Yvan Bernaer

La troisième allocution avait eu lieu un jeudi, aux alentours de vingt heures. Le Président avait le visage grave, le teint lavasse, le cheveu filasse, des cernes creux comme ceux d'un ouvrier de chez Renault et sans doute un nerf coincé quelque part, hors caméra, entre la cinquième et la sixième lombaire. "Citoyens, citoyennes..." Comme des millions de compatriotes, Serge et Marine Ballurdin avaient levé la tête vers la télévision. Il savait y faire le Chef. On se sentait d'emblée concerné par des problèmes plus grands que soi, métaphysiques, géopolitiques. On avait envie de se donner à fond, de redresser le pays, la balance commerciale et tout le tintouin. De combler ces gouffres par lesquels la grandeur de la France avait foutu le camp.