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André Gérard Marabout [corriger]


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Le Moine

« Pour l'homme, ce n'est pas bon d'être seul. Je vais lui faire une aide qui lui convienne parfaitement. » (Genèse 2.18)

Une première de couverture assez explicite de GF avec un homme ou un moine défroqué très peu vêtu précipité, semble-t-il, dans les abîmes du mal. Une œuvre très kitsch à l’époque mais qui a aujourd’hui un charme délicieusement désuet qui rappelle celui hispanique de Cervantès.

Une excellente présentation de Laurent Bury nous apprend que cette version de Léon de Wailly est très proche de la version originale de Lewis parue 1796 avant l’autocensure sous la pression de censeurs. «Le Moine» entre dans la catégorie du roman gothique initié par Horace Walpole, un coté sombre de la littérature de divertissement au « siècle des Lumières »

Un livre qui serait fortement inspiré des «Mystères du château d'Udolphe (1794)» d'Ann Radcliffe et qui connu un tel succès qu’il inspira Victor Hugo pour Notre-Dame de Paris (1831): l’ archidiacre Frollo à des ressemblances certaines avec Ambrosio. Il subjugua des écrivains comme Breton et Artaud. Bref un best-seller intemporel.



La nuit promet d'être belle

Car voici qu'au fond du ciel

Apparaît la lune rousse

Saisi d'une sainte frousse

Tout le commun des mortels

Croit voir le diable à ses trousses...*



Beaucoup d’aimable grandiloquence avec des discussions au ton compassé, d’échanges de mots bleus et monologues amoureux interminables pour en arriver à la tentation du démon. Joutes verbales entre femmes et hommes pour la partie affectivité

Pour l’animation, un peu de capes et d’épées et d’«auberge rouge» pour asseoir ce mélodrame horrifique, sabbats démoniaques dans les souterrains de la maison de Dieu. Un soupçon mais édulcoré d’ érotisme à la Siffredi , viol, inceste, parricide et matricide, infanticide, lynchage, «nonnicide» bref «la totale» et de l’inédit, voire du «trash» pour l’époque.

«Quand on n'a que l'amour...»

Pour les personnages, des Hauts en couleur. Mathilda La démone qui enchaîne l’ange déchu, «fait entrer Ambrosio en enfer par la porte du paradis» comme disait Saint Cyprien, deux meurtrières par amour et dépit doña Rodolfa La baronne Lindenberg et Beatriz de Las Cisternas: la nonne sanglante, Sainte-Agathe une fouettarde Dame abbesse. Une charge mentale très prégnante chez ces femmes de tête, fortes, manipulatrices, parfois perverses mais surtout fatales. Elles rosissent, rougissent, baissent les yeux, mais elles ont une volonté de fer et une résilience à toute épreuve: un régal! Et pourtant elles sont altruistes...

Quelques dégâts collatéraux, il y en faut pour le ventre mou du récit, avec une jouvencelle ingénue mais une seule.

Des personnages atemporels le Grand Mongol, variante peut-être du juif errant et surtout Lucifer en personne.

...Soudain les arbres frissonnent

Car Lucifer en personne

Fait une courte apparition...*

En comparaison de ces personnages forts, les mâles hispaniques sont plutôt énamourés et inconsistants, certes ils guerroient, ils chassent, ils pérorent, ils poétisent mais se font rouler dans la farine par jouvencelle et matrones qui les retournent comme des crêpes: de véritables tendrons ils défaillent, larmoient, s’alitent et dépérissent. On imagine aisément: nausées, vomissements, brûlures d’estomac, diarrhée et douleurs abdominales. «On craignait une phtisie» Horreur!

Ambrosio dans sa foi se découvre une libido insatiable mais peu estomac sans le coaching de Mathilda. Les biens nés Leonardo Don Lorenzo, Don Raymond et Don Christoval passent leur temps à courir après l’Arlésienne. Toutefois ils ont la catharsis facile et tournent la page rapidement: le bonheur n’attend pas.

Lewis donc un grand féministe avant-gardiste. Certes à la ville les femmes n’ont pas ou peu de pouvoir socialement, encore que Mère Sainte-Agathe et Doña Rodolpha ne soient pas à plaindre, mais coté jardin...ça décoiffe! Pensez Mathilda, on l’aime bien celle-là car elle assume, une femme qui fait trembler Lucifer!

Pour la morale, une perversion, en fait un athéisme très avant-gardiste mais à ce stade et pour l’époque, une effroyable impiété par la mise à mal des valeurs de la bible, de l’ordre religieux et par suite du sacré lui-même. Culotté, et même sacrément pour l’époque.

...Car devant tant de problèmes

Et de malentendus

Les dieux et les diables

En sont venus à douter d'eux-mêmes...*

Beaucoup d’horrifique et du très glauque, malsain, morbide on sent que Lewis c’est fait plaisir à en rajouter pour notre plus grand plaisir. Comme livre de chevet c’est parfait et on frissonne sous l’édredon lorsque la lumière est éteinte .Brrrrrr

C’est réussi! Vraiment Bravo.



*Champagne Higelin

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