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Citation de Cannetille


Pourvus de réflexes défensifs, animaux et humains se pensent donc vulnérables, mais leur perception du péril diffère : il y a des dangers qui appellent à la fuite ou au combat, il y a un danger qu’on ne peut ni fuir ni combattre. L’humain détient le triste privilège d’identifier cet ennemi-là, le trépas, celui contre lequel on n’arrivera à rien, celui qui, impitoyablement autant qu’inéluctablement, l’emportera. La défaite est d’emblée annoncée. En un mot, tandis que les animaux ne se rendent pas compte qu’ils perdront la partie, les humains, eux, en ont conscience. L’animal : la bête qui se croit victorieuse. L’homme : la bête qui se sait vaincue.
Les gris-gris viennent compenser cette lucidité. Ils prennent de multiples formes et ne se contentent pas d’être accrochés au cou, ils se métamorphosent en rites, en chants, en tabous, en dessins, en cérémonies, en fêtes, en histoires partagées. Les religions n’offrent-elles pas l’intériorisation, la spiritualisation du gri-gri ? On fournit des gris-gris pour chaque âge, pour chaque rang, chaque civilisation, même pour les esprits forts qui prétendent s’en passer : ceux-là étudient la philosophie, les sciences, coincent leur œil derrière la lentille d’un microscope ou d’un télescope, pratiques qui représentent de nouveaux gris-gris, car il s’agit toujours de se défendre du néant.
Aujourd’hui, la conscience de la mort n’a ni disparu ni changé, ce sont les gris-gris qui ont acquis l’invisibilité. Si je ne les remarque plus sur la poitrine des contemporains, je les repère dans leur discours sitôt qu’ils ouvrent la bouche. Pas d’humain sans gri-gri.
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