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Cerebus : High society

Cela faisait des années que je repoussais ma lecture de Cerebus.



Il s'agit d'une œuvre phare de l'histoire des comics américains. Cerebus a été écrit, illustré et auto-publié par Dave Sim de 1977 à 2004. À chaque mois, sans rater une semaine. 300 comics au total, 6000 pages, divisées en 16 romans.



C'était vraiment un exploit, avant l'arrivée des mangas.



Et c'est vraiment une œuvre qui était en dialogue avec son époque. Sim était dans le début de la vingtaine lorsqu'il a commencé, et lire Cerebus implique de le voir, page après page, vieillir et repousser ses limites, expérimenter, parfois avec succès, sur toute la facette des comics. Le cadrage, le rythme, les ellipses, les hors champs, la prose, la philosophie, le lettrage... Vous voulez savoir quelles étaient les nouvelles techniques d'une date précise dans l'histoire des comics? Ouvrez le Cerebus de ce mois là et regardez les particularités de ces 20 pages là.



Et tout ça commence avec un Vol.1 qui n'est rien de plus qu'une parodie de Conan Le Barbare. Le ton, l'humour, le dessin et les thèmes évolueront énormément au fil du récit.



Bref, c'était le comic populaire de la scène underground. Le comic qui normalisait ce qu'inventait l'avant-garde. Pendant un long moment, il tirait à 30 000 copies par mois. Pour un comic auto-publié, avant internet!



Alors, pourquoi en n'avez vous jamais entendu parler?



Parce que Dave Sim est aussi un connard, fondamentaliste chrétien, misogyne et tout ça. C'est matière à débats à savoir s'il l'a toujours été, ou s'il l'est devenu en cours de route. Quand je dis misogyne, ce n'est pas seulement du sexisme ordinaire, ou des clichés démodés des années 80, là. En fait, vers 2/3 de Cerebus (#186 sur #300), le comics au complet est détourné pour devenir un pamphlet de "philosophie" sur la supériorité des hommes, la stupidité inhérente des femmes, et autre le fait que l'on devrait leur interdire le fait d'avorter, de travailler, de danser, etc.



Bref, un incel avant l'heure. Vous vous demandez peut être partout il n'est pas devenu un héro de la droite trumpiste depuis? Figurez vous qu'ils ont essayé d'en faire un martyre de la cancel culture il y a quelques années. Plusieurs femmes ont sortis pour dénoncer les débuts psychologiques et sexuelles que Sims leur avait fait subir. Dont une qui avait 14 ans à l'époque. La réponse de Sim? Il a dit que tout cela était vrai, et que l'époque où elle lui était soumise était la plus heureuse de sa vie.



Même la droite l'a largué après ça.



Mais High Society, dans tout ça?



Ce roman graphique de Cerebus est le Vol 2. La plupart des listes et articles recommandent de commencer par là plutôt que par le Vol. 1 et sa parodie de Conan. High Society est une histoire complète où Cerebus, un oryctéropode anthropomorphique bagarreur, décide que la meilleure façon de devenir riche est de se faire élire Premier Ministre d'un état-nation victorien.



C'est plutôt difficile à résumer parce que ça part vraiment dans tous les sens et le fil directeur est plutôt ténu. C'était publié à 20 pages par mois pendant quelques années. Parfois, l'auteur avait des choses à dire qui ne lui permettrait pas de reprendre l'histoire où il l'avait laissé le mois précédent. On bondi donc de scène en scène, de personnage en personnage, sans jamais savoir où on va atterrir.



Cerebus est un personnage violent, sûr de lui et plutôt idiot. Il ne prend jamais la bonne décision. Il tue, frappe les femmes, viole, torture... Tout ce qui pouvait exciter le sang du lectorat masculin adolescent des années 70/80.



Dans ce volume, les pires penchants de l'auteur ne se discernent pas trop. Le protagoniste est immonde, mais l'on peut encore croire que l'auteur ne l'est pas. Les personnages féminins (elles sont deux) sont parmi les plus complexes et brillants de la palette de personnages.



Je ne dirais pas par contre que j'ai apprécié ma lecture. Les dessins et la technique sont impressionnants. Mais l'intrigue est décousue et les personnages si peu attachant. Le plupart des tropes utilisés, s'ils étaient novateurs à l'époque, sont aujourd'hui des lieux communs ou des caricatures éculée.



Les expérimentations stylistiques par contre demeurent intéressantes, et si c'est votre truc, elles en valent la lecture.



Pour ma part, je me contenterai du Vol.2, je n'en lirai pas plus. Même si je dois avouer avoir tiré beaucoup de plaisir à lire des heures et des heures d'analyses littéraires sur le web et certaines universitaires sur le sujet. J'ai presque l'impression d'avoir lu l'œuvre entière.
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