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Citation de dourvach


Ils firent descendre le mort dans la fosse creusée dans le sol gluant. [...] L'imam lut le Coran. Les hommes, mains croisés sur la poitrine, l'écoutaient en aspirant le parfum amer des myrtes. Il se remit à pleuvoir. Moustafa Bey s'écarta de la tombe, en traînant les pieds, voûté comme ployé sous le poids de ses sombres réflexions. Il ne pensait ni au mort, ni à la mort. Il n'avait qu'une idée en tête. Il pensait à Derviche Bey. Un liquide jaunâtre, tiède comme le sang, coulait sans cesse des blessures du mort. Et bientôt, la tombe en serait pleine...
« D'ici cinq jours au plus tard, Derviche bey sera tué. A tout prix. Car tout est prête pour le tuer. Tout est prêt depuis des années. »
Ce que faisait Derviche bey, sa façon de vivre, ses moindres gestes, Moustafa bey était au courant de tout. Et cela depuis qu'ils étaient tous deux des enfants. Depuis cent ans peut-être, chacune de ces deux familles savait tout ce qui concernait les membre de l'autre famille. Un ennemi ne pardonne jamais. Et personne ne peut vous connaître aussi bien que votre ennemi. Pour les Akyollous, le manoir qui se dressait sur la colline, à l'ouest des eaux du Savroune, était pareil à une sombre et terrifiante montagne de mort, qu'ils apercevaient dès qu'ils ouvraient les yeux. Et pour les habitants du manoir des Sarioglous, le manoir des Akyollous, également bâti sur un ancien tumulus, représentait la mort sombre et la peur de la mort. Aucun des Akyollous n'avait jamais pénétré dans le manoir des Sarioglous, mais ils en connaissaient le moindre détail, tout comme s'ils y étaient nés, comme s'ils y avaient grandi. Et les Sarioglous connaissaient de même le manoir des Akyollous.

[Yachar KEMAL/ياشار كمال , "Meurtre au marché des forgerons" ("Demirciler çarşısı cinayeti"), 1973, traduit du turc par Münevver Andaç pour les éditions Gallimard (Paris), 1981 ‒ chapitre 4, coll. de poche "folio", pages 85-86]
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