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Citation de theaudu57


Dans un entretien télévisuel de 1974, Gustave Thibon, qui l’avait recueillie chez lui pendant quelques mois, raconte comment elle a exigé de lui qu’il lui installe, au milieu des rats et devant une rivière, un lit de camp percé dans une masure délabrée, cernée par les ronces, les orties et détrempée par l’humidité, alors qu’il avait tout simplement installé à Simone une chambre d’amis sobre et propre à l’étage de sa propre maison. Il avait ainsi passé deux jours à faire en sorte que mademoiselle Weil soit la plus mal installée possible !

Et encore : être la plus mal installée, Simone ne l’eût pas supporté non plus ! Car il y a un orgueil dans l’inflation du pire. Le plus mal, c’est ce qui se fait de mieux. C'est du confort, c’est du luxe à l’envers. C'est encore du domaine de la compétition, de l’excellence, de la perfection, de la vanité, et par conséquent de la : petitesse : il fallait donc que Gustave l'installât le moins bien possible. (A lui de zigzaguer, de se perdre, dans les nuances, dans la marge séparant le plus mal du moins bien. Pas le problème de Simone !).

– Ah non Gustave, non ! Merde ! Tu déconnes, là...

– Ben quoi ? T’es très mal installée là...

– C'est justement le problème ! Je veux être « pas bien installée ». Le moins bien possible. J’ai jamais dit le plus mal. Car le plus mal : c’est le mieux mal installée que tu puisses faire. Le plus mal, Gus, c’est encore du mieux. Ça appartient au domaine du mieux. Or, le mieux, même quand c’est dans le mal, c’est du ressort de Dieu. Moi, je suis pas Dieu, je suis qu’une pauvre femme, donc je veux quelque chose qui soit pas abouti, dont la finition est pas certaine, quelque chose qui est pas de l’ordre du palmarès, tu vois ? Tu comprends ? Hé ! oh ! Gus ! Tu comprends ?

– Oui, mais alors à ce moment-là, pourquoi tu accepterais pas d’être la « moins malinstallée » : c’est ce que je te propose, là, dans la chambre d’amis.

– Mais parce que je suis pas maso !

– Pardon ?

– Ben oui : j’ai jamais demandé à ce qu’on m’installe mal ! J’en veux pas, moi, de ton mal ! Je veux que le bien ! En donner et qu’on m’en fasse ! Si tu m’installes mal, c’est dégueulasse, ça veut dire que je suis pas la bienvenue chez toi ! C'est nul ! Non, moi, ce que je veux, c’est que tu m’installes bien, mais du moins bien que tu puisses faire ! Bien, parce que je suis pas maso, et du moins bien que tu puisses faire, parce que j’ai su rester simple et que je suis qu’une pauvre mortelle... Si tu m’installes au mieux, tu pars du principe que je mérite le mieux et que je suis d’essence divine : donc, en tant que catholique, mon bon Gus, tu as tout faux !... Si tu m’installes au plus mal, tu pars du principe que je suis masochiste et divine : et tu as encore tout faux. Si tu m’installes au moins mal, tu m’enlèves le côté divin, merci, ok, mais tu fais toujours de moi une maso ! Il reste donc plus qu’une seule option afin que je me sente à la fois humble et bien accueillie : que tu m’accueilles et que tu m’installes du moins bien que tu puisses faire !
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