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Les Seigneurs de l'Aktchasaz tome 1 sur 3
EAN : 9782070233342
574 pages
Gallimard (22/01/1981)
3.75/5   6 notes
Résumé :
Au pied des montagnes du Taurus, décor familier aux lecteurs de Yachar Kemal, deux familles s'abîment dans une vendetta héréditaire. On a tué le frère aîné de Derviche Sarioglou qui fait assassiner le frère de Moustafa Akyollou, lequel doit, à son tour, venger sa famille. Les deux hommes, des beys, s'épuisent à se tendre des pièges mortels. Enfermés dans leur propre univers, aveugles à ce qui se passe autour d'eux, ils ne voient pas apparaître les nouveaux maîtres, ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
« Ils sont montés sur ces beaux chevaux, tous ces gens si bons, et ils s'en sont allés... »

Kemal, Yaşar Kemal, ياشار كمال , de son vrai nom Kemal Sadık Gökçeli, c'est Homère. Mais qui lit Homère, aujourd'hui ? Fort peu de monde, il est vrai. Mouais. Pas une raison...

"Meurtre au marché des forgerons" [« Demirciler çarsisi cinayeti », 1973] suivi de "Tourterelle, ma tourterelle" [« Yusufçuk Yusuf», 1975], c'est "L'Iliade" retrouvée dans la mémoire fabuleuse d'un aède, chantée par le même - rhapsode s'accompagnant de sa lyre anatolienne.
Et tout autant un diptyque proprement cinématographique, "courant de conscience" surchargé de couleurs, sensations, odeurs de marais, ruissellements de sang, crépitements de pluie...
Un peu de l'inoubliable "Columba" [1840] du bon Prosper MERIMEE.
Car la vendetta entre les Sarioglou et les Akyollou n'a pas vraiment d'âge, pas de frontières - elle a toujours été tapie dans le coeur des hommes.

" Demirciler çarşısı cinayeti " est donc le premier des deux volets que publia en 1973, dans sa Turquie encore très "Mustafa Kemalienne" le romancier kurde - écrivant dans "sa" langue turque réinventée - Yaşar KEMAL (1923-2005) né Kemal Sadık Gökçeli à Hemite, près d'Osmaniyé - Sud-Est de l'Anatolie [Anadolu].
Un roman volumineux (600 pages en édition de poche) traduit en français en 1981 par l'extraordinaire Münevver Andaç - respectant le rythme des phrases, le phrasé mélodieux et pour tout dire le lyrisme particulier à l'auteur.
Le titre du diptyque ? "Akçasazın Ağaları" ["Les Seigneurs de l'Aktchasaz"].
Mais nous voilà au seul Pays universel d'une très belle langue orale : simple et sans apprêts, âpre et puissante comme un soufflet de forge. Toujours devant reprendre son ample respiration...
Elle est la langue du Mythe : toujours originale et comme née des étoiles ou des étincelles du feu des campements. La langue des rhapsodes.
Les rhapsodes étaient ces "aèdes grecs [parcourant donc rivages et "arrière-pays" anatoliens] qui allaient de cité en cité en récitant des poèmes épiques".
Une langue que le jeune journaliste d'origine kurde - futur célèbre romancier - a su très jeune recueillir, "expérimenter" et donc pratiquer... la faisant ainsi revivre en la réhabilitant, en quelque sorte : la ré-inventant et développant pour son propre compte, la plaçant immédiatement [dès son célèbre "Ince Memed" ("Mèmed le Mince") de 1955] en figure de proue implicite de son propre univers romanesque : artisan créant ainsi sa propre langue - pour le compte de la "littérature écrite" la plus universelle.
Cette langue est le coeur palpitant de ses romans.
Le thé s'y boit "rouge comme du sang de lièvre".
Les essaims de mouche sur les cadavres lancent leurs "éclairs verts" ou palpitent de "reflets d'acier".

" Derviche Bey se répétait sans cesse la même complainte. Une complainte vieille de tant d'années, lointaine, lente. Et tentant de revivre le rêve magique qu'il avait vécu tant d'années plus tôt, il répétait sans cesse : ces braves gens, ces gens si bons...
Il pleuvait. La pluie était jaune. Sans un éclair, sans un coup de tonnerre, rien que de l'eau qui tombait sans répit, toujours avec la même intensité, ininterrompue, une pluie compacte, lumineuse, jaune. "

Force des répétitions : comme la résonance des coups de marteaux sur l'enclume d'une forge obscure.
Le monde de Derviche Bey est entièrement celui de l'enfant Yaşar Kemal. Un monde qui va disparaître... ou plutôt : monde qui DOIT disparaître. Car le monde des impitoyable vendettas entre les familles de deux "Beys" ["Seigneurs"], Derviche Sarioglou et Moustafa Akyollou, est un monde en sursis, un monde condamné, comme l'univers mental familier du forgeron Haydar de "La légende des mille Taureaux"...
C'est le "vieux monde" de Vito Andolini : "L'Ancien Monde" de "Don Vito Corleone" dans "The Godfather" de Mario PUZO [1968] - ce "Parrain" poinçonné de cinq balles dans le corps et qui doit bientôt passer la main à une génération toujours plus violente où les "valeurs" changent insidieusement, irrésistiblement ... où l'amour paternel ou fraternel n'aura même plus sa place (Le père, Vito, était un être humain accroché à sa façon à des valeurs familiales indestructibles, mais son fils cadet, "Mike" Corleone, n'est-il pas entré - en sacrifiant son propre frère "Fredo" - lui aussi dans une stricte mécanique de tueries sans affects, totalement déshumanisante ? Car, le monde de la drogue et de son trafic juteux, est apparu, s'est développé mondialement avec sa barbarie propre... Les sommes d'argent en jeu sont colossales. L'entropie propre à ce "nouveau monde" recouvre bientôt "l'ancien monde" des "bookmakers", des maisons de jeu, des tripots, de la prostitution jusqu'alors considérée comme "artisanale", de la corruption presque trop facile des policiers, juges, politiciens...
Mais qu'arrive-t-il a Derviche et Moustafa, ces deux ennemis prédéterminés ? Car le monde change autour d'eux et - contrairement à Vito - ils ne s'en aperçoivent pas. Ils sont irrémédiablement aveugles.
KEMAL sera la grande conscience écologiste (avant l'heure) de la Turquie des années 1970 et 1980...
Jetez très vite, oui, un rapide coup d'oeil à ses épopées anatoliennes telles "La légende des mille Taureaux" et "L'Herbe qui ne meurt pas"... ou aux thèmes de ses deux romans stambouliotes : "Alors les oiseaux sont partis... " puis "Et la Mer se fâcha".

" Il faut que tout change pour que rien ne change", écrira l'écrivain aristocrate Giuseppe Tomasi di LAMPEDUSA dans "Il Gattopardo" ("Le Guépard") en 1958...
Certes, mais à quel prix ?
Et nous voici - en cette année 2020 (soit seulement cinq années après la disparition du romancier-prophète "lanceur d'alerte" dont la jeune Greta THUNBERG découvrira sans doute l'Oeuvre, un jour ou l'autre... ) - au bout de "notre" labyrinthe, coincés mondialement entre Monsanto-Bayer, ces Nouveaux "Beys" ["Seigneurs"] empoisonneurs d'êtres vivants, entités sans visage commercialisant leurs charmantes molécules "cancérogènes probables & écocidaires avérées"... et notre "Etuve climatique", fruit de tous nos errements systémiques. le seul "Progrès" est celui de la destruction lente avec sa suffocation qui s'accélère partout... mais en quel foutu monde sommes-nous, ainsi, peu à peu parvenus ?

" Il pleuvait. la pluie était jaune. Sans un éclair, sans un coup de tonnerre, rien que de l'eau qui tombait sans répit, toujours avec la même intensité, ininterrompue, une pluie compacte, lumineuse, jaune. "
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[Utile, nous l'espérons, ce petit rappel bibliographique de l'Oeuvre romanesque de Yachar KEMAL - ici DANS L'ORDRE CHRONOLOGIQUE de parution à Istanbul] :

- (1°) « İnce Memed » [1955] : "Mèmed le Mince" (traduction française : Güzin Dino, 1961) - [Cycle "Mèmed"/ I]

- (2°) « Orta direk » [1960] : "Le Pilier" (traduction française : Güzin Dino, 1977) - [Cycle "Au-delà de la montagne"/ I]

- (3°) « Yer Demir Gök Bakir », [1963] : "Terre de fer, Ciel de cuivre", (traduction française : Münevver Andaç, 1977) - [Cycle "Au-delà de la montagne"/ II]

- (4°) « Ölmez otu » [1968] : "L'herbe qui ne meurt pas " (traduction française : Münevver Andaç, 1978) - [Cycle "Au-delà de la montagne"/ III]

- (5°) « İnce Memed II » [1969] : "Mèmed le Faucon" (traduction française : Münevver Andaç, 1976) - [Cycle "Mèmed"/ II]

- (6°) « Ağrıdağı Efsanesi » [1970] : "La Légende du mont Ararat" (traduction française : Münevver Andaç, 1998)

- (7°) « Binbogalar Efsanesi » [1971] : "La Légende des mille Taureaux" (traduction française : Münevver Andaç, 1979)

- (8°) « Demirciler çarsisi cinayeti » [1973] : "Meurtre au marché des forgerons" [1981] (trad. Münevver Andaç, 1981) - [Cycle : "Les Seigneurs de l'Aktchasaz"/ I]

- (9°) « Yusufçuk Yusuf » [1975] : "Tourterelle, ma tourterelle" (traduction française : Münevver Andaç, 1982) - [Cycle "Les Seigneurs de l'Aktchasaz"/ II]

- (10°) « Yılanı öldürseler » [1976] : "Tu écraseras le serpent" (traduction française : Münevver Andaç, 1982)

- (11°) « al Gözüm Seyreyle Salih » [1976] : "Salih l'émerveillé" (traduction française : Münevver Andaç, 1990)

- (12°) « Kuslar da gitti » [1978] : "Alors les oiseaux sont partis…" (traduction française : Münevver Andaç, 1984)

- (13°) « Deniz Küstü » [1978] : "Et la mer se fâcha" (traduction française : Münevver Andaç, 1985)

- (14°) « Yagmurcuk Kusu » [1980] : "Salman le solitaire" (traduction française : Münevver Andaç, 1984) - [Cycle "Salman le Solitaire" /I]

- (15°) « İnce Memed III » [1984] : "Le Retour de Mèmed le Mince" (traduction française : Münevver Andaç, 1984) - [Cycle "Mèmed"/ III]

- (16°) « Kale kapisi » [1985] : "La Grotte" (traduction française : Münevver Andaç, 1992) - [Cycle "Salman le Solitaire" /II]

- (17°) « İnce Memed IV » [1987] : "Le Dernier Combat de Mèmed le Mince" (traduction française : Münevver Andaç, 1984) [Cycle "Mèmed"/ IV]

- (18°) « Kanın Sesi » [1991] : "La Voix du sang" [ (traduction française : Münevver Andaç, 1995) - [Cycle "Salman le Solitaire" /III]

- (19°) « Fırat Suyu Kan Akiyor Baksana » [1997] : "Regarde donc l'Euphrate charrier le sang" (traduction française : Altan Gokalp, 2004) - [Cycle "Une Histoire d'île" / I]

- (20°) « Karıdncanın Su içtigi » [2002] : "La Tempête des gazelles" (traduction française : Alfred Depeyrat, 2010) - [Cycle "Une Histoire d'île" / II]
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" Je ne suis qu'un artisan moi, mon cher ami, un humble artisan de l'écriture romanesque. Je ne suis pas de ces grands hommes. Qu'ils sautent donc dans l'abîme ! Pour moi, le roman n'est qu'une affaire d'apprenti et de maître. (Rires) "

[Entretien de l'auteur avec Nedim GÜRSEL, 1988 - extrait de l'ouvrage de ce dernier, "YACHAR KEMAL - le roman d'une transition", L'Harmattan, 2001 - page 206]
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NOTES :

Retrouvez tout l'univers du romancier Yaşar KEMAL" en découvrant ci-dessous notre liste "Babelio" intitulée : "Yachar KEMAL (Kemal Sadık Gökçeli : 1923-2015) : une vie, une oeuvre - en 30 ouvrages traduits en français (présentés ici dans leur ordre chronologique) "...

Consultez également l'article-fleuve richement illustré "Littératures d'ANATOLIE", où la place de l'oeuvre d'Y.K. (hélas "passée de monde" dans le lectorat français) est valorisée : l'un des plus longs articles parmi les six constituant notre blog "Le fleuve Littérature" [lien : http://fleuvlitterature.canalblog.com/]
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Une fable qui met en scène deux vieux beys se combattant mutuellement pour l'honneur, sans se préoccuper de l'avenir du monde.
Les anciens codes qui s'effacent devant les nouveaux dans l'indifférence générale, et un monde neuf submerge l'ancien.
Le modernisme apparait lentement, dans les techniques, les coutumes, mais l'iniquité et le féodalisme eux, perdure.
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Citations et extraits (12) Voir plus Ajouter une citation
Sa mère se dirigeait vers lui, desséchée, frêle, l'image même de la colère et de la haine.
— J'ai appris que tu avais tué, Moustafa. J'ai appris que tu avais égorgé trois miséreux, au lieu de Derviche ou de ses fils. Les gens, Moustafa, disent que tu n'oses pas tuer Derviche. Ils disent que tu es incapable de tuer un Sarioglou. Ils disent que, lorsque tu vois Derviche, ta main tremble si fort, mon faucon, que tu ne peux même pas tirer sur lui. S'il s'agit là de calomnies, puisse le péché en retomber sur ceux qui les répandent ! Mais dans la bourgade, on ne parle plus que de cela, mon petit, mon brave Moustafa, on dit que ta main tremble. Et que ton fusil te tombe des doigts, à force de trembler, dès que tu aperçois Derviche.
Moustafa bey se taisait. Il était incapable de redresser la tête et de regarder sa mère.
— Le cadavre de Mourtaza a pourri dans sa tombe, il est tombé en poussière. Pourtant, aucun Sarioglou ne l'a rejoint dans la mort jusqu'ici, Moustafa ! En ce moment, mon petit, dans sa tombe, les ossements de ton frère sont douloureux, ton frère qui n'a pas été vengé !
Elle avait l'air méprisant, impitoyable. ses lèvres tremblèrent, s'amincirent, ne formèrent plus qu'une ligne.
— Est-ce donc si difficile, Moustafa, de tuer un Sarioglou ? Est-ce donc si difficile ? Combien de jours, combien de mois se sont-ils écoulés depuis que Mourtaza dort sous la terre noire. J'attends, Moustafa. Je n'en ai plus pour longtemps, mon petit. Comment pourrais-je aller retrouver mon cher Mourtaza, que lui dirais-je ? Est-ce qu'il faudra que je lui dise, tu vas encore attendre sous la terre noire, Mourtaza, attendre bien longtemps, car il est très difficile de tuer un Sarioglou. Nous tuer, nous autres, c'est facile. Mais les tuer, eux, c'est difficile. Quand j'irai rejoindre Mourtaza sous la terre noire, que faudra-t-il lui dire ? Qu'en dis-tu, Moustafa ?
Elle continua à parler. Longuement. Avec tristesse et colère. Puis elle s'éloigna, le dos voûté, en se tenant les reins des deux mains.

[Yachar KEMAL/ياشار كمال , "Meurtre au marché des forgerons" / "Demirciler çarşısı cinayeti", Istanbul, 1973 — traduit du turc par Münevver Andaç, éditions Gallimard (Paris), 1981 — chapitre 24, pages 298-299 en coll. de poche "folio"]
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Ils firent descendre le mort dans la fosse creusée dans le sol gluant. [...] L'imam lut le Coran. Les hommes, mains croisés sur la poitrine, l'écoutaient en aspirant le parfum amer des myrtes. Il se remit à pleuvoir. Moustafa Bey s'écarta de la tombe, en traînant les pieds, voûté comme ployé sous le poids de ses sombres réflexions. Il ne pensait ni au mort, ni à la mort. Il n'avait qu'une idée en tête. Il pensait à Derviche Bey. Un liquide jaunâtre, tiède comme le sang, coulait sans cesse des blessures du mort. Et bientôt, la tombe en serait pleine...
« D'ici cinq jours au plus tard, Derviche bey sera tué. A tout prix. Car tout est prête pour le tuer. Tout est prêt depuis des années. »
Ce que faisait Derviche bey, sa façon de vivre, ses moindres gestes, Moustafa bey était au courant de tout. Et cela depuis qu'ils étaient tous deux des enfants. Depuis cent ans peut-être, chacune de ces deux familles savait tout ce qui concernait les membre de l'autre famille. Un ennemi ne pardonne jamais. Et personne ne peut vous connaître aussi bien que votre ennemi. Pour les Akyollous, le manoir qui se dressait sur la colline, à l'ouest des eaux du Savroune, était pareil à une sombre et terrifiante montagne de mort, qu'ils apercevaient dès qu'ils ouvraient les yeux. Et pour les habitants du manoir des Sarioglous, le manoir des Akyollous, également bâti sur un ancien tumulus, représentait la mort sombre et la peur de la mort. Aucun des Akyollous n'avait jamais pénétré dans le manoir des Sarioglous, mais ils en connaissaient le moindre détail, tout comme s'ils y étaient nés, comme s'ils y avaient grandi. Et les Sarioglous connaissaient de même le manoir des Akyollous.

[Yachar KEMAL/ياشار كمال , "Meurtre au marché des forgerons" ("Demirciler çarşısı cinayeti"), 1973, traduit du turc par Münevver Andaç pour les éditions Gallimard (Paris), 1981 ‒ chapitre 4, coll. de poche "folio", pages 85-86]
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Mais ce qu'ils faisaient là, à présent... Tuer des chevaux, mettre le feu aux récoltes et aux maisons, assassiner des journaliers... Comme leur attitude avait changé avec les années... Bien sûr, c'était une question de vie ou de mort... Celui qui tuerait le premier sortirait vainqueur de ce jeu terrible. Un jeu qui avait duré cent, deux cent cinquante ans peut-être et qui touchait à sa fin. Ou Moustapha, ou Derviche, l'un d'eux serait tué et l'autre pourrait mourir de sa belle mort. Ni Moustapha, ni Derviche ne pouvaient compter sur leurs enfants, leurs fils riaient sous cape de ce jeu de mort, parfois ils s'en moquaient ouvertement.

[Yachar KEMAL/ياشار كمال , "Meurtre au marché des forgerons" / "Demirciler çarşısı cinayeti", 1973 ‒ traduit du turc en français par Münevver Andaç, éditions Gallimard (Paris), 1981 : chapitre 24, page 301 en coll. "folio"]
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Il faisait chaud. L'eau bouillait à grand bruit dans le samovar. Et le marécage bouillonnait très fort, lui aussi, au point que le sol semblait trembler. Moustafa Bey n'était pas accoutumé à tout ce qui l'entourait. Il ne remarquait plus l'éclat, dans le petit verre mince, du thé, d'un rouge aussi foncé que du sang de lièvre, il n'entendait plus le fracas du marécage en pleine effervescence, d'où montaient des milliers de grondements. Et sans cesse il se répétait : à force de guetter, tout mon corps n'est plus qu'un oeil.

[Yachar KEMAL/ياشار كمال , "Meurtre au marché des forgerons" / "Demirciler çarşısı cinayeti", Istanbul, 1973 — traduit du turc par Münevver Andaç, éditions Gallimard (Paris), 1981 — chapitre 31, page 376 en coll. de poche "folio"]
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« Ils sont montés sur ces beaux chevaux, tous ces gens si bons, et ils s'en sont allés... »
Derviche bey se répétait sans cesse la même complainte. Une complainte vieille de tant d'années, lointaine, lente. Et tentant de revivre le rêve magique qu'il avait vécu tant d'années plus tôt, il répétait sans cesse : ces braves gens, ces gens si bons...
Il pleuvait. La pluie était jaune. Sans un éclair, sans un coup de tonnerre, rien que de l'eau qui tombait sans répit, toujours avec la même intensité, ininterrompue, une pluie compacte, lumineuse, jaune.

[Yachar KEMAL/ياشار كمال , "Meurtre au marché des forgerons" / "Demirciler çarşısı cinayeti", 1973 — traduit du turc par Münevver Andaç pour les éditions Gallimard (Paris), 1981 — chapitre 1, page 7 en coll. de poche "folio"]
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