La pensée première, créatrice et directrice, demeure, mais les interprétations qu'elle reçoit, les formules par lesquelles elle se rend extérieurement communicable, les institutions qui en développent l'action dans le monde, évoluent. D'une part, le lien causal qui rattache la succession de ces formes à la pensée première, la ressemblance intime qu'elles ne peuvent manquer de conserver, puisqu'elles sont les traductions d'un seul et même original, assurent leur unité spirituelle; d'autre part les manifestations allons de la religion participent à la loi de toutes les choses vivantes, en suivant, dans leur évolution, le monde dont elles font partie.
La psychologie déborde la physiologie. La matière de celle-ci, qui, au physiologiste, semblait un tout complet et absolu, n'est plus qu'une partie, non isolable, aux yeux du psychologue, qui la voit se former, par une différenciation et une fixation contingentes, d'une réalité plus vaste et plus mouvante, fournie par la conscience.
En fait, la pensée chrétienne eut à compter avec les conditions du monde qu'elle voulait conquérir, avec ses institutions, avec ses mœurs, ses croyances, ses traditions. Pour être compris, il faut nécessairement parler la langue des hommes à qui on s'adresse.
C'est le hasard, ou le destin, ou un ensemble de volonté capricieuses, qui président à l'univers.
La condition de la psychologie est, ainsi, analogue à celle de la physiologie. Si celle-ci pousse suffisamment loin ses recherches, elle voit, à un certain moment, se dresser devant elle des énigmes qui la surpassent.
Comme il parlait, ainsi il écrivait. Faisait-il, entre l'une et l'autre de ces deux occupations, une grande différence? Quand on le lit, on croit l'entendre. C'est, dans la disposition des idées, le même ordre subtil, libre et vivant, l'ordre du coeur de Pascal, plus profond et plus vrai peut-être que l'ordre gros et palpable des démonstrations géométriques. C'est le même langage pittoresque, personnel, plein de trouvailles et d'images révélatrices. C'est la même vivacité, la même vigueur d'attaque et d'argumentation.
Ce n'est l'usage même en Allemagne, d'assigner un cordonnier théosophe de la Renaissance, Jacob Boehme, une place importante dans l'histoire de la philosophie. On reconnait en lui, avec Hegel, un esprit puissant; mais, quand on accorde que son œuvre obscure et confuse ne dégagent un certain nombre de doctrines à peu près saisissables pour l'intelligence, on range ces doctrines du côté de la théologie et de l'édification chrétienne, plutôt qu'on n'y voit des monuments de la science profane et rationnelle.
Le point de départ des recherches philosophiques de William James se trouve dans ses études d'anatomie et de physiologie. Par profession comme par doctrine, il conduit ces études d'après une méthode strictement expérimentale. Or c'est précisément cette préoccupation de prendre l'expérience pour unique guide, qui l'amena à franchir les limites de la physiologie, pour s'engager dans le domaine des recherches psychologiques, où il devait s'illustrer.
Mais le positivisme ne cherche le réel que pour atteindre à l'utile. Comment, des connaissances réelles que fournissent les sciences, s'élever à des connaissances véritablement positives ? Ici commence le rôle propre de la philosophie. Pour que la recherche du réel coïncide avec celle de l'utile. il faut que la philosophie déunisse l'utile, et dirige vers lui la science car celle-ci, d'elle-même, ne s'imposerait pas la discipline nécessaire.
Toute la nature est suspendue à la raison, mais toute la nature est impuissante à l'égaler, disait Aristote; et, démontrant l'existence de la pensée en soi, de la raison parfaite, il appelait cette raison le dieu. Si donc la raison se détournait de la religion traditionnelle, c'était pour fonder, sur la connaissance de la nature elle-même, une religion plus vraie.