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4.12/5 (sur 13 notes)

Nationalité : France
Né(e) à : Doullens , le 16/08/1950
Biographie :

De formation scientifique, la passion du cinéma conduit Julien Gabriels, dès 1972, à écrire ses premiers scénarios de longs métrages (deux ont été sur les écrans français).

Viendra ensuite une lente évolution vers le roman, certains ouvrages dérivant des manuscrits écrits pour le cinéma.

Ses livres sont très éclectiques, tous issus de l’imaginaire : aventure, polars, thrillers, fantastique, science-fiction, anticipation, conte, dystopie, réalisme magique, etc.

Auteur de :

- Terre de raison, roman publié, 2005
- Le califat d'Hélios, roman publié, 2006
- Stratagème hors la loi, roman publié, 2007
- Isotop 400, la rebelle, scénario publié, 2007
- Stratagème pour une énigme, roman publié, 2016
- Acilie et la révoltion, roman publié, 2016
- Poupée de marbre, roman publié, 2017
- Destination Parallèle A, roman publié, 2017
- En route pour Crusadée, roman publié, 2020

Tous les ouvrages sont disponibles en livres brochés et livres numériques.

"Julien Gabriels vous entraîne dans des voyages, des intrigues atypiques vives et bouillonnantes, et l'on a vraiment plaisir à le suivre ; mais attention aux embûches, souvent dangereuses car, finalement, ne sommes-nous pas tout simplement embarqués dans la vision d'un avenir - ou d'un présent - que l'on redoute ? À découvrir."

"J'ai beaucoup aimé et apprécié cette forme de littérature où nul lecteur n'en sort indemne. Il s'agit là d'un réel talent, d'un véritable souffle personnel d'écrivain moderne. Un vrai coup de cœur."

"Chaque livre est toujours un choc culturel, ethnique, sensuel ou spirituel qui est magique. On ne s'ennuie jamais." A. T.
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Présentation de mes 9 romans publiés à ce jour.


Citations et extraits (25) Voir plus Ajouter une citation
À première vue, la gare paraissait classique. Pourtant, l’œil y était attiré par toutes sortes d’infrastructures peu habituelles. Des trains étaient au départ. D’autres arrivaient. Une foule se pressait, tant pour les prendre, tant pour les quitter.
Les hautparleurs distillaient leur flux d’informations. Sur les convois. Sur leur destination. Sur les services inhérents ou attachés…
Une annonce retint tout particulièrement l’attention de deux personnes assises sur un banc moulé mais néanmoins confortable : Raïssa et sa fille, Nadja.
« Les voyageurs en partance, devant voyager à bord des deux trains spéciaux à bouclier et enveloppe thermoactifs, sont priés de se présenter au contrôle : porte A, pour le sud et porte B, pour l’ouest. »
L’annonce était aussitôt reprise en anglais :
« Passengers departing on board the two specially shielded and thermo-actively sheathed trains are requested to present themselves for security checks at gate A for southbound destinations and gate B for westbound destinations. »
« Attention, les trains 10001 et 10002, en provenance de Marseille et de Bayonne, entrent en gare, zones 10 et 11. Les passagers se présenteront respectivement aux portes 18 et 19 pour les contrôles. »
Doublure de l’annonce en anglais, à nouveau :
« Attention, trains 10001 and 10002 from Marseille and Bayonne are entering the station. Passengers are requested to present themselves at gates 18 and 19 for a security check. »
*
— Où sont partis papa et Hubert ? demandait Nadja à sa mère.
— Tu le sais bien ! Ils sont partis faire embarquer la voiture !…
— Mais c’est long ! Ça fait déjà une demi-heure qu’ils sont partis !
— Nous ne sommes pas les seuls, ma chérie… Il faut ranger chaque automobile dans les transbordeurs. On te donne un ticket et, quand apparait ton numéro, tu files sur la passerelle… Tu places ensuite ta voiture où l’on t’indique de le faire, tu la fermes à clé puis tu redescends.
» Une fois arrivés, c’est le processus inverse. Car les autos sont rangées, tu sais, les unes derrière les autres. Si tu n’es pas là à temps, les autres véhicules de la même rangée ne peuvent alors quitter le wagon… Mais c’est relativement bien organisé ; il ne faut pas se plaindre !…
— Tiens, les voilà ! dit Nadja, apercevant au loin son frère et son père, Philippe.
— Alors ?… C’est fait ?…, s’enquit Raïssa auprès de son fils, Hubert, âgé aujourd’hui de dix-sept ans.
— Oui. On a le numéro 255. J’ai pris le bracelet.
— Fais voir !…, lui demanda sa sœur.
Il lui montrait à présent une chainette avec une médaille dont il avait entouré son poignet.
— Je crois qu’on peut y aller maintenant ! déclara Philippe.
— Oui, l’annonce a déjà été faite par hautparleurs de se diriger vers les portes d’embarquement, ajouta sa femme.
— À quelle heure on part ? interrogea Nadja.
— Oh ! pas avant trois quarts d’heure, car sur ces trains spéciaux le départ est toujours long ! lui répondit son père. Mais on n’a pas le choix, si ce n’est de prendre son mal en patience !… Allons-y !…
Ils se mouvaient maintenant tous les quatre vers les portes annoncées et les écrans de départ. Nadja demanda à sa mère si c’était bien la première fois qu’elle prenait ce train. Laquelle lui répondit que c’était déjà la deuxième mais que, la première fois, elle était trop petite pour se le remémorer…, encore un bébé, à l’époque !… « Tu avais d’ailleurs dormi tout au long du parcours ! »
— Pour vous, c’est la deuxième aussi ? reprit Nadja.
— Non, la troisième ! La dernière fois, il y a quatre ans, tu étais restée chez mamie, tu t’en souviens ?… Ton père avait un congrès…
Elle se tourna alors vers son mari et lui demanda :
— Un congrès de quoi déjà, chéri ?…
— De chirurgie plastique, répondit-il. Cela avait duré cinq jours, et on en avait profité pour prendre quelques jours de repos sur la côte. C’était encore plus difficile d’y accéder que maintenant ! Ton frère était en pension, cette fois-là… Mais la première fois, il avait été très impressionné !…
— Qu’est-ce que t’as vu ? Dis-moi ? ! questionnait aussitôt, Nadja, en s’adressant à son frère.
— Tu verras par toi-même…, si le temps est clair ! lui répondit-il, d’un air amusé et quelque peu taquin, ne voulant guère en dévoiler plus.
*
Toute la famille avait maintenant pris place dans un compartiment familial de quatre places relativement spacieuses.
Par les fenêtres hermétiquement closes défilait la campagne ensoleillée. Tous étaient plongés dans des lectures fort disparates, reflétant la personnalité des uns et des autres : Hubert, dans un polar, Philippe, dans un roman historique, Raïssa, dans une revue féminine. Enfin, presque tous, car Nadja jouait avec un jeu électronique, un dernier-né qui faisait fureur ! Le début du voyage se déroula dans la bonne humeur générale et la dégustation de quelques encas, dans l’attente, pour la jeune fille, du grand moment…
Ce dernier eut lieu une heure plus tard quand se déclencha une sonnerie et que se fit entendre une voix dans les enceintes acoustiques :
« Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs, nous arriverons dans quelques minutes dans la zone interdite que nous traverserons à la vitesse de quatre-cents kilomètres à l’heure. En cas d’arrêt accidentel du convoi dans cette zone, nous vous prions formellement de ne point quitter votre compartiment.
» Au cas où, pour des raisons indépendantes de notre volonté, il serait toutefois nécessaire de quitter le train, vous devriez alors revêtir la combinaison contre la radioactivité, que vous trouverez au-dessus de votre tête, dans son logement spécifique indiqué par une lumière verte qui doit maintenant se mettre à clignoter. En cas de déficience de cette dernière, vous êtes priés d’aviser sur-le-champ, par le microphone de votre compartiment, le chef de train qui procèdera aussitôt aux vérifications utiles.
» Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs, la Direction des transports rapides protégés vous remercie de votre attention et vous souhaite à tous un bon voyage. »
L’annonce fut de nouveau retransmise en anglais :
« Ladies and Gentlemen, in a few minutes we will be entering the restricted zone, through which we will travel at a speed of four hundred km an hour. In the event of an accidental stop of the train in this zone, we ask for you not leave your compartment.
» In the event or an emergency which necessitates evacuation of the train, you must put on the anti-radioactive jumpsuit which is located in a compartment above your heads, indicated by a green light which should now begin to flash. In the event of a defect, please notify the guard using the microphone in your compartment, so he may take the necessary action. »
» Ladies and Gentlemen, we at the rapid railway protected transport thank you for your attention and wish you a pleasant journey. »
*
— C’est comment, une combinaison contre la radioactivité ? interrogea Nadja.
— Je n’en sais rien. Celles-ci, je ne les ai jamais vues ! lui répondit son père. C’est une sorte de tunique, avec un masque bien entendu, et un compteur Geiger.
— C’est comme quand tu jouais, petite, au fantôme avec un drap !…, la renseigna Hubert.
— Ah bon ! dit-elle, perplexe.
*
À l’instant même, venait de s’allumer un panonceau : « Traversée de la zone interdite ». Maintenant, la lumière verte s’était arrêtée de clignoter.
Par la fenêtre, Nadja scrutait l’horizon. Hubert s’était levé et dirigé vers le couloir. Il souhaitait en effet observer les alentours depuis ce dernier…
— Tu viens ? demanda-t-il à sa sœur.
— Non. Je vois aussi bien d’ici !… Je préfère rester assise !
— Et toi, papa ?… Maman ?…
— Oh, ce n’est pas la première fois que nous faisons le voyage !… Nous avons déjà vu ! lui répondirent-ils en chœur.
L’étroit passage desservant les compartiments était empli de gens curieux, avides de sensationnel, disséquant à présent ruines et paysage désertique à travers d’épaisses vitres protégeant des radiations nocives.
— C’est impressionnant ! s’exclama une femme, tout près d’Hubert. C’est la première fois que je le vois ! On m’en avait parlé, mais je ne pouvais le croire !…
— C’était un village, ça ? interrogeait une autre femme, portant des lunettes en écaille.
— Sans doute…, répondait une personne, parmi les curieux. Qu’est-ce que vous voulez que ce soit ? !… Je ne pense pas que ce soient des ruines gallo-romaines !…
Des rires quelque peu retenus traversèrent l’assistance. C’est à ce moment-là qu’émirent de nouveau les enceintes acoustiques ; c’était une nouvelle annonce. Cette fois, elle émanait du conducteur du train :
« Mesdames, Messieurs, nos radars viennent de repérer l’un des deux engins de dépollution et de réhabilitation de cette zone, mis récemment en service. Pour la circonstance, nous ralentirons le convoi au maximum afin de permettre aux personnes qui le désirent de l’observer et de prendre des photos. Une fois que nous l’aurons dépassé, nous reprendrons très rapidement notre vitesse de croisière. »
Cette fois-ci, l’annonce ne fut pas réitérée en anglais.
Le train ralentissait déjà quand reprit la même voix :
« Vous le découvrirez à droite, dans le sens de la marche du train, dans deux minutes environ… »
Les visages se collaient aux fenêtres. Cette fois, Nadja et ses parents s’étaient eux aussi pressés hors du compartiment.
Le convoi arrivait maintenant en vue d’un énorme engin sur chenilles baptisé : « Le Paisible », véritable forteresse roulante dont émergeaient quelques surprenantes antennes ainsi que deux radars. Sur le dessus, les bouches béantes de colossaux canons et plusieurs mitrailleuses. À l’avant, une lame démesurée de bulldozer. Dans son axe, une sorte de lance-flammes. À l’arrière, sur l’un des ponts, une singulière pelleteuse, sur chenilles également. Il y avait encore des rampes de débarquement en acier et tout le matériel adéquat pour sortir, des soutes, de plus légers engins.
À environ quinze kilomètres à l’heure, progressait lentement le mastodonte, précédé d’une étonnante lueur, telle une aurore boréale, le deva
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— Au fait, ces nouvelles ?… interrogea-t-il.
— Elles sont relativement bonnes… William loge chez une inconnue, comme on le lui avait demandé. Nous avons d’ores et déjà pris quelques renseignements sur elle… Elle est blonde, élancée, jolie, un peu vamp peut-être… Voulez-vous voir sa photo ? On me l’a envoyée par mail.
Olson proposa d’y jeter les yeux plus tard : cela ne pressait pas. En revanche, il semblait impatient de savoir ce que les autres protagonistes étaient devenus. Ted lui communiqua que Pierre se trouvait bien dans l’appartement de la 46th Street, et que Barbara logeait chez Olga Kenneth à Santa Monica. Ils étaient désormais bien intégrés à la vie américaine.
— Un beau réseau que nous avons là ! s’exclama-t-il. Au fait, quelle heure se fait-il, Ted ?


Il revint quelques minutes plus tard, portant une tasse et une soucoupe. Il avait pris place à côté de Ralph, et caressait la chienne à rebrousse-poil.
— Quelle belle journée qui s’annonce ! dit Olson entre deux bouchées. Regardez déjà ce beau soleil, et il est à peine dix heures !
— Oui. Mais de l’autre côté de l’Atlantique, le temps se gâte !… répondit Ted.
Avait-il des nouvelles ?!… Est-ce que les deux femmes avaient été contentes de leur soirée hollywoodienne ?… À vrai dire, Ted n’en savait rien, mais il informa néanmoins Olson que la petite s’était dégottée un ringard ! Alors, le maître voulut en savoir plus…
— Un artiste quelconque, ajouta-t-il.
C’était pourtant un bien noble métier, estimait Olson, les artistes faisaient rêver le monde.



Dès lors, se mit-il réellement en colère, car il trouvait que par-dessus le marché elle se moquait de lui. Il lui conseilla de prendre ses fringues et de déguerpir sur-le-champ ; ce qu’elle fit sans demander son reste. Car elle était sans voix devant ses insinuations. En outre, pensait-elle, ce n’est pas en rencontrant des types comme lui qu’elle aurait une bonne opinion de l’Amérique ! Elle avait, en toute hâte, rassemblé ses effets, qu’elle fourra en vrac dans sa valise, sortit précipitamment sans même lui jeter un regard ; elle avait trop peur qu’il fût de haine !… Comme elle tenait, en plus de la valise, un petit bagage à main, elle n’avait pu fermer la porte.
Alors Michael claqua violemment l’huis qui, tel un couperet, allait séparer pour toujours leurs deux vies.


Pierre n’en revenait pas… Il ne s’attendait pas du tout à la voir, car il la croyait encore chez les ricains ! ; en Louisiane, où on l’avait priée de faire du tourisme, tandis qu’on l’avait rappelé, lui… et pour la France… quelques jours après la réception, à peine le temps de faire des emplettes !
Et depuis ce jour, il moisissait, c’était le cas de le dire, dans une discrète maison qu’on lui avait louée aux alentours de Marne-la-Vallée.
Décidément, elle avait eu la partie belle… Hollywood… les grandes demeures coloniales… et il ne savait quoi encore : cela faisait des mois qu’il ne l’avait pas vue.
— On m’a appelée pour une commande, annonça-t-elle.
— Ah !… répondit-il bonnement.
— T’as pas vu à la télé ?!… Une bagnole en banlieue… Boum !




Ralph se tenait maintenant debout et, très solennel, portait un toast :
— Buvons ce vin… à la mémoire de William… et à la santé… de nos prochaines actions.
Barbara s’était pareillement levée. À la pensée de Willi, son cœur se serra, sa gorge se noua, ses prunelles s’humidifièrent voilant un temps son regard et sa vision du monde. Ce pauvre Willi… pensait-elle. Prendre tant de risques, et mourir bêtement dans un accident d’avion ! ; comme monsieur tout le monde ! ; alors qu’il se voyait parfois, dût sa modestie en souffrir, à titre posthume, à la Une des journaux !… Puis Barbara déclara contenir son émotion parce qu’ils s’étaient jurés de ne pas verser de larmes si l’un d’entre eux partait avant l’heure. Néanmoins, ça lui faisait grand peine de ne plus jamais revoir son Willi adoré.



— Voilà du bel ouvrage ! s’exclama Jean. Qu’est-ce que je vous avais dit !…
Le divisionnaire reconnaissait bien ici son André. Enfin l’enquête allait pouvoir démarrer pour de bon ! Ils avaient dorénavant du pain sur la planche !… Tout d’abord, il fallait faire surveiller de près cette Barbara : elle les mènerait assurément quelque part !…
— Et si je la filais, moi ?!… déclarait Jean. Je ne vais quand même pas rester sans rien faire ! Après tout, c’est mon enquête !
— C’était… cher défunt…
— Si vous voulez… Puis-je néanmoins solliciter l’honneur de revenir sur terre pour achever une humble tâche ?…
Sans toutefois posséder de pouvoirs divins, le commissaire le lui permit. Et si Jean, au cours de ses prochaines investigations, trouvait sur sa route


Jean crut à un effet pyrotechnique de cinéma… pour épater la galerie !… Olson était vraiment un personnage unique ! Mais Pierre avait disparu. L’espace était nu. Sacré farceur ! pensa-t-il. Où était donc passé l’homme en jogging ?!…
— Étonnant, hein ?!… annonça Olson.
— Tout à fait. Votre tour de magie est remarquable.
— Je crois que l’on ne s’est pas compris, monsieur Piernet… Ce n’est pas du tout de la magie. L’homme s’est sublimé. Il s’est désintégré si vous préférez… monsieur Noilou… inspecteur André Noilou !…
À ces derniers mots, Jean se tourna vers lui, ébahi, littéralement interdit. Ralph Olson, quant à lui, continuait sur sa lancée :
— Parfait, le déguisement ! Très bien, le coup de votre étude sur les châteaux !
— Mais…
— Intéressant, mon petit feu d’artifices





— Oui, Barbara… Et alors !…
Le texte n’en disait guère plus. Subitement, tout devenait confus dans la tête de Jean… Barbara n’était-elle pas un agent à la solde d’Olson ? Sur l’heure, pour en avoir le cœur net, il lui posa la question…
— Si l’on veut… dit-il. Remarquez, on ne lui a pas demandé son avis !
Nul ne sut ce qui se passa à ce moment dans la tête d’André Noilou… Mais alors que tout se brouillait, la lumière se fit … Et, comme par enchantement, tout s’éclaira…
— Mais c’est diabolique !… cria-t-il. Mais l’avion ?!…
— On ne fait pas d’omelette sans casser des œufs, monsieur Noilou !… L’expérimentation dans la vie est nécessaire… reprit-il après un laps de temps, en le regardant au fond des yeux. La destinée existe aussi… Et des avions se
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Une crusée vint s’assoir sur un banc avoisinant. Plus exactement, ce fut un banc de pierre en demi-cercle qui se matérialisa soudain et lui proposa de s’y mettre sur son séant quelques instants. Sans doute avait-il deviné une fatigue passagère de la fécène, ou encore son besoin de papoter quelques minutes ; preuve en était, d’ailleurs, que la dame entama aussitôt après la conversation avec ces « quatre cruses » à proximité d’elle.

— Vous êtes probablement de repos ? dit-elle. Moi aussi, cela tombe bien.

Les quatre terriens étaient surpris. Jusqu’à présent, chaque fois qu’on leur avait adressé la parole, c’était dans des circonstances particulières, des gens qui savaient d’où ils venaient ou des voisins. Mais c’était bien la première fois qu’ils étaient abordés, approchés, comme de simples crusadéins, et ils en étaient quelque peu intimidés. D’habitude, dans leur pays, c’était à eux d’accoster la gent féminine. Et ils connaissaient encore si peu les us et coutumes de cette planète…

— J’ai fait les magasins de mode, dit-elle. Je suis fourbue ! Heureusement, ce banc s’en est aussitôt aperçu et m’a proposé ses bons offices. Et vous, étiez-vous également éreintés ?

— Non, nous nous sommes juste donné rendez-vous ici.

— Je m’appelle Miris, Essoris, Éliantor, de la lignée des Augustin, dit-elle.

En authentiques crusadéins à présent, ils déclinèrent leurs noms complets :

— Michael, Vlatir, Susnaque, de la lignée des Terrien

— John, Lisbur, Caténos, de la lignée des Terrien

— David, Ritor, Jacobi, également de la lignée des Terrien

— Jeff, Yoric, Lipton, de la même lignée.

— Vous êtes donc tous de la même famille, des frères peut-être.

— Non, juste des cousins, de premier degré.

Comme leur éloignement l’obligeait à élever la voix, à seule fin qu’ils l’entendissent parfaitement, elle préféra leur proposer de se rapprocher, s’ils n’y voyaient pas d’inconvénients, naturellement. Elle n’attendit pas la réponse, elle savait qu’elle ne serait nullement contredite… Et, pour gagner du temps, elle demanda à son banc de pierre, légèrement incurvé d’ailleurs, de se mouvoir auprès d’eux ; ce dernier la véhicula donc jusqu’aux dignes représentants de la lignée des Terrien. Arrivé face à eux, l’exèdre se positionna comme il le fallait, et elle put alors tenir salon. Elle leur décocha aussitôt un sourire magistral auquel ils répondirent par une mine pareillement réjouie. Heureusement qu’elle ne leur avait pas serré la main : elle aurait pu y remarquer le doigt manquant, celui des échanges. Elle jaugea toutefois leur port de tête, mais ils avaient tous pris le parti de camoufler leur difformité apparente, leur bouille bien ronde, sous un vaste galure qu’ils s’étaient déjà procuré chez un chapelier, étant donné leurs nombreuses échoppes, ici.

— J’aime bien vos chapeaux, dit-elle. Je vois que vous êtes des « modeux ». Nous allons nous entendre… Rares sont les cruses qui suivent la dernière mode, nous la laissant à nous, fécènes, le plus souvent. Et pourtant un tromblon, ça vous transforme une silhouette ! annonça-t-elle.

Seul John avait l’habitude, dans son Texas natal, de porter le Stetson. Aussi cela ne le changeait guère.

Les gars ainsi affublés de superbes couvre-chefs, la crusée ne s’aperçut guère d’avoir affaire à des extracrusadéins, des êtres venus d’une autre galaxie. Elle continua :

— Ah, que j’aime ce carré de verdure ! Sentez-vous cette douce fraicheur, ce parfum naturel fortement exhalé ! J’adore ici faire une courte halte lorsque je fais les boutiques… Car c’est exténuant, les boutiques, n’est-ce pas ? Mais, j’y pense, êtes-vous « consolidés » ?

— « Consolidé » ?… Je l’étais…, répondit sur-le-champ Michael, car il avait aussitôt compris la signification du mot « consolidé », ce qu’on aurait appelé sur une autre planète, marié, ou en couple.

Ses trois copains n’en avaient, en revanche, pas tout à fait saisi le sens. Ils s’interrogeaient. Sans doute ce terme était-il un vocable à la mode, naturellement encore peu traduit en crusadéin courant, dont ils avaient juste acquis l’essentiel ?

Si les caractéristiques corporelles des crusadéins, tous sexes confondus, étaient sensiblement les mêmes que celles des terriens, les crusadéennes ou crusées n’avaient guère de fortes poitrines, les mamelles ayant perdu leur usage premier d’alimenter les petits, puisque toute énergie vitale, synthétisée notamment sur Terre à partir de nourriture diverse, était ici puisée dans le cosmos. Les quatre Américains l’avaient déjà constaté lors de leur odyssée galactique ; mais peut-être que les femelles, les « femmes » au sein de l’équipage du vaisseau, avaient, en raison de leur naissance et de leur hérédité, cette morphologie. Maintenant, ils se rendaient compte que toutes les crusadéennes étaient ainsi, très fines de silhouette agréablement valorisée par toute mode du moment.

Ce qui avait également étonné les terriens, c’était leur propre manque de désir durant la traversée, contrairement à ce qui se passait sur la Terre, comme si leur libido s’était mise en sommeil pour un temps. Et ils avaient d’ailleurs remarqué la même chose venant de l’équipage masculin crusadéin ; à moins que tous les mâles de l’expédition fussent spécifiquement choisis ou bien qu’ils eussent subi un traitement singulier avant d’embarquer dans le vaisseau spatial… Aussi n’y eut-il aucun problème de comportement déplacé au cours de l’odyssée galactique ; au reste, tous astreints à leurs tâches particulières, indépendamment des sexes, sans qu’aucun sentiment intervînt le moins du monde. C’était néanmoins paradoxal, et ce mystère devait être creusé…

En tout cas, les crusées étaient engageantes en général, fort sympathiques, comme celle qu’ils avaient à présent sous leurs yeux… Et celle-ci, au préalable, leur demandait s’ils étaient « consolidés », comme si leurs bouilles éminemment uniques et spécifiques l’intéressaient déjà. Il est vrai que, sur Crusadée, l’âge corporel n’était pas aussi sensible que sur leur Terre, lequel découlait la plupart du temps d’une mauvaise hygiène de vie, à savoir, trop ou trop peu de nourriture. Ici, tout le monde était au même niveau. L’organisme ne puisait dans le cosmos que l’énergie indispensable à sa survie, et rien de plus.

Miris, Essoris, Éliantor, de la lignée des Augustin, était une jolie crusée dont, ailleurs, ils seraient vite tombés amoureux. Mais, en ces lieux, ils ne connaissaient pas encore les codes qui seyaient à la bienséance. Aussi étaient-ils devant elle comme des adolescents en proie à de premiers frissons. Pourtant, rien ne frissonnait réellement ; est-ce que cette traversée galactique ne leur avait pas ôté leur capacité de séduire ? Leurs artifices restaient désespérément de marbre ; ils n’en comprenaient guère les raisons…

— J’habite assez loin d’ici, reprit-elle, dans un quartier dénommé Imohé-8, du nom d’une fort lointaine planète, dans une galaxie spirale à l’appellation savoureuse : la Voie lactée ; c’est ce que j’ai appris dans le « Grand livre de la connaissance universelle ». Ma lignée y réside au lieudit « Cheval de Troie ». Ce serait, semble-t-il, une bête courante sur cette planète, une bête aux longues et fines pattes. J’adore ce lieu. Mon appartement est situé dans un œil de l’animal. Aussi ai-je un regard doux sur le monde qui m’entoure…

Elle s’esclaffa, puis continua :

— Je me demande comment peuvent être les habitants de ce corps céleste. Il parait qu’une expédition, partie il y a fort longtemps aux confins de l’univers, vient juste de rentrer, alors qu’on la croyait perdue depuis des millénaires. Et elle aurait emmené quatre spécimens de cet astre lointain… Ils en ont parlé dans les médias, ajouta-t-elle, et notre Préducteur général devrait sous peu faire une présentation officielle à toute la Crusadée, de ces extracrusadéins. Ils seraient encore vivants, comme ceux de la mission. Nos gens de science vont se pencher sur le phénomène… Pourquoi sont-ils restés en vie aussi longtemps ?… En tout cas, moi, j’aimerais bien les voir, ces créatures !

Michael, David, Jeff et John se regardèrent, perplexes. Devaient-ils lui annoncer qu’ils étaient ces fameuses créatures, dont elle venait de causer ?… Mais ils auraient eu trop peur de la voir s’enfuir, alors qu’elle leur était si sympathique. Est-ce que l’occasion se représenterait même de pouvoir discuter à bâtons rompus avec une personne qui leur était totalement étrangère, et une jolie fécène en particulier ? Ils se turent donc, tandis qu’elle reprenait :

— Et vous, vous n’aimeriez pas faire connaissance avec des êtres venant d’ailleurs ?… Peut-être qu’ils sont plus évolués que nous, qu’ils ont des choses à nous enseigner…

Là, ils l’auraient forcément déçue… Lui apprendre que certains de ces êtres ne cessaient de se déchirer, de s’entretuer, de se nuire les uns les autres… ; détruisant régulièrement tous leurs acquis, faisant souvent allégeance à des gourous, des fous, des psychotiques qui les entrainaient avec eux dans des chaos indescriptibles, faisant régresser leur planète et l’âme qui s’en dégageait, annihilant en quelques heures ce que des générations généreuses, durant des millénaires, y avaient concédé aux descendants… Non, ils n’étaient pas plus évolués que les crusadéins, tant s’en faut ! Comment lui annoncer cela ?… ; elle serait foncièrement désappointée… Michael préféra biaiser. Il dit :

— N’y a-t-il pas dans le « Grand livre de la connaissance universelle » quelque chose à ce sujet ?

— L’astre est si lointain, répondit-elle, que les dernières informations consultables par le commun crusadéin datent de beaucoup. Qui sait si, en ce moment, de grandes destructions n’ont pas encore lieu, comme celles qui sont dévoilées dans le « Grand livre » ?… À moins que ces êtres soient enfin devenus civilisés ! Souvent, le progrès avance très vite, il suffit de quelques importantes découvertes, comme celles que nous faisons régulièrement sur Crusadée. Par exemple, le fait d’a
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mais rien ne se passa ; qu’un long discours en arabe auquel, forcément, je ne compris rien.
Et quand la chose cessa enfin, j’eus un profond soupir de soulagement. Décidément, on avait toujours besoin d’un authentique secours féminin.

*

Ce jour-là, et pour la première fois de ma vie, je passai ma nuit dans une geôle. Bahira n’avait pas été garce… à peine femme…
Séance tenante, l’on m’arrêta, me mit les fers, me conduisit dans un trou à rats !
Et ses yeux maquillés, d’habitude si grands, si bons, n’exprimaient plus rien ; des yeux vides et lointains, si différents du regard que j’avais jusqu’à présent connu.
Bien plus tard, l’on vint me chercher pour me soumettre à la question. Rituel insensé, rappelant des époques qu’on aimerait à jamais révolues.
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I

(pages 11 à 13)

Paul venait de pousser la porte à tambour d’un rade si branché qu’il n’accéda au bar que difficilement !… Tant il y avait de monde !… Il avait envie de s’évader… Dès le premier coup d’œil, le lieu lui plut, à la fois par la fantaisie du décor et ses dimensions hors du commun : on y respirait en dépit de la foule !

Aucune femme fatale en vue !… Tant mieux ! songea-t-il. Il pourrait boire plus que de raison, pour oublier les turpitudes de la journée. Il commanda une Adelscott. Trois balles, lui dit-on. En bon français, on aurait parlé d’euros, mais, ici, c’étaient des balles !… Pourquoi ?… C’était sans doute « chébran » !

Les yeux vagues, rivés sur des bulles qui s’épanchaient, il méditait, insouciant de l’agitation des noctambules. Il jeta subrepticement un regard vers un halo fade sur le mur, y représentant la pendule : minuit dix ! À quelle heure était-il entré ?… Peut-être aux douze coups de minuit, comme dans un conte singulier !…

Tandis qu’il observait la promptitude des barmaids et barmans, une blonde était arrivée auprès de lui. Devait-il lui faire la causette, ou passer pour un goujat ?… À cette heure, il n’avait nullement envie de pérorer ! Il la regarda néanmoins par politesse. Elle lui sourit. Il lui rendit sa marque de courtoisie.

— Alors, poupée, tu baises ? !…, entendit-il soudain à proximité, fortement et bien clairement exprimé…

La fille ne broncha point. Cette question lui était pourtant adressée ; et par un gus qui avait visiblement, ce soir, pété les plombs !… Lequel réitéra son offre ! Elle ne sourcilla guère. Après tout…, quelques banalités…, projetait déjà Paul…, et il pourrait, qui sait ?, l’inviter… Or il se fit souffler le joyau. Il replongea donc dans sa mousse et ses pensées. Mais soudain étonné du silence à son côté, il leva les yeux pour voir la jeune femme se singulariser comme sourde et muette… Et lui qui ne connaissait rien de la langue des signes !

Pourquoi son colis n’était-il pas encore arrivé ?…, se demandait-il. Il tentait d’y trouver maintes explications. Se serait-on trompé d’adresse ? Le lui aurait-on volé dans sa boite aux lettres ? Impossible !… Il ne pouvait pas même y glisser sa fine main !… Y aurait-il des grèves larvées ?… On n’en entendait toujours pas parler !… Aurait-on oublié d’y faire figurer le pays ? Mais qui ne connaissait pas Paris ? Quoique… Allez savoir !…, un original qui ne prendrait pas la tour Eiffel pour le centre du Monde !… En attendant, son contenu lui était primordial, autant ce soir que quelques mousses qui le feraient, d’ici quelques heures, planer !…

Il redemanda une Adelscott, et, ce faisant, dut se tourner vers sa voisine. Elle semblait dans quelque rêverie, sirotait un cocktail. Putain, qu’elle était bien roulée !… La bière arriva. Il tendit un billet.

Bon, ce colis…, qui occupait malgré lui son esprit !… Après tout, s’il était ici, c’était pour ne plus penser…, oublier… Mais on lui tapait à l’instant sur l’épaule pour lui suggérer…, et par signes…, de faire attention à quelques effets personnels, le temps de faire un tour aux toilettes… Force fut de s’intéresser à la « poupée ». Tiens, un roman ouvert, et en russe, apparemment ! Au jugé, vu le physique et l’habillement, elle aurait pu sans conteste venir du froid !… Quasi rien sur le dos par une température avoisinant le zéro !… Il dut « se battre » deux fois pour protéger les affaires de la demoiselle, dont on faisait fi ! Elle reparut sous peu, le remerciant d’un sourire. Il lui offrit un verre. Elle refusa gentiment, elle devait partir.

Une heure plus tard, elle était toujours ici, entourée de guignols et de gugusses !… Pour lui, il était temps de s’échapper, de prendre quelques minutes le frais, avant de rallier son gite, à pied ou en taxi ; à cette heure, le dernier métro était passé depuis belle lurette !… Comme il s’en allait, il sentit son regard… Il lui adressa un salut discret. Une qui resterait ce soir en filigrane !…

Dehors, il hésita : rentrer chez lui ou faire la foire ?… Le froid le saisit, le faisant d’ores et déjà greloter. Se mettre au chaud l’emporta.
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À première vue, la gare paraissait classique. Pourtant, l’œil y était attiré par toutes sortes d’infrastructures peu habituelles. Des trains étaient au départ. D’autres arrivaient. Une foule se pressait, tant pour les prendre, tant pour les quitter.

Les hautparleurs distillaient leur flux d’informations. Sur les convois. Sur leur destination. Sur les services inhérents ou attachés…

Une annonce retint tout particulièrement l’attention de deux personnes assises sur un banc moulé mais néanmoins confortable : Raïssa et sa fille, Nadja.

« Les voyageurs en partance, devant voyager à bord des deux trains spéciaux à bouclier et enveloppe thermoactifs, sont priés de se présenter au contrôle : porte A, pour le sud et porte B, pour l’ouest. »

L’annonce était aussitôt reprise en anglais :

« Passengers departing on board the two specially shielded and thermo-actively sheathed trains are requested to present themselves for security checks at gate A for southbound destinations and gate B for westbound destinations. »

« Attention, les trains 10001 et 10002, en provenance de Marseille et de Bayonne, entrent en gare, zones 10 et 11. Les passagers se présenteront respectivement aux portes 18 et 19 pour les contrôles. »

Doublure de l’annonce en anglais, à nouveau :

« Attention, trains 10001 and 10002 from Marseille and Bayonne are entering the station. Passengers are requested to present themselves at gates 18 and 19 for a security check. »

*

— Où sont partis papa et Hubert ? demandait Nadja à sa mère.

— Tu le sais bien ! Ils sont partis faire embarquer la voiture !…

— Mais c’est long ! Ça fait déjà une demi-heure qu’ils sont partis !

— Nous ne sommes pas les seuls, ma chérie… Il faut ranger chaque automobile dans les transbordeurs. On te donne un ticket et, quand apparait ton numéro, tu files sur la passerelle… Tu places ensuite ta voiture où l’on t’indique de le faire, tu la fermes à clé puis tu redescends.

» Une fois arrivés, c’est le processus inverse. Car les autos sont rangées, tu sais, les unes derrière les autres. Si tu n’es pas là à temps, les autres véhicules de la même rangée ne peuvent alors quitter le wagon… Mais c’est relativement bien organisé ; il ne faut pas se plaindre !…

— Tiens, les voilà ! dit Nadja, apercevant au loin son frère et son père, Philippe.

— Alors ?… C’est fait ?…, s’enquit Raïssa auprès de son fils, Hubert, âgé aujourd’hui de dix-sept ans.

— Oui. On a le numéro 255. J’ai pris le bracelet.

— Fais voir !…, lui demanda sa sœur.

Il lui montrait à présent une chainette avec une médaille dont il avait entouré son poignet.

— Je crois qu’on peut y aller maintenant ! déclara Philippe.

— Oui, l’annonce a déjà été faite par hautparleurs de se diriger vers les portes d’embarquement, ajouta sa femme.

— À quelle heure on part ? interrogea Nadja.

— Oh ! pas avant trois quarts d’heure, car sur ces trains spéciaux le départ est toujours long ! lui répondit son père. Mais on n’a pas le choix, si ce n’est de prendre son mal en patience !… Allons-y !…

Ils se mouvaient maintenant tous les quatre vers les portes annoncées et les écrans de départ. Nadja demanda à sa mère si c’était bien la première fois qu’elle prenait ce train. Laquelle lui répondit que c’était déjà la deuxième mais que, la première fois, elle était trop petite pour se le remémorer…, encore un bébé, à l’époque !… « Tu avais d’ailleurs dormi tout au long du parcours ! »

— Pour vous, c’est la deuxième aussi ? reprit Nadja.

— Non, la troisième ! La dernière fois, il y a quatre ans, tu étais restée chez mamie, tu t’en souviens ?… Ton père avait un congrès…

Elle se tourna alors vers son mari et lui demanda :

— Un congrès de quoi déjà, chéri ?…

— De chirurgie plastique, répondit-il. Cela avait duré cinq jours, et on en avait profité pour prendre quelques jours de repos sur la côte. C’était encore plus difficile d’y accéder que maintenant ! Ton frère était en pension, cette fois-là… Mais la première fois, il avait été très impressionné !…

— Qu’est-ce que t’as vu ? Dis-moi ? ! questionnait aussitôt, Nadja, en s’adressant à son frère.

— Tu verras par toi-même…, si le temps est clair ! lui répondit-il, d’un air amusé et quelque peu taquin, ne voulant guère en dévoiler plus.

*

Toute la famille avait maintenant pris place dans un compartiment familial de quatre places relativement spacieuses.

Par les fenêtres hermétiquement closes défilait la campagne ensoleillée. Tous étaient plongés dans des lectures fort disparates, reflétant la personnalité des uns et des autres : Hubert, dans un polar, Philippe, dans un roman historique, Raïssa, dans une revue féminine. Enfin, presque tous, car Nadja jouait avec un jeu électronique, un dernier-né qui faisait fureur ! Le début du voyage se déroula dans la bonne humeur générale et la dégustation de quelques encas, dans l’attente, pour la jeune fille, du grand moment…

Ce dernier eut lieu une heure plus tard quand se déclencha une sonnerie et que se fit entendre une voix dans les enceintes acoustiques :

« Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs, nous arriverons dans quelques minutes dans la zone interdite que nous traverserons à la vitesse de quatre-cents kilomètres à l’heure. En cas d’arrêt accidentel du convoi dans cette zone, nous vous prions formellement de ne point quitter votre compartiment.

» Au cas où, pour des raisons indépendantes de notre volonté, il serait toutefois nécessaire de quitter le train, vous devriez alors revêtir la combinaison contre la radioactivité, que vous trouverez au-dessus de votre tête, dans son logement spécifique indiqué par une lumière verte qui doit maintenant se mettre à clignoter. En cas de déficience de cette dernière, vous êtes priés d’aviser sur-le-champ, par le microphone de votre compartiment, le chef de train qui procèdera aussitôt aux vérifications utiles.

» Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs, la Direction des transports rapides protégés vous remercie de votre attention et vous souhaite à tous un bon voyage. »

L’annonce fut de nouveau retransmise en anglais :

« Ladies and Gentlemen, in a few minutes we will be entering the restricted zone, through which we will travel at a speed of four hundred km an hour. In the event of an accidental stop of the train in this zone, we ask for you not leave your compartment.

» In the event or an emergency which necessitates evacuation of the train, you must put on the anti-radioactive jumpsuit which is located in a compartment above your heads, indicated by a green light which should now begin to flash. In the event of a defect, please notify the guard using the microphone in your compartment, so he may take the necessary action. »

» Ladies and Gentlemen, we at the rapid railway protected transport thank you for your attention and wish you a pleasant journey. »

*

— C’est comment, une combinaison contre la radioactivité ? interrogea Nadja.

— Je n’en sais rien. Celles-ci, je ne les ai jamais vues ! lui répondit son père. C’est une sorte de tunique, avec un masque bien entendu, et un compteur Geiger.

— C’est comme quand tu jouais, petite, au fantôme avec un drap !…, la renseigna Hubert.

— Ah bon ! dit-elle, perplexe.

*

À l’instant même, venait de s’allumer un panonceau : « Traversée de la zone interdite ». Maintenant, la lumière verte s’était arrêtée de clignoter.

Par la fenêtre, Nadja scrutait l’horizon. Hubert s’était levé et dirigé vers le couloir. Il souhaitait en effet observer les alentours depuis ce dernier…

— Tu viens ? demanda-t-il à sa sœur.

— Non. Je vois aussi bien d’ici !… Je préfère rester assise !

— Et toi, papa ?… Maman ?…

— Oh, ce n’est pas la première fois que nous faisons le voyage !… Nous avons déjà vu ! lui répondirent-ils en chœur.

L’étroit passage desservant les compartiments était empli de gens curieux, avides de sensationnel, disséquant à présent ruines et paysage désertique à travers d’épaisses vitres protégeant des radiations nocives.

— C’est impressionnant ! s’exclama une femme, tout près d’Hubert. C’est la première fois que je le vois ! On m’en avait parlé, mais je ne pouvais le croire !…

— C’était un village, ça ? interrogeait une autre femme, portant des lunettes en écaille.

— Sans doute…, répondait une personne, parmi les curieux. Qu’est-ce que vous voulez que ce soit ? !… Je ne pense pas que ce soient des ruines gallo-romaines !…

Des rires quelque peu retenus traversèrent l’assistance. C’est à ce moment-là qu’émirent de nouveau les enceintes acoustiques ; c’était une nouvelle annonce. Cette fois, elle émanait du conducteur du train :

« Mesdames, Messieurs, nos radars viennent de repérer l’un des deux engins de dépollution et de réhabilitation de cette zone, mis récemment en service. Pour la circonstance, nous ralentirons le convoi au maximum afin de permettre aux personnes qui le désirent de l’observer et de prendre des photos. Une fois que nous l’aurons dépassé, nous reprendrons très rapidement notre vitesse de croisière. »

Cette fois-ci, l’annonce ne fut pas réitérée en anglais.

Le train ralentissait déjà quand reprit la même voix :

« Vous le découvrirez à droite, dans le sens de la marche du train, dans deux minutes environ… »

Les visages se collaient aux fenêtres. Cette fois, Nadja et ses parents s’étaient eux aussi pressés hors du compartiment.

Le convoi arrivait maintenant en vue d’un énorme engin sur chenilles baptisé : « Le Paisible », véritable forteresse roulante dont émergeaient quelques surprenantes antennes ainsi que deux radars. Sur le dessus, les bouches béantes de colossaux canons et plusieurs mitrailleuses. À l’avant, une lame démesurée de bulldozer. Dans son axe, une sorte de lance-flammes. À l’arrière, sur l’un des ponts, une singulière pelleteuse, sur chenilles également. Il y avait encore des rampes de débarquement en acier et tout le matériel adéquat pour sortir, des soutes, de plus légers engins.

À environ
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… Chapitre I

Acilie avait à présent parcouru les quelques centaines de mètres qui la séparaient du lieu où se tenaient leurs réunions secrètes. Il s’agissait des excavations d’une ancienne usine dont seule la partie souterraine avait survécu aux centaines d’espèces arboricoles composant les nouveaux massifs forestiers qui, peu à peu, avaient contrebalancé les effets nocifs du réchauffement climatique amorcé à la fin du vingtième siècle, et que l’on avait dû implanter très largement, partout où cela fut encore possible.

Veillaient à l’entrée d’un escalier en béton, moussu et fatigué par les ans, deux personnes : Damien et Thélérine, lasers défensifs pendillant à une ceinture de cuir ornée de clous en laiton. Ils l’accueillirent d’un sourire. Damien était d’un blanc nordique, petit et râblé ; vu sa couleur de peau, il appartenait au genre humain. Thélérine était une blonde pulpeuse, approchant la trentaine, au grain de peau carmin ; elle relevait du genre andros ou humas.

— Lusa Acilie, dit-elle.
— Lusa Thélérine, lui répondit Acilie. Je suis en retard, sans doute ?…
— Ça vient juste de débuter. Tu n’étais pas la seule en retard, vu ce temps de loup-garou !

Acilie ôta les peaux qui recouvraient ses brodequins, afin de chausser des estraquins de cuir fin, et descendit les marches. En effet, la réunion était commencée. À peine était-elle apparue que l’orateur du jour, qu’elle ne connaissait pas encore, l’apostrophait :

— Bienvenue, mondoyenne ! Et merci d’être là en dépit des conditions difficiles. Approchez-vous ! il y a encore de la place au premier rang…

Acilie gagna ce dernier, comme on l’invitait à le faire, sous les regards étonnés et subjugués d’une trentaine de personnes, car on connaissait, pour l’avoir vécue, la difficulté à progresser par ce temps hivernal et ce froid aigu ; et surtout qu’Acilie était arrivée seule, sans sa mère… Parmi l’assistance : la plupart « black et white », et quelques humas de couleur qui, peut-être un jour, prendraient leur part à la révolution prochaine si celle-ci pouvait enfin aboutir. Le conférencier, en costard foulard et insigne à la boutonnière, recommença pour Acilie le début de son allocution…

— Je répète donc, pour cette mondoyenne qui arrive à l’instant et que, vu le temps, je remercie, ce que j’avais dit juste auparavant. Le kimar de Saint-Justin m’a fait savoir, par l’un de ces émissaires ambulatoires, de bouche à « esgourdes » , qu’il nous donnera bientôt le feu vert pour de grandes actions.

Une main se leva, comme pour interroger…

— Oui, mondoyen, qu’y a-t-il ? demanda l’orateur.
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sotop 400
– Mais regarde-moi un peu cette gueule de con !…

Le policier
– Cette fois, j’ai bien entendu… Qui me traite de con ? !… Aucunes lèvres n’ont bougé… Qui parmi vous est ventriloque ?…

Harry
– Mais personne, monsieur… Je vous le jure…

Le policier
– Vous vous foutez de moi !… Pas de papiers… Descendez !…

Isotop 400
– Il est furieux, le pépé !… Il aime pas qu’on parle de sa gueule !… Je le vois dans son regard, et j’entends sa voix courroucée… (Un temps) Et moi, je dis… Que personne ne sorte !

Isotop verrouille sur-le-champ toutes les portières.

Le policier
– Quelqu’un est ventriloque parmi vous, ça c’est sûr !… Ou cette voiture est diabolique !…

Isotop 400
– Diabolique ! Diabolique ! Regarde-toi, face de rat !

Le policier
– Mais on m’a traité
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pages 65-66

J'en avais déjà le cœur tout retourné…

En un rien de temps, guidés par Bahira, étions, Aoud et moi, devant le Bédouin en question.

La jeune femme ne s'était pas trompée ; Jerry avait bel et bien payé son quadrupède à la bosse rebondie ; et en dollars !

Point de dinars, riyals, dirhams ou livres ; toutes, monnaies des sables ; mais des dollars ! Évidemment, dans cette région, les dollars coulaient à flots, autant que l'or noir, mais les Bédouins préféraient toujours la valeur marchande de leurs monnaies traditionnelles.

D'où provenaient les billets verts, puisque j'avais moi-même pris la peine d'explorer le bagage de Jerry ; et n'y avais trouvé que des choses ordinaires, pas même d'argent !

Si dorénavant le problème du négociant était réglé, il fallait au plus vite mettre la main sur la personne à qui l'on aurait pu dérober un chameau, en contre-valeur s'entend ; et avant qu'elle n'allât se plaindre aux autorités. Car il serait alors trop tard ! Et le voleur pris sur le fait ne pourrait être jugé que selon les lois en vigueur dans le pays ; et elles étaient terribles !

Enfin parut le fauteur de troubles, et son mammifère au sourire narquois.

— Où as-tu pris l'argent pour acheter cet animal ? criai-je d'emblée d'un ton suffisamment courroucé pour que, tel un enfant soudain inquiet, Jerry reconnût sa faute.

Pendant que de mes invectives je le poursuivais, la bête était venue me lécher l'oreille comme pour me dire : " lâche-nous les babouches ! ".

Jerry paraissait gêné. J'avais déjà compris qu'il n'oserait avouer son forfait devant tout le monde. Je l'entraînai à l'écart. Ce qu'il me montra me subjugua. Alors que nous avions gagné un endroit discret, il leva son pied droit, faisant apparaître la semelle de son soulier, passa l'index de sa main droite sur une marque secrète, quelque part sur la chaussure. Et comme par mimétisme dans cet Orient magique, s'ouvrit la caverne d'Ali Baba.

Ebaubi, j'écarquillai les yeux. Là, dans ce pays où la flore était réduite à sa plus simple expression, Jerry crapahutait sur un océan de verdure.
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Chapitre I

Les peaux de bêtes sauvages, dont elle avait entouré ses brodequins, laissaient sur la neige immaculée et dense les traces d’une chimère, tandis que les flocons tombaient drus, balayés par un vent cinglant qui les amoncelait en congères. Sa progression était lente mais plus que jamais déterminée. Nulle réunion secrète de la cellule locale ne pouvait être ajournée, même par temps de chien et météo apocalyptique ! Et Acilie s’y rendait…

Alors qu’elle cheminait difficilement dans des bourrasques dignes des blizzards, son laser d’autodéfense – trouvé par hasard dans un champ – pendant à une ceinture de cuir mise par-dessus ses habits, une meute de loups aux abois hurlait dans le lointain. Quiconque, qu’il fût humain, animal sauvage ou domestique, avait un jour gouté à ce laser, ne s’en approchait plus de sitôt ! ; beaucoup le portaient par le fait de manière ostentatoire quand cela s’avérait crucial… C’était le cas d’Acilie aujourd’hui qui, ainsi parée, ne craignait personne : ni bandits de grand chemin qui hantaient les parages, ni bêtes hostiles et carnassières, ni démons de toutes sortes. C’était bien le seul luxe qu’elle possédait encore – d’une extraordinaire efficacité pour dégoter l’aléatoire pitance de tout exilé en forêt –, hormis le « luxe » du dénuement le plus total ; lequel dénuement avait un jour conduit sa mère à émigrer d’un quartier sordide jusqu’en lisière de forêt, d’où on l’avait délogée bien des fois ; jusqu’au jour bénit où Acilie eut l’idée qui leur permit de rester définitivement sur place…

*

Acilie était l’unique fille d’Adalinde de Myrenthrée d’Isicourt, arrivée en forêt avec sa mère à l’âge de quinze ans, sous le Républicat de Solis III, troisième du nom, et, toujours, démocratiquement élu ; grâce au lobbying de suprêmes collèges électoraux à la solde du pouvoir en place, plus qu’enraciné.
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