J'ai rarement vu ma mère triste, enfant.
La génération de mes parents n'aimait guère qu'on porte ses émotions en bandoulière. Il fallait la mort de De Gaulle pour se laisser aller à pleurer en public, comme dans ces actualités de novembre 1970 pleines de foules silencieuses, hommes en imper, femmes en fichu dans le matin maussade. En toute discrétion, elles essuient leurs yeux dans un grand mouchoir à carreaux, ils balayent d'une main preste les larmes qui n'en font qu'à leur tête sur leurs jours.
Ce jour là pourtant, ma mère n'a pas pu me cacher qu'elle éprouvait une vraie tristesse.
J'ai toujours, malgré tout, une drôle d'impression quand je repense à cette année. C'est comme un doute. Une sensation persistante, entêtante, et pour tout dire un peu amère. le sentiment d'avoir laissé ce début de décennie 1980 "me la faire à l'envers".