Les marchandises ont le droit de circuler ; les boulons, les machines-outils, les pistaches, les moteurs ont le droit de traverser la Manche — les êtres humains n’ont point cette chance. Ils sont acculés à se cacher parmi les outils, parmi les bielles, parmi les tomates et les bananes pour construire leur destin. L’Europe accorde aux choses ce qu’elle refuse aux gens. Les biens matériels sont empilés dans les camions et ce sont des hommes, des femmes, des enfants, des bébés qu’on cherche parmi les cageots et les ballots, parmi les caisses et les containers — des hommes attelés à la marchandise, des hommes qui n’ont aucune valeur. Des hommes abandonnés, cachés derrière les lave-vaisselle ou les oranges sanguines, et dont les plaintes aiguës ne nous intéressent pas.