Il suffit de peu de chose pour troubler ma quiétude. Je ne suis plus tranquille depuis que la dingue du bowling a menacé de me retrouver à l’université. Je quitte toujours la cafétéria dans un état d’extrême vigilance. Bien qu’elle ne se soit pas manifestée de la semaine, il plane toujours cette épée de Damoclès au-dessus de ma sale tête d’effaré. Pourtant, je sais que son intérêt pour moi, c’était du délire en cage, un divertissement malsain, une gifle sur ma gueule de baudroie. Sa promesse de tordre le destin était une manière vicieuse de prolonger sa mauvaise blague. Il ne fallait pas en attendre davantage. Depuis, elle est sûrement passée à autre chose.
Je me concentre sur le visage de ma jolie, détaille chacun de ses traits. Bien que striée par les plis d’oreillers, sa beauté m’interpelle, me bouleverse. Son petit nez négrier, ses joues claironnantes et ses yeux de madone me rappellent nos jours plus glorieux où tous les débordements étaient sans conséquence. Je veux ravoir vingt ans! Maur enfile son uniforme beige. Le tissu ondule sous ses points d’attache et témoigne de l’inconfort de sa locataire. Ma panthère grogne contre la piètre qualité du vêtement. «Il rapetisse à chaque lavage», semble-t-il. J’enfile mon costume de commis. Le tissu comprime ma silhouette de cheval de trait. Il va finir par me tuer. C’est une certitude.
T’es vraiment différent. T’es pas comme ceux qui sentent le besoin d’en faire tout plein pour te convaincre qu’ils sont intéressants. Toi tu laisses planer le mystère. T’es un vrai sorcier.