On mourait abondamment, en ce temps-là. Certes, chaque individu n'avait qu'une vie à perdre, mais nous périssions de causes variées. Nous mourions sous la patte d'un ours, la charge des sangliers, la morsure des loups ; nous mourions de chutes, de blessures, de fièvre, d'indigestion ; nous mourions de la tête, de la bouche, des dents, des entrailles, du cul ; nous mourions d'un os qui se fracassait, d'une jambe qui enflait, d'une plaie qui suppurait, d'une peau qui jaunissait, de croûtes qui nous couvraient, de bubons qui soulevaient nos viscères ; nous mourions de faiblesse, d'épuisement, d'infection, des coups de l'ennemi. Personne ne mourait de vieillesse. Le temps ne distillait pas la mort, il n'en avait pas le temps...