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Geografia uitării

Sur la « Géographie de l’oubli » (Geografia uitării) :

« Parfois la première fois ce n’est pas pleinement une première fois » écrit l’auteur (p. 19 : „uneori prima oară nu este pe deplin prima oară”). Il en va ainsi de ma lecture. Paradoxalement, c’est la première fois que je lis un livre de cet auteur et pourtant j’ai l’impression de le connaître depuis toujours, tant son livre est remarquable à mes yeux.

Nos montres se sont parfaitement synchronisées. Suivant la recommandation de Baudelaire « Au fond de l’inconnu pour trouver du nouveau » j’ai accepté cette découverte d’un auteur inconnu par moi, pour deux raisons profondément subjectives.

Tout d’abord, je voulais enfin (certains se rappelleront peut-être, et je le dis sans ressentiment aucun, que j’ai traduit en 2015 « Brocs en stock » [Ulcele pe ulici] de Călin Torsan) tenir entre les mains une réalisation de la prometteuse CDPL (Casa de pariuri literare) autrement dit les éditions « La Maison de paris littéraires » et ensuite, parce qu’il s’agit d’une recommandation d’Augustin Cupșa (cf. la quatrième de couverture) en qui j’ai entière confiance.

Je suis aujourd’hui pleinement satisfaite. L’éditeur a eu raison de publié ce livre, la couverture est originale et matériellement il n’y a rien à redire si ce n’est, et j’ergote (juste un peu), l’absence d’interligne, mais que dire alors de mes propres traductions qui prônent par tous les moyens l’économie de papier.

J’adore les nouvelles et en cela les histoires de Ion Pleșa s’avèrent être des textes très aboutis, avec des phrases aphoristiques dont on a envie de citer à profusion, mais surtout avec des personnages bien campés, et une véritable finesse à saisir l’émerveillement d’un instant, l’universel dans le particulier. Tout est a l’image de ce premier texte intitulé « La première fois » (probablement mon préféré finalement) et qui combine habilement la naissance (le premier souffle), le premier enterrement et le premier amour.

C’est subtil et délicat, c’est une écriture ciselée et intelligente où viennent se glisser de nombreuses références socio-historiques et artistiques. La poésie n’y est pas absente, bien au contraire, elle se fraye un chemin paisiblement et l’on entend même la voix du grand-père chanter : „Trandafir dacă aș fi/ Nu odat-aș înflori/Anual aș duce flori/ ba chair și de patru ori” (p. 57).

Moi, je lirai, encore et encore, jusqu’à une fois par saison, des textes de Ion Pleșa.

Je conserverai précieusement ce livre dans « mon continent des livres de chevet ». Comme dans „Identitate” : „Acum, după ce iluziile s-au topit rămân în fața cărților din bibliotecă, iubiri fulgeratoare sau promise, dorind să le ating, să le deschid, să încep cu ele aceeași altă viață” [Maintenant que les illusions se sont estompées, je demeure devant les livres de la bibliothèque, amours fulgurantes ou promises, souhaitant les toucher, les ouvrir, commencer avec eux la même autre vie ](p. 73).

Je dédie, et ne m’en voulez pas trop pour ce manque de discrétion (voire de pudeur), ce petit billet à la mémoire de mon propre père (Tonel), disparu en janvier 2020, dont je peux dire, en paraphrasant Ion Pleșa qu’il a travaillé jusqu’au dernier instant (tout le village savait qu’il avait construit sa maison presque tout seul, avec la seule aide de ma mère et d’un chauffagiste débutant). Sous ses ongles il y avait encore, bien évidemment, « de la terre noire ». Je considère cela comme une marque d’amour, pour celui qui a lutté vaillamment contre un cancer foudroyant. Cela a été mon premier deuil véritable et le livre de Ion Pleșa en a ravivé le souvenir à présent apaisé.

Comme je vous disais, je me retrouve beaucoup dans ce livre remarquable.

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