AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
La Traversée des temps tome 3 sur 4
EAN : 9782226467447
576 pages
Albin Michel (02/11/2022)
4.16/5   590 notes
Résumé :
Poursuivant sa traversée de l’histoire humaine, Noam s’éveille d’un long sommeil sur les rives du Nil, en 1650 av. J.-C. et se lance à la découverte de Memphis, capitale des deux royaumes d’Égypte. Les temps ont bien changé. Des maisons de plaisir à la Maison des morts, des quartiers hébreux au palais de Pharaon se dévoile à lui une civilisation inouïe qui se transmet sur des rouleaux de papyrus, qui vénère le Nil, fleuve nourricier, momifie les morts, invente l’au-... >Voir plus
Que lire après La traversée des temps, tome 3 : Soleil sombreVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (72) Voir plus Ajouter une critique
4,16

sur 590 notes
5
26 avis
4
31 avis
3
8 avis
2
1 avis
1
0 avis
Après nous avoir successivement transportés à l'époque du Déluge et sur le chantier de la Tour de Babel avec « Paradis perdus » et « La porte du ciel », Eric-Emmanuel poursuit sa « Traversée des Temps » avec le troisième tome de la série qui en comptera huit.


Rendus immortels par la foudre il y a quelque huit mille ans, Noam, la femme qu'il aime Noura, mais aussi son demi-frère et adversaire Derek, ont conservé l'apparence physique de leur jeunesse. Eux qui ont vu passer tant de générations ont connu autant d'existences successives, et, parfois séparés, ont alors vécu des amours mortelles et connu le bonheur d'enfanter. C'est ainsi que Noam retrouve Noura mariée au Suédois Sven et mère de la jeune Britta Thoresen présentant de fortes similitudes avec une célèbre militante écologiste scandinave. Victime d'une tentative d'assassinat, l'adolescente est confiée par Noura, Sven et Noam aux bons soins des Eternity Labs californiens, pendant que, poursuivant la rédaction de ses mémoires, Noam revient sur une tranche de vie entrant étrangement en résonance avec son existence actuelle, située dans notre futur proche : celle qui l'a mené, en 1650 avant notre ère, dans l'Egypte des pharaons.


Car, des rites de la mort en Egypte antique, entre momification des corps et pérennité des pyramides, au transhumanisme moderne de la Silicon Valley, s'affirment le même refus du trépas et la même quête obsessionnelle de survie. Après avoir cherché l'éternité au travers de la religion, l'homme utilise aujourd'hui la science pour accroître toujours plus sa longévité. C'est dans cette mise en perspective que Noam raconte la civilisation de l'Egypte antique, peuplant ses tableaux plein de vie, rehaussés de passionnantes et érudites annotations, de personnages crédibles et attachants, et partageant avec intelligence ses réflexions sur l'immortalité, graal de toujours à l'origine de nos plus puissants mythes et croyances, en particulier religieux, mais aussi cadeau empoisonné quand l'éternité use les corps et pas l'amour, et qu'elle vous ensevelit sans fin sous le poids du deuil et de la perte.


Une nouvelle fois, Eric-Emmanuel Schmitt nous enchante de son talent de conteur si naturellement augmenté de l'érudition et de la pertinence de ses analyses et observations. Et c'est subjugué par sa narration, qu'après les précédents tomes centrés sur Noé, puis sur Nemrod et Abraham, on l'accompagne cette fois dans l'Exode, sur les pas de Moïse, pour la suite de sa démystification des récits bibliques et de la fondation de la civilisation judéo-chrétienne. Coup de coeur.

Lien : https://leslecturesdecanneti..
Commenter  J’apprécie          842
Après la période du Néolithique (« Paradis Perdus »), puis la Mésopotamie (« La porte du ciel »), l'histoire de l'humanité narrée dans l'octalogie « La traversée des temps » se poursuit en Égypte en 1650 av. J.-C.. le lecteur retrouve Noam à Memphis, première capitale égyptienne, à l'époque des pharaons. Noam le chasseur-cueilleur, Noam témoin de la construction de la tour de Babel, se retrouve témoin et acteur de la vie en Égypte antique. Au coeur du désert, une cité, un pays florissant dans lequel le lecteur, happé, va naviguer entre l'histoire de cet homme immortel, son amour inaltérable pour Noura et les différents métiers qu'il va exercer en permettant ainsi à son lecteur de se retrouver totalement immergé dans cette culture fascinante qui va lui dépeindre les us et coutumes de la cité. Eric-Emmanuel Schmitt, conteur passionné et passionnant, érudit et humble, nous emporte au coeur d'une civilisation palpitante, qui voit naître l'écriture, apprivoise la mort, s'interroge sur l'existence après la vie. Tout en vivant cette nième vie, Noam continue d'ausculter l'amour, le bonheur, le vieillissement, d'analyser la puissance de la religion, et d'être définitivement un témoin de son temps. Dans une interview récente, Eric-Emmanuel Schmitt affirmait que son oeuvre « La traversée des temps » avait pour but d'apprivoiser notre (im)mortalité. Ce tome 3 confirme sa fascination pour la création de l'humanité et pour l'évolution humaine.

Même ambiance, même virtuosité, même attachement, même empathie pour les personnages, ce tome, comme les précédents, est très difficile à quitter. le refermer c'est laisser pour un temps indéfini des protagonistes chers à nos coeurs, dont nous nous préoccupons du destin comme s'il s'agissait du nôtre. Des amis. Des êtres proches et aimés. À travers les yeux de Noam, une civilisation entièrement disparue renaît et se déploie sous nos yeux. Ainsi, la genèse de l'écriture qui mêle « des signes-mots et des signes-sons » pour devenir « l'essence de l'âme égyptienne » fascine Noam autant qu'elle nous fascine. Il en est de même pour tous les rites funéraires tels que la manière de procéder durant la momification. de la pédagogie au milieu du récit, et toujours ces petites notes en bas de page sont un ravissement. C'est la touche très personnelle d'Eric-Emmanuel Schmitt.

Sans déflorer l'intrigue, la situation de Noam, et sa quête constante de Noura, il y a deux thématiques qui m'ont énormément émue dans ce tome 3 : l'amour et le vieillissement, et la mort. Nul besoin de préciser que Noam, riche des époques qu'il sillonne, des expériences qu'il traverse, des personnages qu'il côtoie, des métiers qu'il exerce, devient de plus en plus sagace et philosophe sur la nature humaine. « Qui aime-t-on quand on aime ? Un corps bien sûr, mais une âme, un caractère, un regard, un élan. La lumière de (X), énergique, généreuse, subsistait, dans cette chair qui se délitait. Aime-t-on sans désir ? Mon désir persistait, mais il se nourrissait différemment. Plutôt que de la vue, il jaillissait de l'esprit. » Au lieu de lire des magazines féminins qui nous expliquent sans cesse comment maigrir et reconquérir charnellement nos hommes lorsque nos corps perdent de leur superbe, peut-être Monsieur Schmitt pourrait-il mettre à disposition un petit manuel de survie pour ceux qui voudraient explorer l'entièreté et la beauté du désir humain. « Sombre soleil » décrypte avec beaucoup de justesse et une grande délicatesse le désir et l'amour, l'essence sublime qui rapproche deux êtres de la première à la dernière seconde. « Tu m'as donné l'appétit de tout recommencer chaque matin, Noam. » Quelle magnifique déclaration d'amour…

« Par fractions et allusions, je découvris qu'Osiris avait rapporté aux humains l'espoir d'une vie après la mort. En ressuscitant, il avait dévoilé une nouvelle dimension de l'existence : la mort n'était pas une fin ; une vie ne se terminait pas au trépas, elle changeait de forme ; lorsqu'un individu s'éteignait, il bouclait un cycle avant d'en commencer un autre. » L'espoir… l'espoir qu'il existe quelque chose après cette vie qui permette d'expliquer que tout ce qui est entrepris ici n'est pas vain ou inutile, mais que les choses ont un sens. Les réflexions sur la mort développées dans « Sombre soleil » n'ont rien d'exceptionnel lorsque l'on s'intéresse un peu aux différents courants de pensée sur le sujet, cependant j'ai trouvé certaines cogitations fort à propos. Eric-Emmanuel Schmitt fait montre d'une réelle honnêteté intellectuelle et de réflexions pertinentes, fort d'avoir fait voyager son personnage principal à travers les époques et de le faire revenir au temps présent par l'intermédiaire « d'intermezzos ». « Où se sont volatilisés les philosophes ? Songe Noam. La sagesse consiste à accepter la mort. La religion la nie, et voilà que la science lui emboîte le pas. » Qu'attendons-nous exactement de la vie ? Quelle est la place accordée à la religion dans nos existences ? Qu'y cherche-t-on ? « Qu'attendions-nous de la vie ? L'autre vie ! Nous passions notre première vie à espérer la seconde, cet au-delà que vous imaginions peu différent, quoique plus agréable. Quel leurre ! le clergé et les dirigeants, en attirant l'attention des hommes sur l'existence d'après et le trépas l'avaient détournée du moment présent. »

Les trois premiers tomes de cette brillante octalogie ont ceci de fascinant que même en nous replongeant dans des temps anciens, les sujets restent terriblement actuels. Les préoccupations d'alors sont sensiblement les mêmes que celles d'aujourd'hui. Les grands questionnements évoluent à cause du progrès, mais sont philosophiquement identiques. Par exemple, durant la période égyptienne, l'on parlait déjà du viol, de l'avortement, des violences de tous genres. On se posait déjà des questions sur le bonheur : « Qu'est-ce que le bonheur ? L'absence de questions. » Certains mettaient déjà en doute l'aveuglement collectif lié à la religion : « Dieu sollicitait notre intelligence, il ne s'y substituait pas. » Enfin, le Noam d'hier confronté au Noam d'aujourd'hui, aux changements du monde, aux fluctuations de la pensée, aux va-et-vient des conflits est certainement le personnage le plus fascinant rencontré en littérature, le plus troublant aussi, charismatique, séduisant, captivant, proche de nous par ses réflexions, ses inquiétudes qui ressemblent dramatiquement aux nôtres « (…) l'humanité suivait une mauvaise pente, elle tablait trop sur elle-même, ne se préoccupait que d'elle et instaurait un monde oublieux de la nature. », et son cynisme parfois si authentique « Bienheureuse nature humaine : l'ivresse égotique estompe la réalité. Afin que le puissant s'estime puissant tandis qu'il s'avère l'employé de la puissance, l'esprit a inventé le narcissisme pour occulter la lucidité, et la mégalomanie pour dissimuler la soumission. »

Encore une fois, j'ai été intensément séduite par ce troisième tome, autant que par les deux précédents. Eric-Emmanuel Schmitt manie le verbe avec classe, ses personnages sont brillants, son récit hypnotique et excitant. Absolument tous les ingrédients sont présents pour offrir au lecteur un intense plaisir de lecture.

Lien : https://aude-bouquine.com/20..
Commenter  J’apprécie          370
Bienvenue à Memphis ! Non, pas dans le Tennessee, mais en Égypte !

Si on a tous en nous quelque chose de Tennessee, il est plus difficile d'avoir en nous une vie dans l'Égypte ancienne.

Puisque la littérature peut nous faire voyager dans l'espace, elle sait aussi nous faire voyager dans le temps. Après avoir arpenté le Néolithique et m'être pris un déluge sur la tronche (Paradis Perdus), après avoir assisté à la construction et la chute de la tour de Babel dans la Mésopotamie (La porte du ciel), place maintenant à l'Égypte des pharaons, celle qui vit l'exode des Hébreux sous l'égide d'un certain Moïse.

Avec brio, Eric-Emmanuel Schmitt continue de mettre en scène des petites histoires pour nous raconter l'Histoire (la grande), revisitant par la même occasion, les grands faits bibliques, les mettant à hauteur d'Homme, les expurgeant de leur côté fantastique.

Noam est un personnage attachant, même s'il peut aussi être exaspérant, par moment, mais dans le fond, je l'aime bien, il est réaliste, on prend plaisir à le retrouver. Noura, la femme qu'il aime et qui, comme lui, est atteinte d'immortalité, est plus calculatrice, plus manipulatrice et elle m'a exaspéré avec sa jalousie, alors qu'elle ne s'était pas privée pour aller avec d'autres hommes.

Dans ce troisième tome, c'est la société égyptienne qui est mise à l'honneur et elle est moins glamour que dans les reportages télés qui parlent de découvertes de tombeaux de pharaon ou de vestiges historiques.

Sans pour autant utiliser des esclaves, les pharaons avaient tout de même mis leurs sujets sous servitude. Il faudra toujours des petites mains pour construire des grands stades… heu, pyramides ! Rien n'a changé, tout, tout a continué ! Ah, non, on a inventé les casques de chantiers, au moins !

Dans ce roman, il n'y a pas que des aventures, de l'amour, de l'amitié, il y a aussi des réflexions sur le vieillissement, sur la médecin, le pouvoir, son hérédité, sur le fait que ceux en bas de la pyramide sont toujours les plus mal lotis, comparés à ceux qui se pavanent dans les hauteurs, les premiers de cordée qui, sans les petits du bas, ne seraient rien. Les seules choses qui ruissellent, ce sont les misères et les malheurs, pas les richesses (ou alors, entre riches).

Il me faudrait trop de place pour parler de tout ce qui m'a plu, dans les réflexions de l'auteur (au travers celles de Noam), mais sachez que je les ai trouvées intéressantes, intelligentes et non dénuées de fondement.

Mon premier bémol sera pour le fait que le Méchant soit le même à travers les âge : Derek. Un peu réducteur, je trouve, j'aurais aimé que nos personnages affrontent d'autres salopards, d'autres égoïstes, d'autres enfoirés. le second pour les quelques longueurs de texte, à certains moments.

Oui, je cherche la petite bête, parce que dans le fond, le vrai fond, j'ai passé un bon moment de lecture, hors du temps, dans cette Égypte ancienne que j'aurais aimée arpenter. Les quelques longueurs n'ont pas réussi à entraver mon plaisir de lecture et mes retrouvailles avec cette grande fresque Historique.

Les intermezzos, entre deux parties, sont toujours le bienvenu, puisqu'ils nous montrent nos héros, à notre époque. le suspense est bien mené, dans ces petits morceaux, et on a toujours hâte d'en savoir plus.

Pour le prochain tome, on quitte l'Égypte (dommage !) pour se diriger vers la Grèce au IVe siècle avant J.C.

Une fois encore, l'auteur réussi à prouver qu'il est un grand conteur et qu'il y a moyen de mélanger des petites histoires dans la grande, sans pour autant lui porter préjudice. le tout sans jamais être rébarbatif ou que l'Histoire devienne un cours magistral d'université.

Vivement la suite !

Lien : https://thecanniballecteur.w..
Commenter  J’apprécie          305
LONG comme la construction d'une pyramide.

Pour la suite de son Histoire des origines, ou Traversée des temps, Schmitt nous entraine dans l'Egypte des pharaons avec bien entendu l'histoire biblique de Moïse.

On y retrouve toujours ses personnages principaux, Noam, Nourah, Derek,...
La première partie du bouquin tire dans les longueurs, dans les très grandes longueurs au point que l'on se demande si on ne va pas abandonner là. Noam, Osiris réincarné, est la perfection. Il apprend les hiéroglyphes, et pendant ce temps-là nous on s'ennuie ferme. Heureusement certaines notes de bas de pages relèvent le niveau.

Ce que j'aime bien chez Schmitt, c'est qu'on apprend toujours un petit quelque chose.

Quand il part à Memphis pour être vendeur - prostitué, chef embaumeur et sauveur de Moïse, ça va mieux, on retrouve un rythme plus sympa et une narration donnant envie de continuer.

Parallèlement à l'histoire, nous avons une histoire dans le présent, où l'on apprend que la fille de Noura, ersatz de Greta Thunberg, est la victime de Derek. Je dois avouer que j'ai énormément de mal avec les passages ancrés dans la période actuelle. Depuis le premier volume je les trouve incongrus. J'aurais préféré cette saga sans ce rappel au présent.

Bref, c'est pas super folichon, je préférais nettement Eric-Emmanuel Schmitt dans ces bouquins précédents. Cette saga ne me convainc vraiment pas.
Commenter  J’apprécie          322
Après le néolithique, la Mésopotamie, dans les deux premiers tomes, le troisième tome tant attendu de la saga de l'humanité vue au travers du regard acéré d'Eric-Emmanuel Schmitt s'ouvrira sur l'Egypte des Pharaons…
Memphis, le Nil et ses crues nourricières, le désert, le sphinx, les pyramides, Pharaon… Rien ne manque.
Rien ne manque, mais malgré tout, je rame. Et pourtant, dois-je le redire, tout y est : l'immersion au sein de la culture égyptienne, si différente à tous les égards de la nôtre, dépaysement assuré ; la lumière, les odeurs, etc. Mon intérêt, ancien (il remonte au collège), pour l'Egypte ancienne...
Mais je rame quand même.
Il faudra la découverte, page 300, d'un enfant dans les marais au bord du Nil pour que je pose les rames. On l'aura compris, cet enfant, c'est Moïse. Moïse qui sera « adopté » par Néférou, soeur de Souser, le Pharaon. On suivra son parcours jusqu'aux dix commandements, puis jusqu'aux dix plaies de l'Egypte et la fuite des Hébreux, tout d'abord vers nulle part, puis vers Canaan…
Et Noura dans tout cela ? Un peu au début, un peu à la fin…
Et Dérek ? Moins important que dans les deux tomes précédents…
Mais bon, il y a Méret : si attachante, si belle ; tellement présente…
J'attends avec impatience le prochain tome qui aura pour cadre la Grèce antique ; avec impatience et un peu de crainte malgré tout, après ce troisième tome en demi-teinte, sauvé néanmoins par les talents de conteur d'Eric-Emmanuel Schmitt.

Nota : les chapitre « intermezzo » me sont particulièrement pénibles ; avec cet ersatz de Greta Thunberg… Comme une contribution de l'auteur aux marqueurs de notre époque. Mouais…
Commenter  J’apprécie          292


critiques presse (2)
LeDevoir
02 janvier 2023
Poursuivant sa «Traversée des temps», Éric-Emmanuel Schmitt nous ramène dans l'Égypte des pharaons.
Lire la critique sur le site : LeDevoir
LeJournaldeQuebec
21 novembre 2022
Dans le roman, Éric-Emmanuel Schmitt établit des parallèles très intéressants entre la recherche d’immortalité des anciens Égyptiens et celle de la civilisation actuelle, où on cherche la mort de la mort.
Lire la critique sur le site : LeJournaldeQuebec
Citations et extraits (141) Voir plus Ajouter une citation
Lorsque j’ai lu la Bible des siècles après ces événements, une phrase a retenti mille fois dans mon esprit : « Tais-toi, Aaron. » J’ai beau savoir que ses rédacteurs rédigèrent le manuscrit bien plus tard, je ne peux m’ôter de l’esprit que c’est Aaron qui a écrit l’Ancien Testament. Cet épisode en particulier, s’il parle de Moïse, ne parle pas le Moïse, il parle l’Aaron. Tout y est spectaculaire, clinquant, bruyant. Tout se présente en tableaux. Tout se réalise en phrases définitives, en actes péremptoires, en gestes ostentatoires, dans des décors somptueux où la nature – ciel, foudre, eau, montagne – joue efficacement les partenaires. Tout cède au vice de l’exagération : six cent mille hommes auraient quitté la capitale pharaonienne, soit plusieurs millions d’humains en comptant femmes et enfants, soit la quasi-totalité de la population égyptienne ! Quant à Dieu, il s’avère un personnage parfait car inattendu, imprévisible, juste puis injuste, bon puis revanchard. La Bible a inventé le kitsch, c’est-à-dire une esthétique tape-à-l’œil faite pour les masses, une exhibition de péripéties boursouflées de sens, une façon d’exposer les faits qui rend la camelote luxueuse.
Heureusement que, çà et là, des passages échappent, presque subrepticement, à ce goût pompier. Aaron a beau avoir lissé, simplifié, magnifié le destin de Moïse, on perçoit encore ses hésitations, ses doutes, ses faiblesses, sa crainte de Dieu et des hommes. C’est là, dans ce qu’on appelle les contradictions de la Bible, que subsiste un peu de vérité.
Commenter  J’apprécie          30
Étrange, pensai-je à cet instant, on pourrait supposer que le passé constitue un objet qu’on ne peut plus modifier, car achevé : en réalité, le passé s’éclaire à la lumière du présent et varie donc souvent.
Commenter  J’apprécie          280
La tournure que prenaient les affaires humaines me désemparait. Pour moi, guérisseur, toute vie avait de la valeur, chacune méritait d’être soignée et préservée. Or, mon sens de l’équité se réduisait à une lubie de médecin et la société se développait à rebours en créant l’exact contraire, la hiérarchisation. Des échelons de privilèges divisaient les gens. La pyramide avait gagné. Elle n’occupait pas que l’espace, mais les esprits. Peu d’individus logeaient au sommet, beaucoup se trouvaient écrasés à sa base. Si Pharaon trônait au faîte, puis sa famille, ensuite ses directeurs d’administration, des prêtres, cela déclinait en s’élargissant au fur et à mesure : nombreux généraux, hauts fonctionnaires plus nombreux encore, scribes, entrepreneurs, architectes, perruquiers, médecins, barbiers, artistes, domestiques ; en bas du tétraèdre, on ne prêtait aucune attention à quatre-vingt-dix pour cent de la population, les paysans, lesquels, alors qu’ils nourrissaient tout le monde, n’appartenaient même pas à la pyramide, dépourvus de considération, simples grains de sable, eux qui constituaient le socle sans lequel tout l’édifice s’éboulerait.
Qui avait fabriqué une structure aussi inégalitaire ? Pas ceux que je connaissais… Les prédateurs que je rencontrais n’étaient bons qu’à en profiter, qu’à la perpétuer, à défaut de l’avoir conçue. Aucune supériorité anatomique ni intellectuelle ne justifiait que Méri-Ouser-Rê et son fils Souser fussent des dirigeants omnipotents.
Une rupture avec l’ordre naturel s’était produite. Chez les lions, les singes, les loups, le dominant acquiert sa place grâce à sa musculature, à sa bravoure, à son opiniâtreté ; au temps de mon enfance, le chef d’une tribu nomade ou sédentaire légitimait sa prééminence par ses qualités physiques, morales, position ardue que les circonstances remettaient constamment en question, jusqu’à ce qu’un plus vigoureux l’évinçât ; bref, l’autorité, nécessaire ciment du groupe, se fondait sur des vertus, alors qu’à présent elle provenait du système, non de la valeur d’un individu. La puissance de Pharaon s’appuyait sur une organisation dont la dimension matérielle était le prolongement de la sphère spirituelle – son ascendance divine motivait son statut, son armée l’assurait.
Commenter  J’apprécie          10
Nous sommes en guerre. Qui est l'ennemi ? Pas une nation , comme par le passé. L'adversaire, c'est nous mêmes, l'arrogante humanité pleine d'insouciance.
Commenter  J’apprécie          220
Pourvus de réflexes défensifs, animaux et humains se pensent donc vulnérables, mais leur perception du péril diffère : il y a des dangers qui appellent à la fuite ou au combat, il y a un danger qu’on ne peut ni fuir ni combattre. L’humain détient le triste privilège d’identifier cet ennemi-là, le trépas, celui contre lequel on n’arrivera à rien, celui qui, impitoyablement autant qu’inéluctablement, l’emportera. La défaite est d’emblée annoncée. En un mot, tandis que les animaux ne se rendent pas compte qu’ils perdront la partie, les humains, eux, en ont conscience. L’animal : la bête qui se croit victorieuse. L’homme : la bête qui se sait vaincue.
Les gris-gris viennent compenser cette lucidité. Ils prennent de multiples formes et ne se contentent pas d’être accrochés au cou, ils se métamorphosent en rites, en chants, en tabous, en dessins, en cérémonies, en fêtes, en histoires partagées. Les religions n’offrent-elles pas l’intériorisation, la spiritualisation du gri-gri ? On fournit des gris-gris pour chaque âge, pour chaque rang, chaque civilisation, même pour les esprits forts qui prétendent s’en passer : ceux-là étudient la philosophie, les sciences, coincent leur œil derrière la lentille d’un microscope ou d’un télescope, pratiques qui représentent de nouveaux gris-gris, car il s’agit toujours de se défendre du néant.
Aujourd’hui, la conscience de la mort n’a ni disparu ni changé, ce sont les gris-gris qui ont acquis l’invisibilité. Si je ne les remarque plus sur la poitrine des contemporains, je les repère dans leur discours sitôt qu’ils ouvrent la bouche. Pas d’humain sans gri-gri.
Commenter  J’apprécie          10

Videos de Éric-Emmanuel Schmitt (109) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Éric-Emmanuel Schmitt
Alain Damasio et Eric-Emmanuel Schmitt - Rencontre inédite
autres livres classés : egypteVoir plus
Les plus populaires : Littérature française Voir plus


Lecteurs (1414) Voir plus



Quiz Voir plus

la vie rêvée d'Hitler...

Par quoi commence le récit et la vie d'Adolf H.?

par sa réussite au concours d’entrée à l’Ecole des Beaux-Arts de Vienne.
par son mariage avec Sarah
par son coming out

9 questions
453 lecteurs ont répondu
Thème : La Part de l'autre de Eric-Emmanuel SchmittCréer un quiz sur ce livre

{* *} .._..