droite et, pour éviter d'être supplanté dans son intention, lui prit l'autre main et la serra un peu ; ému par cette faveur singulière, il demeura interdit, incapable de s'exprimer. Lorsqu'elle le vit changer de couleur, elle comprit que la faute en revenait à la force de son amour et, désireuse de lui parler, elle se tourna vers lui et lui dit, d'une voix tremblante où se mêlaient la pudeur virginale et une certaine timidité :
- Béni soit l'instant où vous vous êtes approché.
Elle allait poursuivre sur le même tom mais l'amour lui scella les lèvres et elle ne put achever son propos. Alors le jeune homme, transporté par une joyeuse satisfaction, lui demanda en soupirant à quoi il devait cette heureuse chance ; Juliette, que les regards poignants et l'abord souriant de Roméo avaient enhardie, lui dit alors :
- Monsieur, rien d'étonnant à ce que je me réjouisse de votre venue, quand messire Mercutio, qui me tient la main depuis un moment, m'a transmis le gel de ses mains glacées, alors que par votre courtoisie vous l'avez réchauffée.
Ce à quoi Roméo rétorqua :
- Madame, si les cieux m'accordent la faveur de vous rendre service, moi que le hasard a conduit ici en compagnie d'autres messieurs, je m'estime heureux et je ne réclame d'autre récompense pour me combler de satisfaction dans ce monde que de vous servir, vous obéir et vous honorer aussi longtemps que durera ma vie, ce que l'expérience vous prouvera amplement quand vous souhaiterez éprouver mon dévouement. En outre, si ma main en touchant la vôtre a pu vous transmettre la moindre chaleur, sachez que ces flammes sont mortes en comparaison des étincelles jaillissantes que jettent vos beaux yeux quand ils émettent ce feu violent qui a si farouchement enflammé les parties les plus sensibles de mon corps : si vos bonnes grâces ne se portent pas à mon secours, je ne peux manquer de me consumer complètement.