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Chauve-Souris [corriger]


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Edgar et la Grise

Incontournable Roman Avril 2024







La petite maison d'édition Chauve-souris nous propose un nouveau par l'auteur qui nous a livré "Piano interdit", Jean Brodeur, cette fois dans le décor blanc et sapiné du Saguenay Lac-Saint-Jean.





1934. Alors qu'un groupe d'hommes de la petite communauté émergente de Saint-Ludger-De-Milot se rassemblent afin de faire route vers leur camp, un jeune ado s'y invite. Edgar Brochu a 13 hivers, bientôt 14 et s'il est présent ce jour-là, c'est une question de survis pour sa famille. Fils d'un bucheron temporairement invalide, Edgar sait qu'il est le seul apte à ramener de l'argent pour nourrir ses parents, son petit frère et ses petites soeurs. Même si se décrit comme un travaillant solide physiquement et habitué des tâches manuelles, le patron Gérard Beaudoin n'en a cure et tente d'ignorer ce garçon qui tente de se faire engager à la place de son père. Heureusement, les frères Racine prennent son parti - Une paire de bras supplémentaires, ça ne se refuse pas. ET puis, il faut être solidaire. Edgar est donc engagé en tant que "pileur", il va manœuvrer le cheval qui sortira les billots de bois coupés par les bucherons. Un quotidien difficile marqué par des températures parfois cruellement froides, les moqueries et mauvais coup de Gagnon, la fatigue de son cheval et les dangers du métier. Néanmoins, c'est aussi le début d'une formidable relation une jument grise, "son" cheval, des soirées de lecture et des partages avec certains hommes du camp. Devenir un homme, Ce n'est pas qu’œuvrer pour le bien de sa famille et surmonter les difficultés, c'est aussi apprendre à se connaitre.







Donc, qu'est-ce qu'on retrouve dans ce savoureux petit roman aussi fraichement sorti du four qu'un réconfortant pouding chômeur bien trempé dans son sirop ( D'érable, bien sur!). de l'Histoire, déjà, celle d'une époque économique difficile marqué par le crash de 1929, qui mena le gouvernement du Québec a intervenir dans l'économie, dont le système qui permet aux Brochu d'avoir une terre dans le "canton d'occupation" donné à la ville de Joncquière, Saint-Ludger-de-Milot. C'est une nouvelle forme de colonisation, mais elle est conditionnelle à la faire fonctionner. le colon a deux ans pour bâtir sa maison et défricher sa terre, et même la revendre par après. Autrement, le gouvernement la reprend et le colon et sa famille réintègrent la ville ( Jonquière, dans ce cas-ci). Dans ce contexte, si Edgar ne s'était pas présenté pour remplacer son père, la famille aurait perdu sa terre et serait très probablement tombé dans une situation de grande précarité financière et sociale. Mais comme la bien dit l'aîné de la famille Racine, Médée : "C'est pas compliqué. avec tout le travail déjà fait, on est une grande famille et on doit se tenir".





C'est donc de cette vie de colon dont il est ici question, avec ses hauts et ses bas. Dans le camp, une pièce unique équipée d'un cuisine, le confort est rudimentaire, la bouffe délicieuse ( Merci Madame Beauchemin!) et l'hygiène minimale. Chacun à son poste et tout ce beau monde se coordonne sur le "chantier" pour couper les arbres et les mener près de la rivière, où les billots seront charriés par elle au printemps et qui sera le travail des draveurs de les guider vers les scieries. Vous aurez l'occasion de voir de l'intérieur cet univers encore très associé aux québécois.





Dans cette équipe, nous trouvons "la grise", le cheval qui traine inlassablement le traineau chargé de billots vers les berges de la rivière. N'imaginez pas les chevaux sveltes et élancés qu'on voit dans les films, mais plutôt de gros chevaux aux pattes poilues qui servent aussi dans les fermes. Des chevaux très forts, qui auront certainement épaulés la construction de la province québécoise et du canada. La grise est une jument qui a connu une année difficile avec un gars incompétent, qui est resté d'ailleurs dans les mémoires des bucherons. En conséquence de quoi elle est craintive au début, mais avec la douceur et l'empathie d'Edgar, devient une jument loyale et collaborante. J'ai trouvé le "cadeau" qu'elle fait à Edgar pour Noël fort touchant.





Dans les personnages notables, je mentionne Madame Beauchemin, que je ne peux pas contourner malgré sa présence tertiaire. Pourquoi? Parce que les femmes du Québec étaient d'une trempe particulière, en partie du à nos ancêtres femmes autochtones, dans laquelle elle ont du être des gestionnaire de maisonnée dans de conditions vraiment pas simples. Bref, quand j'ai vu madame Beauchemin "gérer" Gagnon, l'intimidateur et couillon de la gang, alors qu'il a sursalé la soupe d'Edgar, j'étais étrangement fière comme un paon. Ouaip, niaisez-pas les québécoises!





Parmi les personnages , il y a le très inspirant Samuel, un "ilnu" (Nation innue ) de la communauté des pekuakamiulnuatshs de Pekuakami. Les explorateurs de France les ont appelés "montagnais.e" et c'est sous ce vocable que sera désigné Samuel dans le livre. Samuel est d'abord assez discret au début, mais il va finir par avoir un lien réel avec Edgar. Il a un regard sur le monde qui nous rappelle que les premières nations connaissent mieux que les colons la terre que leurs ancêtres ont habitué des millénaires durant et leur façon de traiter autrui a quelque chose de sage et de bienveillant. Samuel connait pleine de chose, dont la lecture ( ça en bouche un coin à certains!) et est en quelque sort le couteau suisse de l'équipe. Ils ont de la chance de l'avoir avec eux, ces colons, mais je pense qu'ils ne le réalisent pas assez.





Gagnon, l'antagoniste, c'est le gars qui fait la vie dure à Edgar et l'adulte que je suis avait du mal à comprendre comment on pouvait être assez immature et lâche pour s'en prendre à un jeune de 13 ans, mais il y a une raison économique derrière cette attitude toxique. Bon, ça ne justifie rien, vous me direz et c'est vrai, mais au moins, ce n'est pas juste par pur malveillance. Il aura l'occasion de changer d'avis sur Edgar, d'ailleurs.





Edgar, tient, parlons-en! Je ne peux m'empêcher d'être heureuse quand je croise ce profil de personnage , car il en existe encore relativement peu. Loin des archétypes qui cherchent toujours des façons de devenir plus populaires ou plus reconnus, Edgar, c'est le gars sensible qui fait ce qu'il faut pour les siens. Et, oh mes aïeux, il aime LIRE! Il a amené avec lui "Les anciens canadiens" ( de Philippe Aubert de Gaspé), recommandé par son institutrice, dont il fait la lecture à ses copains de cabane un peu plus loin dans le roman. Edgar a une belle façon d'être avec la grise et de manière générale, est un jeune homme facile à vivre qui a un sens aigu de la famille. Bref, un bon gars, pour une fois! Ça fait du bien à lire.





Le roman est suivi de plusieurs petites rebiques dans une section "pour en savoir plus" dont j'ai moi-même pioché quelques petites infos pour cette présente critique. J'aime bien quand les auteurs ajoutent ces compléments d'infos, surtout pour les romans historiques. Et bonus! Nous avons la recette de "bines" ( fèves au lard) de madame Beauchemin.





Comme les autres membres de la fratrie "Sonar" de la maison Chauve-Souris, "Edgar et la grise" est ce genre de petit roman étonnamment rempli et bien tourné qui sert aussi bien le lectorat intéressé par L Histoire que les lecteurs qui apprécient les petits romans en tome unique. Il n'est pas écrit en joual, mais en français international, ce qui laissent les objets, métiers et vêtements en termes typiquement québécois.





Donc, un super roman facile d'accès en terme de lectorat, où le quotidien comporte sa part de drames dans , je le rappelle, un travail dangereux dans un environnement impitoyable par moment ( les hivers canadiens, avec ses -35 degrés en janvier, ses tempêtes de neige à coups de dizaines de centimètres et sa durée qui augmente au rythme de la latitude) et ses personnages attachants. Ce n'est pas le Québec idéalisé du courant terroirs, mais ça reste une histoire chaleureuse comme le sont souvent les romans du lectorat Intermédiaire. Une bonne bouchée de Québec, aussi savoureuse qu'un pouding chômeur, je vous dis.





Pour un lectorat à partir de la 4e année, 9-12 ans+
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Sur les traces d'Atûsh

"Sur la trace d'Atûsh" est le second opus de la série de Nathan, protagoniste de "Pas comme les autres", le premier tome, série écrite par l'anthropologue, spécialisée dans la Nation crie, Patricia Raynault-Desgagné. Cela dit, il n'est pas nécessaire d'avoir lu le tome 1, le tome 2 se suffit assez bien à lui même, mais si vous en avez la possibilité, lisez-les dans l'ordre.









Nathan a 13 ans, nous sommes donc trois ans plus tard par rapport aux évènements de "Pas comme les autres". Il retourne en territoire cri , le Eeyou Istchee, près de la baie James, dans le Nord du Québec. Il y retrouvera Petâpan, son ami rencontré dans le tome 1, qui a bien grandit depuis leur aventure en canot qui a faillit tourné au drame. Cette fois, leur séjour en canot se fera sur plusieurs jours et ils seront plusieurs membres. Ils feront une route empruntée par leurs aïeux jusqu'au territoire de chasse, le Vieux Nemaska. Entraîné avec d'autres jeunes cris dans une excursion exigeante, mais qui sera l'occasion d'entendre de nombreuses histoires et légendes de la première nation, Nathan entendra aussi parler d'une créature mystérieuse qui s’inscrit dans le folklore de la région, "Atûsh", que les Blancs appellent aussi "sasquatch". Certaines personnes seraient très intéressées de le débusquer, mais à quel prix?









Attention, à partir d'ici, il y aura des divulgâches.









C'est toujours aussi intéressant de découvrir le monde des premières nations. Dans ce tome-ci, on en apprend sur le folklore, sur les périples que faisaient les Eeyou entre rivières parfois hasardeuses et le portage par les terres. Il y a aussi la dimension entourant le sasquatch, Atûsh, qui dans l'histoire, fait venir un Blanc curieux qui cherche non seulement à le trouver, mais aussi à le chasser ( ou à tout le moins l'immobiliser), puisqu'il emplois une technique de chasse illégale, le piège à ours, cette espèce de trappe en métal qui ressemble à une mâchoire dentelée. C'est terriblement cruel pour les animaux et dangereux pour les humains également. Pour avoir récemment entamé la lecture de Nipishish, de Michel Noël, il n'était pas rare pour les Blancs francophones et anglophones de se livrer à des pratiques douteuses en matière de chasse, illustrant par le fait même leur profonde méconnaissance de la Nature et son total absence de respect du vivant.









Il y a une dimension sociale que j'ai observée et appréciée. Il s'agit de la façon de s'écouter et de respecter l'émotion ou le récit racontée. Je donne par exemple le fait qu'on ne cherchait pas à consoler ou à réagir aux propos des autres, mais de les accueillir dans le respect. C'est une notion intéressante, car elle sous-tend que donner un avis ou partager un état émotif peut se faire sans avoir forcément un retours de la par des autres, Parfois, on a juste besoin de verbaliser pour évacuer, pas de se faire encourager aussitôt comme un automatisme. Bref, j'aime bien voir d'autres façons de faire ou de considérer la communication.









Il y a aussi une petite histoire d'amour entre Nathan et Stella vers la fin. J'aime beaucoup le respect dans leur relation et le fait que Stella n'est pas apprécié que pour son physique, mais surtout pour ses qualités.





Je me serais néanmoins attendu à plus de complicité entre Nathan et Petâpan, mais ce fut quelque peu secondaire. En comparaison, les turbulents jumeaux Chris et Sam ont occupé beaucoup d'espace sans vraiment ajouter de pertinence au récit.









L'univers en présence est relativement tranquille, mais intéressant et dépaysant. Il constitue l'une des trop rares série de romans pour mes jeunes Lecteurs en librairie jeunesse québécoise de découvrir une des Premières Nations de la province. Avec ses chapitres courts, sa plume accessible son grain d'humour et sa richesse d'éléments, "Sur la trace d'Atûsh" vient rejoindre son frère "Pas comme les autres" dans les incontournables du second cycle primaire à mettre aussi bien dans les biblio-classes, que les bibliothèques scolaires et que les foyers québécois. Deux romans pour changer le regard des jeunes sur ces peuples qui partagent nos terres et dont les enseignements, histoires et connaissances méritent assurément d'être davantage considérés et estimés.









Pour un lectorat intermédiaire du 2e cycle primaire et plus ( 8-9 ans+).

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Pas comme les autres

Incontournable Décembre 2021



Nouveauté 2021 de la maison Chauve-Souris, "Pas comme les autres" est un petit roman qui est un peu passé sous le radar, car il est arrivé en librairie en pleins milieu de Décembre. C'est pourtant un beau petit roman d'aventure teinté de magie shamanique, qui prend place en territoire Eeyou Istchee, la nation autochtone Cri, dans le village Nemaska.





Nathan est un garçon introverti, un peu taciturne et fan de jeux vidéos, surtout Fortnite, dont il attend impatiemment la sortie de la nouvelle saison. C'était sans compter le voyage qu'il allait devoir faire avec sa mère anthropologue, au Nord du Québec, près de la Baie James, dans une communauté autochtone, les Cris. Un long voyage en auto les attends, en perceptive, agrémenté de la joie de vivre et des tours de magie de son grand frère Raphaël, quand à lui très jovial, bavard et socialement habile. Mais sur ce terrain de trappe ancestral qu'est le Vieux Nemaska, Nathan y fera la connaissance de Petâpan ( Prononcé Petaapan"), un jeune cri de son âge, qui va l'initier à son monde. Balades en canot, préparation de poissons énormes, découvertes de pétroglyphes, Nathan s'émerge dans cet univers rapidement. Mais quand une balade en canot tourne au vinaigre quand un orage éclate, les deux garçons se retrouvent dans une grotte. Une grotte où pourrait encore se trouver de mystérieux esprits qui permette une connexion entre les mondes.





Un peu à la manière de "Nish", série jeunesse écrite par Isabelle Picard, "Pas comme les autres" nous immerge dans le monde autochtone. Pour Nish, c'était la communauté Innue. Ici, nous sommes avec les "Eeyouch", les Cris, qui sont d'excellents pêcheurs et ont un respect profond pour la Nature. C'était d'ailleurs un des points les plus touchants dans le roman, cette façon de considérer la Nature et la responsabilité d'être reconnaissant, parcimonieux et de se montrer humble. On notera plusieurs termes cri dans le romans, tels que "Kûhkum" ( Grand-mère), "Wâchiya", qui signifie à la fois "Bonjour" et "Bienvenue" et "Migwetch" ( Merci).





C'est donc une belle petite trouvaille, qui se lit facilement et qui nous permet une belle fenêtre sur nos cousins du Nord, malheureusement encore peu représentés dans la littérature jeunesse québecoise pour ce qui concerne les romans, du moins.



Vous trouverez une petite rubrique de l'autrice sur la Nation Cri, sur l'un de ses artistes. Tim Wshikeychan, la graphie cri et aussi des précisions sur l'orthographe rectifiée employée dans le roman.





Petit constat: j'aime bien cette couverture, ce choix de nuancier très pourpre et cette silhouette d'ours découpée dans le roc. Cet ours a son importance dans l'histoire, vous verrez.





Et comme disent les cris: Âtuwâchiyeg! ( Au revoir).





Pour un lectorat à partir du second cycle primaire ( 8-9 ans) .
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