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    AnnaCan le 30 avril 2024
    Scénette n°1 :

    « Robert Smith était marié et père de trois enfants. Son psoriasis sévère était devenu un problème : dans sa vie de couple, dans son travail ; dans sa vie tout court. Sa femme Helga ne consentait plus qu’à des rapports dans le noir et en levrette. Employé à l’accueil d’un guichet postal, on l’avait finalement relégué au tri pour ne pas effrayer les clients. Et maintenant que la nuit tombait, il n’osait pas rentrer à la maison avec son nouveau visage, roulant sans but à travers la ville, l’air conditionné réglé au maximum et son matériel de pêche auquel il n’avait pas touché de la journée dans le coffre. Robert allait devoir expliquer à sa femme comment le miracle était advenu, la conséquence serait un divorce et une pension alimentaire qui le mèneraient à dormir dans sa voiture. »

    Mots imposés :

    Péché /Chevrolet / Confessionnal


    Scénette n°2 :

    « Le souci, avec les frères Bronski, c’est qu’ils étaient un véritable fléau pour la petite part d’humanité ayant affaire à eux. On pouvait aisément énumérer cet échantillon depuis qu’ils avaient fondé leur petite entreprise il y avait 24 ans (bientôt le jubilé). On devait cette exactitude à William (Billie) Bronski, le frère cadet, lequel tenait scrupuleusement le compte des disparus : 1 239 âmes. Ce qui nous fait une cinquantaine de cas par an, soit un peu moins d’une occurrence par semaine. C’est dire si les deux bonshommes étaient des bosseurs. Et vu qu’à près de 45 ans ils étaient en pleine possession de leurs moyens, on pouvait avancer l’hypothèse qu’ils monteraient en puissance, que l’échantillon irait en se multipliant et que, enfin, bon nombre de gens continueraient à chier dans leur froc en sachant qu’on les avait lâchés à leurs trousses. 

    « Hein, quoi ? Quesse tu dis ? hurla Michael (Mike) par-dessus le bruit aigu de la scie électrique. — On n’a plus de sac de 110 litres...
    — Quoi ? » Mike termina de détacher l’avant-bras du cadavre, relâcha son index du Bosch Saber Saw et dégagea une oreille de son casque anti-bruit :
    « Tu disais, Billie ? »
    Billie saisit l’avant-bras découpé par le poignet, secoua les caillots de sang, et le jeta dans le sac-poubelle.
    « Je disais qu’on n’a plus de sac de 110 litres. Reste plus que des 35. »

    Mots imposés :

    Rotules /Cavalcade / Chacals


    Scénette n°3 :

    « Un chauffeur se dépêcha de lui ouvrir la portière et de ranger sa petite valise à roulettes dans le coffre, avant de prendre le volant derrière la séparation en plexiglas. Le temps, pour Son Éminence Jeremy Carter, de passer du confort d’un vol American Airlines en Business class à celui d’une longue limousine aux vitres teintées.

    La Cadillac démarra sur des coussins d’air, imposa sa masse sombre dans le flot du trafic, sûre de son importance. Assise sur la banquette arrière, jambes interminables gainées de bas à couture, tailleur bleu marine cintré, poitrine opulente, yeux verts et cheveux noirs, Brenda Moore, bouche aux lèvres charnues, longs cils – n’en jetez plus, elle est une forme possible du cliché de la pin-up –, ouvrit le minibar de la limousine et servit un whisky sec au cardinal, qui remercia d’un hochement de tête. Qu’on puisse anticiper vos désirs est un privilège. Jimmy ôta sa calotte, révélant ainsi sa calvitie. Brenda Moore fixa une mentholée à son fume-cigarette, l’alluma et souffla un nuage translucide à travers l’habitacle. »

    Mots imposés :

    Expansion /Bronchioles / Martyre

    **************************************

    Dori, c’est toi que j’ai désignée pour imaginer une suite à l’une de ces trois histoires, chanceuse que tu es! Tu choisis UNE des trois, donc, et tu imagines pour cette histoire trois petites scénettes possibles contenant chacune les mêmes 3 mots imposés.

    Voici la façon dont je te suggère d’écrire tes 3 (petites) suites :

    La première revient dans le passé (proche ou lointain) et explique en partie l’action/la situation présente.

    La deuxième poursuit l’histoire au temps « présent » du récit.

    La troisième se projette dans un futur proche ou lointain.


    Je te suggère d’utiliser le passé simple dans les 3 cas, afin de rester dans le style du livre de Joseph Incardona, « Stella et l’Amérique » dont ces débuts d’histoire sont tirés.


    À toi ensuite de passer la main à l’un d’entre nous avec le même jeu de contraintes.
    Yaena le 01 mai 2024
    Passé:
    1850, dans une bicoque de l’East End, un médecin brûle frénétiquement ses recherches. Les conclusions l’effraient, il sait qu’il est allé trop loin. Il faut qu’il se dépêche, quand il entend la porte s’ouvrir derrière lui il fait volte face. L’âtre dans son dos dégage une chaleur infernale et pourtant il ne peut réprimer un frisson. Celui qui se dresse face à lui affiche un visage difficile à regarder, couvert de plaies suppurantes et malodorantes. Il lève le pistolet et tire « adieu Hector ». L’homme de sciences s’écroule et l’intrus récupère un tas de papier avant de s’évanouir dans les rues sombres et crasseuses.

    Plus tard il arpentera les rues de Londres sous le nom de Jack L’éventreur, et tout le monde se méprendra sur ses intentions.

    2015, un homme passe devant le bureau de poste et dépose un document. Ce n’est pas une lettre. Il n’y a pas de timbre. C’est une annonce :

    « Hector STORMAN. Médecin spécialiste des maladies incurables.
    Scientifique des causes désespérées.
    Vous avez tout essayé, alors pourquoi pas moi ?
    L’espoir n’est pas un péché»

    Devant la poste il glisse sous l’essuie glace d’une Chevrolet le même papier. Un sourire passe fugacement sur ses lèvres.

    Dehors il fait chaud, pourtant il ne quitte pas son manteau. Il abaisse sa casquette, masquant un peu plus son visage pourtant parfait et entre dans l’église. Il fait toujours frais dans les églises et il adore les confessionnals.





    « Robert Smith était marié et père de trois enfants. Son psoriasis sévère était devenu un problème : dans sa vie de couple, dans son travail ; dans sa vie tout court. Sa femme Helga ne consentait plus qu’à des rapports dans le noir et en levrette. Employé à l’accueil d’un guichet postal, on l’avait finalement relégué au tri pour ne pas effrayer les clients. Et maintenant que la nuit tombait, il n’osait pas rentrer à la maison avec son nouveau visage, roulant sans but à travers la ville, l’air conditionné réglé au maximum et son matériel de pêche auquel il n’avait pas touché de la journée dans le coffre. Robert allait devoir expliquer à sa femme comment le miracle était advenu, la conséquence serait un divorce et une pension alimentaire qui le mèneraient à dormir dans sa voiture. »

    Présent:
    Sa voiture. La seule chose qu’il possédait vraiment. Cette Chevrolet camaro bleu avec 2 bandes blanches était tout ce qui lui restait de sa gloire passée. A l’époque où il l’avait acheté il pensait encore qu’il deviendrait la future star du base ball Américain. Jusqu’à ce que l’accident le condamne à l’éternel banc de touche. Celui qu’on ne quitte jamais.

    Après tout vivre dans cette voiture ne serait pas si mal. La situation aurait au moins le mérite de lui épargner les jérémiades d’Helga quand elle découvrirait ce qu’il avait fait. Dépenser toutes ces économies pour être guéri était ce un péché ? Il avait toujours était beau gosse et c’est la seule chose qui retenait Helga à ses côtés une fois que son avenir de champion s’était éventé comme une bière en plein soleil. CA, et le fait qu’elle était en cloque à l’époque et que pour sauver la face elle s’était résolue à l’épouser. Pourtant avec le temps leur relation avait pris un tour inattendu et Helga s’était mise à l’aimer de façon inespérée. 2 autres enfants avaient vu le jour et puis ce foutu psoriasis était apparu et tout ce qu’il avait bâti s’était effondré. Il la dégoûtait et ses enfants refusaient qu’il aille les chercher à l’école. Au travail il avait dégringolé les échelons bien plus vite qu’il ne les avait monté.

    Non elle comprendrait. Elle l’aimait encore. Peut être. Oh et puis merde !

    Il tourna brusquement à droite décidé à rejoindre le domicile conjugal. En mode pilote automatique il revit les dernières heures défiler devant ses yeux et commença à préparer son plaidoyer. L’histoire était folle mais il faudrait bien qu’elle le croit la preuve était visible sur chaque trait de son visage.


    Il avait d’abord trouvé étrange que le lieu de rencontre soit une église et puis il avait compris quand le SMS suivant lui avait dit de prendre place dans le confessionnal. Pas de contact, impossible d’identifier qui que ce soit.
    Il avait entendu la porte s’ouvrir et la voix rauque vibrer à travers le bois :
    - T’as le fric ?
    - Oui.
    - Laisse le à tes pieds.

    Il s’apprêtait à demander comment il pouvait être sur que le remède fonctionnerait quand soudain un gaz envahit le confessionnal et le fit plonger dans le noir le plus complet.

    A son réveil il était allongé au sol au centre d’un pentagramme le visage couvert d’un liquide gluant et graisseux de couleur jaunâtre. D’abord répugné et désorienté il avait ensuite couru à la Chevrolet, s’était essuyé avec un peau de chamois qui traînait dans le coffre et avait découvert dans le rétroviseur un visage immaculé.

    Il souriait à ce souvenir quant il s’engagea dans l’allée de sa petite maison de banlieue. Ce furent les gyrophares qui le tirèrent de sa torpeur. Quand il passa la porte d’entrée il découvrit Helga allongée au sol dans une flaque de sang, éventrée. Elle était enceinte de son quatrième enfant.

    Futur:
    2025, Robert Smith sort de l’institut psychiatrique où son fils cadet est interné, un carnet de notes à la main. Depuis 10 ans que le drame est arrivé il n’a pas pris une ride. Il ouvre la portière de sa Chevrolet et jette son carnet sur le siège arrière. A côté une pile de livres côtoie ses notes. Il est prêt du but il le sent. Tout le monde pense qu’il est obsédé par la mort de sa femme et que ses théories farfelues finiront par l’amener à rejoindre son cadet entre les murs blanc et capitonnés d’une pièce sans fenêtre. Quel péché a-t-il bien pu commettre ce soir là dans ce confessionnal ? Il a pactisé avec le diable il en est sur, ce qu’il ignore et ce qu’il est bien déterminé à découvrir ce sont les termes du contrat.

    Sa fille a fui à l’autre bout du pays à l’université. Dépitée devant la folie grandissante de son père.

    Tandis qu’il conduit il repense à ce grimoire volé dans une vieille bibliothèque et à ce prêtre qui a refusé de lui traduire les inscriptions en latin après s’être signé.

    Alors qu’il descend de la voiture sa belle fille l’accueille sur le seuil un sourire épanoui sur le visage. Il ne peut s’empêcher de sourire. Elle et Peter, son fils aîné, sont tous ce qui lui reste. Mais à peine ont ils pénétré dans la maison qu’un hurlement se fait entendre.

    Le miroir de la salle de bain renvoi à Peter un visage qu’il ne reconnaît pas et tandis que sa femme étreint son ventre dans un geste de protection Robert sent son cœur défaillir.



    Contraintes: Ben c'est Anna qui a fixé les règles du jeu donc même punition dans le passé le présent et le futur.
    Caser les mots: illumination, obsolète, damné
    Et c'est Hélène qui trépigne d'impatience qui prend le relais puisque de toute façon il pleut chez elle!
    4bis le 02 mai 2024
    Futur

    "2025, Robert Smith sort de l’institut psychiatrique où son fils cadet est interné, un carnet de notes à la main. Depuis 10 ans que le drame est arrivé il n’a pas pris une ride. Il ouvre la portière de sa Chevrolet et jette son carnet sur le siège arrière. A côté une pile de livres côtoie ses notes. Il est prêt du but il le sent. Tout le monde pense qu’il est obsédé par la mort de sa femme et que ses théories farfelues finiront par l’amener à rejoindre son cadet entre les murs blancs et capitonnés d’une pièce sans fenêtre. Quel péché a-t-il bien pu commettre ce soir-là dans ce confessionnal ? Il a pactisé avec le diable il en est sûr, ce qu’il ignore et ce qu’il est bien déterminé à découvrir ce sont les termes du contrat.

    Sa fille a fui à l’autre bout du pays à l’université. Dépitée devant la folie grandissante de son père.

    Tandis qu’il conduit il repense à ce grimoire volé dans une vieille bibliothèque et à ce prêtre qui a refusé de lui traduire les inscriptions en latin après s’être signé.

    Alors qu’il descend de la voiture sa belle-fille l’accueille sur le seuil un sourire épanoui sur le visage. Il ne peut s’empêcher de sourire. Elle et Peter, son fils aîné, sont tout ce qui lui reste. Mais à peine ont-ils pénétré dans la maison qu’un hurlement se fait entendre.

    Le miroir de la salle de bain renvoie à Peter un visage qu’il ne reconnaît pas et tandis que sa femme étreint son ventre dans un geste de protection Robert sent son cœur défaillir."

    -Ah, merde, j’avais oublié ! putain de damnéed’argile verte !

    D’un geste agacé, Peter commence à essuyer les plaques encore pâteuses qui constellent son visage. Depuis « l’incident », son père est persuadé qu’il ne vieillira pas et emploie des sommes astronomiques dans des produits esthétiques aux promesses d’éternité. « Crème quantique », « éternelle jouvence », « illuminationcosmique », visiblement, l’enculage de mouche a de beaux jours devant lui au département marketing et les miroirs aux alouettes n’ont rien d’obsolètes.

    Ce matin, tourmenté par une nouvelle ridule sur son front, Peter a cédé à un inhabituel mouvement narcissique et voulu tester un de ces produits miracle. Pour le moment, à part une salle de bain maculée de trainées glauques et une épouse hystérique à qui son cri avait visiblement tourné les sangs il ne voyait pas trop d’effets.

    Et voilà que Peter entend le pas lourd de son père dans les escaliers.

    -          Tout va bien, Papa, tout va bien.

    Pauvre Papa, il fallait sans cesse le surveiller, le rassurer. En même temps que sa passion pour les crèmes de jour, il avait déclaré depuis ce jour fatidique une inquiétude constante et une obsession troublante. Insoupçonnable au début, cette-dernière avait été difficile à cacher lorsqu’elle avait requis, outre des voyages toujours plus nombreux, la location d’entrepôts gigantesques. Dans des conditions d’hydrométrie et de température rigoureusement contrôlées, Robert y conservait la prunelle de ses yeux, son chef d’œuvre, la collection de sa vie : un exemplaire de chacun des types de confessionnaux existant sur terre. 4652 à ce jour. Premiers modèles créés par Charles Borromée lui-même au 16e siècle, version à deux ou trois compartiments, avec ou sans agenouilloirs, en velours moiré ou en bois rugueux, grillage doré à l’or fin ou fait d’ossements de poulet, les combinaisons étaient infinies. Il passait sa vie à traquer les exemplaires manquant à sa collection, à négocier la désacralisation de ces objets avec les autorités canoniques, à compulser ses interminables notes sur le sujet. Avec les masques hydratants, c’était devenu toute sa vie.

    -          Tout va bien ? Tu n’as rien ?

    Au milieu de son visage d’ange sans plus trace du psoriasis qui l’avait défiguré, les yeux fous de Robert fixaient son fils d’un air égaré.




    Présent

    -          Le cas est rare mais pas inconnu. Il s’agit d’un clivage par déportation.

    Le bureau était de ces tables en verre qui laissait voir à travers elle la moquette à bouclettes poussiéreuses, les jambes de ceux qui étaient assis de part et d’autre de sa longueur et un tournevis cruciforme oublié là. Pantalon de velours côtelé d’un gris aussi obsolètequ’attendu, le psychiatre ne faisait pas dans l’originalité. Au fond, une petite bibliothèque laissait deviner quelques titres hétéroclites les Illuminations, Les damnésde la terre et, plus surprenant peut-être, les 1001 façons d’accommoder les aubergines par un obscur cuisinier israélo-sicilien. Mais Samantha n’était pas là pour analyser les goût du psychiatre, il lui fallait comprendre. Et puis, ensuite, il lui faudrait agir.

    -          Votre père a vu ce qu’il n’aurait pas dû voir. Quelque chose qui a été si insupportable à son psychisme qu’il n’a eu d’autre choix que d’oublier. Il a ensuite remplacé cette scène traumatique par un objet bien moins angoissant. Se le rappeler de manière, il est vrai, un peu obsessionnelle, est une manière pour lui d’évacuer l’énergie libidinale démentielle qu’a libéré cette scène tout en lui donnant un canal d’expression plus acceptable.

    -          Je comprends bien, docteur, mais vous connaissez mes occupations et vous voyez bien…

    -          Chère madame, je vais vous parler franchement, en l’état, il vaut mieux que vous quittiez la région. Définitivement.

     

     

    Passé

    Dès qu’il eut poussé la lourde porte capitonnée, Robert sentit la température se rafraîchir de plusieurs degrés. A l’intérieur, la pénombre n’était combattue que par quelques lumignons tremblotant au pied d’une vierge dont le visage arborait à peu près la même expression qu’Helga la dernière fois qu’il lui avait demandé une pipe. Depuis, il souffrait comme un damné.

    Il avait été attiré à l’intérieur de la bâtisse par un tract déposé sous l’essuie-glace de sa Chevrolet : « Une confession et ça repart ! Délestez-vous de vos péchés mortels et vous retrouverez le peps ! Sans rendez-vous. Amours impossibles, objets dérobés, cas désespérés. » Il avait eu, en le lisant, comme une illumination. A présent que l’odeur presque obsolète de l’encens lui pénétrait les narines, il ne savait plus s’il faisait bien. Le psoriasis faisait-il de lui un cas désespéré, d’Helga un amour impossible ? Soudain, un bruit le tira de ses réflexions inquiètes. Du fond d’une chapelle latérale, il vit émerger la silhouette facilement identifiable de son fils cadet :

    -          Max, mais que fais-tu là ? Et que diable… oh mon Dieu !

    Max, les cheveux hirsutes, tout le corps pris de tremblements irrépressibles regardait son père hagard. Des cierges rompus en de nombreux endroits jonchaient le sol à ses pieds. Un lutrin avait chu et les bris d’une statue de plâtre ajoutaient au désordre de la scène. Des trainées de cire tachaient ses vêtements en partie arrachés. Malgré l’obscurité, au hasard des flammèches de quelques bougies encore allumées, les murs de pierre alentour laissaient deviner des projection d’un rouge noirâtre. Tétanisé, Robert vit son fils tenter quelques pas. Au bout de son bras, tressautant au rythme de son souffle saccadé, la tête d’Helga à la peau déjà terne dardait sur Robert un regard pétrifié.


    ******************

    Voilà, voilà. Bon, Sonia, c'est pas une surprise, c'est pour toi, la suite ! 
    Tu fais tout comme tu as compris qu'il fallait faire avec, comme mots imposés : chou-fleur, vertige et hareng saur.
    indimoon le 03 mai 2024
    Scénette de Anna choisie par Yaena: Robert Smith était marié et père de trois enfants. Son psoriasis sévère était devenu un problème : dans sa vie de couple, dans son travail ; dans sa vie tout court. Sa femme Helga ne consentait plus qu’à des rapports dans le noir et en levrette. Employé à l’accueil d’un guichet postal, on l’avait finalement relégué au tri pour ne pas effrayer les clients. Et maintenant que la nuit tombait, il n’osait pas rentrer à la maison avec son nouveau visage, roulant sans but à travers la ville, l’air conditionné réglé au maximum et son matériel de pêche auquel il n’avait pas touché de la journée dans le coffre. Robert allait devoir expliquer à sa femme comment le miracle était advenu, la conséquence serait un divorce et une pension alimentaire qui le mèneraient à dormir dans sa voiture. 




    Texte de Yaena choisi par Hélène :2025, Robert Smith sort de l’institut psychiatrique où son fils cadet est interné, un carnet de notes à la main. Depuis 10 ans que le drame est arrivé il n’a pas pris une ride. Il ouvre la portière de sa Chevrolet et jette son carnet sur le siège arrière. A côté une pile de livres côtoie ses notes. Il est prêt du but il le sent. Tout le monde pense qu’il est obsédé par la mort de sa femme et que ses théories farfelues finiront par l’amener à rejoindre son cadet entre les murs blanc et capitonnés d’une pièce sans fenêtre. Quel péché a-t-il bien pu commettre ce soir là dans ce confessionnal ? Il a pactisé avec le diable il en est sur, ce qu’il ignore et ce qu’il est bien déterminé à découvrir ce sont les termes du contrat.

    Sa fille a fui à l’autre bout du pays à l’université. Dépitée devant la folie grandissante de son père.

    Tandis qu’il conduit il repense à ce grimoire volé dans une vieille bibliothèque et à ce prêtre qui a refusé de lui traduire les inscriptions en latin après s’être signé.

    Alors qu’il descend de la voiture sa belle fille l’accueille sur le seuil un sourire épanoui sur le visage. Il ne peut s’empêcher de sourire. Elle et Peter, son fils aîné, sont tous ce qui lui reste. Mais à peine ont ils pénétré dans la maison qu’un hurlement se fait entendre.

    Le miroir de la salle de bain renvoi à Peter un visage qu’il ne reconnaît pas et tandis que sa femme étreint son ventre dans un geste de protection Robert sent son cœur défaillir.







        scène de Hélène que j'ai choisie: Le cas est rare mais pas inconnu. Il s’agit d’un clivage par déportation.

    Le bureau était de ces tables en verre qui laissait voir à travers elle la moquette à bouclettes poussiéreuses, les jambes de ceux qui étaient assis de part et d’autre de sa longueur et un tournevis cruciforme oublié là. Pantalon de velours côtelé d’un gris aussi obsolètequ’attendu, le psychiatre ne faisait pas dans l’originalité. Au fond, une petite bibliothèque laissait deviner quelques titres hétéroclites les Illuminations, Les damnésde la terre et, plus surprenant peut-être, les 1001 façons d’accommoder les aubergines par un obscur cuisinier israélo-sicilien. Mais Samantha n’était pas là pour analyser les goût du psychiatre, il lui fallait comprendre. Et puis, ensuite, il lui faudrait agir.

    -          Votre père a vu ce qu’il n’aurait pas dû voir. Quelque chose qui a été si insupportable à son psychisme qu’il n’a eu d’autre choix que d’oublier. Il a ensuite remplacé cette scène traumatique par un objet bien moins angoissant. Se le rappeler de manière, il est vrai, un peu obsessionnelle, est une manière pour lui d’évacuer l’énergie libidinale démentielle qu’a libéré cette scène tout en lui donnant un canal d’expression plus acceptable.

    -          Je comprends bien, docteur, mais vous connaissez mes occupations et vous voyez bien…

    -          Chère madame, je vais vous parler franchement, en l’état, il vaut mieux que vous quittiez la région. Définitivement.





    PRESENT :

    - »Mais je pense » cher docteur, dit Samantha en créant une moue boudeuse de ses lèvres fraîchement siliconées, et en dégrafant le premier cran de son chemisier près à craquer sous la pression d’une poitrine on ne peut plus généreuse, « que je ne peux m’éloigner trop de vous ». A présent elle bat des cils et lui lance un regard à la fois lubrique et innocent de baby doll.


    Electrisé par ce regard, « le doc » qui semblait attendre le signal avec impatience, semble prit d’un vertige d’extase anticipée, et baisse à la hâte son pantalon de velours côtelé qui tombe lourdement à ses pieds. Samantha a relevé sa jupe crayon à sa taille et se frotte langoureusement à son mari, mordant son lobe « Redis moi encore clivage par déportation, je sais pas où t’as trouvé ça mais ça me rend folle ». Il sussure, rauque, en appuyant chaque syllabe « Cli-cli-cli-vaggge... ». Elle sent ses mains lui empoigner son derrière charnu de cellulite, qui n’est pas sans lui évoquer fugacement un chou-fleur mais elle n’a pas eu le temps de finir de se dire qu’une liposuccion est sérieusement à envisager, que Rocco l’a faite plier à quatre pattes, sa forte potrine étalée sur la table en verre, qui ressemble vue du dessous, à deux énormes œufs au plat. Lascive, elle est passive. Rocco, son prof d’université lui a tapé dans l’oeil dès sa première année, depuis ils sont collés serrés tels deux harengsaur en boîte, sans doute parcequ’ils savent pimenter à leur façon leur intense vie sexuelle, en jouant au psy à l’écoute de la patiente qui s’épanche sur son papa, par exemple. Allez comprendre !




    PASSE :

    Soirée karaoké avec le pote Bill, ce soir pour le jeune Robert. La fille qui chante sur scène est une blonde filasse et maigrichonne, à lunettes, et entre deux gorgées de bières, il s’amuse avec Bill parce qu’elle chante « boys,boys, boys » de Samantha, et qu’elle est loin de disposer des atouts de la chanteuse qu’ils revoient quasi nue dans cette piscine, à tenter de remonter sont bikini mouillé sur sa forte potrine. Un chouette clip. La fille aurait beaucoup moins de mal à remonter un bikini sur ses deux piqûres de moustique. Mouhaha.

    Robert a une belle gueule et il le sait. Sans doute s’il avait su qu’un jour il serait défiguré, en aurait-il profité davantage, car il est plutôt réservé, aime le contrôle, et ne connaît pas encore les vertiges de l’amour. Il ne se doute pas un instant que c’est le grand soir.

    La fille lui fonce dessus avec son plateau de trois bières, qu’elle comptait apporter à sa table, et le plateau se renverse sur sa menue poitrine, trempe de bière, et d’un apéro de bâtonnets de choux-fleurs et d’une sauce pimentée qui rappelle vaguement l’odeur des harengs saur marinés. Dans le moment de silence qui suit l’impact, on entend ses copines crier « Quesse t’as foutu Helga ? Ça va ? ». Helga ça va pas trop parce qu’elle a été distraite par un joli garçon, qu’elle l’a percuté, et que maintenant ses petits tétons pointent sous la sauce qui pue et la bière. Elle est rouge pivoine. Mais c’est le gars qui s’excuse, l’aide à rassembler les débris, dit qu’il s’appelle Robert, et il a des yeux magnifiques.



    FUTUR :

    Robert Smith est assis sur son lit en métal dans une salle exigüe, blanche et capitonnée, qui n’est pas sans lui rappeler un confessionnal. Il ne sait plus pourquoi, mais il rêve souvent de confessionnaux. Il mâche des morceaux de feuilles de papier, il en fait de tout petits bouts qu’il arrache d’un carnet et puis il les mâche lentement et puis il les avale. Il fait ça quand il sait qu’on l’observe pas dans le judas. Il commence à connaître les habitudes des gardiens depuis le temps. Il sort le carnet de sa cachette, et il le mange. Il n’a plus besoin de carnet, il a tout compris.

    Il avait compris même avant de voir ces nouveaux médecins, qui le scrutent et prennent en photos son visage sous toutes les coutures.

    A vrai dire il a compris une fois qu’il est allé chez Peter et qu’il a vu sa gueule dans le miroir, pauvre Peter.

    Depuis il a souvent croisé Peter qui est dans une cellule pas loin, alors que son fils cadet lui a depuis quelques mois quitté l’hosto pour aller à Las Vegas.

    Peter en est au stade où ses cheveux ont repoussé filasses, ébourriffés noirs de jais. Sa bouche est rouge, comme peinte par un tatoueur, ainsi que le pourtour de ses yeux. Parfois en pleine nuit on l’entend hurler les paroles les plus angoissantes de la chanson la plus lancinante de The Cure « Lullaby », avec une terreur évidente « When I realize with fright That the spiderman is having me for dinner tonight... » puis il semble saisi de vertiges et peut tomber en crise épileptique puis en cacatonie.

    Robert sait qu’il en passera par là lui aussi, le diable semble avoir été cruel au point qu’il doive assister au martyr de ses fils avant d’en être lui-même victime.

    Pour l’instant son visage pèle comme une banane, se boursoufle par endroits sur les joues, le front comme un chou-fleur. Il s’est habitué à des relents de hareng saur mariné qu’il ne perçoit quasiment p
    indimoon le 03 mai 2024
    Il s’est habitué à des relents de hareng saur mariné qu’il ne perçoit quasiment plus, et qui rappellent même des souvenirs heureux dont il se souvient mal à cause des médocs...Mais il voit le dégoût qu’il inspire quand on l’ausculte, masqué, ganté, un rictus au coin des lèvres. Son destin n’était donc pas de finir sans domicile, dans sa voiture, même si pour le divorce il avait vu juste. Il ira comme ses fils, si Peter survit à sa transformation, à Las Vegas quand tout sera fini et qu’il aura la gueule de Robert Smith. Il aura même pas besoin de changer ses papiers d’identité, lui. Déjà parfois, une envie de gratter une guitare le prend mais il ose pas demander.







    Yo Berni, on a parlé de Samantha, et j’ai pensé à toi pour la suite, parce que je sais que tu es friand de jolies filles.

    Mais bon, ceci dit, tu choisis de donner une suite à ce que tu veux, soit à mon texte présent passé ou futur, hein, j’tinfluence pas !!

    A toi de créer au texte choisi un présent, un passé, et un futur.

    Il faudra retrouver 3 mots dans chaque scénette : goudron, bonobo, jardiner.


    berni_29 le 04 mai 2024
    Voici le texte de Sonia qui m'a inspiré :

    Soirée karaoké avec le pote Bill, ce soir pour le jeune Robert. La fille qui chante sur scène est une blonde filasse et maigrichonne, à lunettes, et entre deux gorgées de bières, il s’amuse avec Bill parce qu’elle chante « boys,boys, boys » de Samantha, et qu’elle est loin de disposer des atouts de la chanteuse qu’ils revoient quasi nue dans cette piscine, à tenter de remonter sont bikini mouillé sur sa forte poitrine. Un chouette clip. La fille aurait beaucoup moins de mal à remonter un bikini sur ses deux piqûres de moustique. Mouhaha.

    Robert a une belle gueule et il le sait. Sans doute s’il avait su qu’un jour il serait défiguré, en aurait-il profité davantage, car il est plutôt réservé, aime le contrôle, et ne connaît pas encore les vertiges de l’amour. Il ne se doute pas un instant que c’est le grand soir.

    La fille lui fonce dessus avec son plateau de trois bières, qu’elle comptait apporter à sa table, et le plateau se renverse sur sa menue poitrine, trempe de bière, et d’un apéro de bâtonnets de choux-fleurs et d’une sauce pimentée qui rappelle vaguement l’odeur des harengs saur marinés. Dans le moment de silence qui suit l’impact, on entend ses copines crier « Quesse t’as foutu Helga ? Ça va ? ». Helga ça va pas trop parce qu’elle a été distraite par un joli garçon, qu’elle l’a percuté, et que maintenant ses petits tétons pointent sous la sauce qui pue et la bière. Elle est rouge pivoine. Mais c’est le gars qui s’excuse, l’aide à rassembler les débris, dit qu’il s’appelle Robert, et il a des yeux magnifiques.

    PRÉSENT

    Robert Smith accompagna la jeune fille jusqu'aux vestiaires du sous-sol, ceux dédiés au personnel. Il était confus, ne savait comment témoigner sa sollicitude, tandis que dans les toilettes elle ôtait d'un geste naturel son menu corsage pour le passer sous l'eau bouillante du robinet du lavabo. En découvrant la poitrine dénudée d'Helga, les yeux de Robert Smith se mirent à tâter à tâtons les jolies petits tétons de la serveuse. Qu'ils étaient loin les trépidants boys ! boys ! boys ! d'une certaine Samantha F. qui se trémoussait sur le rebord d'une piscine dont les vagues venaient ruisseler jusque sur la piste de karaoké... « Ne restez pas comme cela les bras ballants à ne rien faire, dit-elle en s'activant sur le frêle tissu tel un bonobo dans le rut, oh la la ! Je vais rater la suite de mon service ». Tout naturellement, il épongea d'une main experte, - on aurait dit la main de quelqu'un qui savait jardiner, les quelques tâches de sauce pimentée qui avait éclaboussé ses deux petits œufs sur le plat. « Je vais être en retard, ne cessait-elle de gémir et je n'ai rien d'autre à me mettre ». Il la consola comme il put, lui proposa même sa chemise. Il aurait voulu lui chanter un truc du genre :
    I would say I'm sorry
    If I thought that it would change your mind
    But I know that this time
    I have said too much, been too unkind
    Elle le regarda d'un geste attendri, observa le pantalon du jeune homme a un endroit bien précis qui grossissait à vue d’œil, elle eut une moue de tendresse, peut-être même plus d'ailleurs, elle mordit machinalement ses lèvres sentant venir dans son bas-ventre des nuées de papillons à fendre le goudron. Elle se dit alors que le service pourrait attendre encore un peu...

    PASSÉ

    Avant de connaître Helga, Robert Smith allait régulièrement chez les putes. Il avait une jolie petite belle gueule, une gueule de voyou attachant, un côté délicieusement canaille qui aurait dû être pour lui un atout, une chance dans sa capacité à rencontrer l'âme sœur, l'épouser, fonder un foyer, une famille, jardiner. Mais voyez-vous, Robert Smith était d'une timidité maladive auprès des femmes.
    Même auprès des dames de la poste qui se donnaient le bras, s'en allant souvent par trois, à dix-huit heures trois, tandis que Robert Smith baissait le rideau de fer de l'entrée du bâtiment après leur passage.
    Car Robert Smith exerçait le métier d'employé à l'accueil d'un guichet postal d'un petit quartier de Manhattan. C'est après la fin de son travail, à dix-huit heures quatre, sous les regards maussades des dames de la poste que Robert Smith s'en allait effeuiller le désir de ses lèvres et de ses mains qui toute la journée avaient collé des timbres-poste...
    Sa préférée s'appelait Samantha, elle avait une bouche, comment dire... Et des seins, voyez-vous... Des seins à damner un saint ! Facile, me direz-vous. Bon, je cherche autre chose, une manière de jardiner, de peler le concombre à rendre jaloux le plus frigide des bonobos... Ah ! Si les dames de la poste qui se promenaient souvent à trois sur le goudron avaient pu imaginer un seul instant ce que Robert Smith faisait de cette langue qui savait si bien coller les timbres-poste, oui si les dames de la poste qui souvent se promenaient par trois avaient su imaginer un seul instant, peut-être que...

    FUTUR

    Robert Smith ne s'était jamais senti aussi seul à présent. Tout aurait pu être parfait dans le meilleur des mondes. Fini, disparu le psoriasis qui lui donnait un visage de papier abrasif, il n'aurait plus besoin d'être relégué à l'arrière du guichet postal, aux ingrates tâches de tri pour que les clients ne le voient plus. Il n'aurait pu besoin de jardiner en enfilant une cagoule d'apiculteur, afin de ne pas effrayer les enfants du quartier. Fini ce visage tuméfié que son épouse Helga ne supportait plus lorsqu'il faisait l'amour, à tel point qu'elle ne consentait plus qu’à des rapports dans le noir et en levrette, façon bonobo.
    Mais voilà que les ennuis commençaient à présent. Il fallait bien donner une explication rationnelle à son épouse. « Je ne comprends pas, ma chérie, c'est simplement un miracle ». Elle, elle l'avait bien compris cependant, tous les médias en parlaient, de celle qui accomplissait des miracles auprès de ses clients par les voies du péché...
    Comme il ne savait pas mentir, il avait cru bon de tout lui révéler en espérant la rédemption. Comme seule réponse, il reçut une gifle et se mordit les lèvres. Robert Smith ne vieillirait pas avec sa femme.
    Comme un malheur n'arrive jamais seul, les frères Bronski était parti sur ses traces, car il était désormais un témoin gênant. Le souci, avec les frères Bronski, c’est qu’ils étaient un véritable fléau pour la petite part d’humanité ayant affaire à eux.
    « On lui réserve quel sort à notre ami Robert Smith ? demanda l'un des frangins. Du goudron et des plumes ? » L'autre fit la moue, en regardant la photo de leur prochaine victime, le problème avec les frères Bronski, c'est qu'il manquait souvent d'imagination dans les contrats qu'ils devaient exécuter. « Maintenant qu'il n'a plus sa face de papier-peint façon chambre de Mémée, on n'est même pas sûr de le reconnaître. »

    Voilà Anna, c'est à toi de jouer à présent. En plus, tu continues la règle du jeu. Tu devras conclure ce road-trip.

    Les trois mots que tu devras utiliser pour chaque scénette sont : gourdin, jambon-beurre, Vatican.
    AnnaCan il y a 4 semaines
    Scénette de Berni que j’ai choisie :

    « Avant de connaître Helga, Robert Smith allait régulièrement chez les putes. Il avait une belle petite gueule, une gueule de voyou attachant, un côté délicieusement canaille qui aurait dû être pour lui un atout, une chance dans sa capacité à rencontrer l'âme sœur, l'épouser, fonder un foyer, une famille, jardiner. Mais voyez-vous, Robert Smith était d'une timidité maladive auprès des femmes. Même auprès des dames de la poste qui se donnaient le bras, s'en allant souvent par trois, à dix-huit heures trois, tandis que Robert Smith baissait le rideau de fer de l'entrée du bâtiment après leur passage. Car Robert Smith exerçait le métier d'employé à l'accueil d'un guichet postal d'un petit quartier de Manhattan. C'est après la fin de son travail, à dix-huit heures quatre, sous les regards maussades des dames de la poste que Robert Smith s'en allait effeuiller le désir de ses lèvres et de ses mains qui toute la journée avaient collé des timbres-poste... Sa préférée s'appelait Samantha, elle avait une bouche, comment dire... Et des seins, voyez-vous... Des seins à damner un saint ! Facile, me direz-vous. Bon, je cherche autre chose, une manière de jardiner, de peler le concombre à rendre jaloux le plus frigide des bonobos... Ah ! Si les dames de la poste qui se promenaient souvent à trois sur le goudron avaient pu imaginer un seul instant ce que Robert Smith faisait de cette langue qui savait si bien coller les timbres-poste, oui si les dames de la poste qui souvent se promenaient par trois avaient su imaginer un seul instant, peut-être que...

    Suite dans le PRÉSENT (dans le présent au passé, vous me suivez?) :

    Mais les dames de la poste, qui grignotaient de conserve leurs sandwiches jambon-beurre tout en arpentant le bitume, n’avaient jamais su que Robert Smith allait chez les putes assouvir sa libido, une libido expansive que sa timidité auprès des femmes rendait inassouvissable en dépit de sa belle gueule. Helga non plus n’en avait jamais rien su. De même qu’elle n’avait jamais su que le fantasme de son mari (outre les opulentes poitrines à la Pamela Anderson) était de se faire enchaîner au lit, puis frapper à l’aide d’un gourdin façon Charlus dans la maison de passe de Jupien, le baron évoquant à son tour Prométhée enchaîné à son rocher dixit Proust himself. Peut-être que si elle l’avait su (que Robert fréquentait les putes autrefois, qu’il n’aimait que les gros seins contrairement aux siens qui n’auraient pas même fait bander un choeur de novices du Vatican, et que son truc dans la vie c’était de se prendre des coups de gourdin enchaîné au lit conjugal), peut-être que si elle avait su tout ça, leur vie de couple eût été fort différente. Mais hélas, elle n’en avait jamais rien su, la belle gueule de Robert s’était retrouvé défigurée par un psoriasis sévère, puis de nouveau immaculée, débarrassée de cette horrible tare mais à quel prix, bon dieu, à quel prix?
    Jamais elle ne lui pardonnerait cette trahison. Ah ça, il allait payer, l’ingrat, le traître, le salaud.

    PASSÉ:

    Quand Robert Smith s’était ramené à la maison quelques jours plus tôt avec de nouveau sa belle gueule des jours heureux, (avec quelques rides en plus, mais bon, on va pas pinailler), Helga n’en avait pas cru ses yeux. Sa toute première impulsion fut de se jeter dans ses bras, et même à ses pieds en invoquant Dieu, la Sainte Vierge et tous les saints du Vatican, mais sa nature soupçonneuse reprit vite le dessus et elle le harcela de questions jusqu’à ce qu’il avoue tout, le bougre. Une fois qu’il eut bien tout avoué, qu’elle fut sûre qu’il n’y avait plus rien à en extraire, elle empoigna le gourdin qu’elle gardait toujours en réserve au cas où (contre les témoins de Jéhovah qui faisaient du porte à porte et qui avaient tendance à s’incruster, contre les gosses d’Halloween qui réclamaient des bonbecs ou contre les clodos du quartier qui venaient régulièrement la taper d’un jambon-beurre), et se mit à le rouer de coups, sans savoir qu’elle assouvissait enfin l’un des plus vieux et persistants fantasmes de son mari. Ceci fait, elle se sentit mieux, et même presque bien, enfin, autant qu’une nature revêche comme la sienne pouvait se sentir bien (tout est relatif). Si elle avait connu ses classiques, peut-être lui eut-elle dit à ce moment-là :
    « Va, je ne te hais point ».
    Et alors tout eut été (encore une fois) différent.
    Mais à la place, elle grogna :
    « Alors, maintenant, tu prends tes cliques et tes claques, et que je ne te revois plus jamais, ni dans cette vie, ni dans l’autre. »
    Bon, depuis, elle avait légèrement adouci sa position, suivant en cela les conseils de son avocat qui, en homme avisé et expérimenté, lui avait fait comprendre que pour obtenir le maximum de pension alimentaire, valait mieux la jouer malin.

    FUTUR:

    Helga roulait au volant de sa Chevrolet Camaro bleue, détendue et souriante. Elle passa sa main sur sa joue. Le matin même, elle s’était fait un masque à l’argile verte et sentait avec satisfaction comme sa peau était douce sous ses doigts. Elle jeta un oeil dans le rétroviseur et sourit à son reflet. Sa poitrine, rendue méconnaissable grâce aux talents de son chirurgien esthétique, tendait la ceinture de sécurité à la faire péter. S’il n’y avait le sandwich au jambon-beurre qu’elle avait avalé deux heures plus tôt et qui lui pesait encore sur l’estomac, tout aurait été absolument parfait. Elle repéra au loin les tentes des forains et s’engagea résolument dans l’allée. Elle se gara à l’ombre d’un palmier, puis sortit dans la chaleur suffocante. Vacillant un peu sur ses talons hauts, elle héla un gamin qui passait par là : « Santa Muerte?
    Le gosse lui désigna une caravane encore plus décatie que les autres, qui avait dû être rouge autrefois, et arborait à présent une teinte bouse de vache assez peu ragoûtante. Helga frappa trois coups à la porte, entra sans attendre qu’on l’y invite. La vieille voyante était si rigoureusement immobile qu’on eut pu la croire endormie ou morte. Elle l’accueillit sans un mot, l’invita à s’asseoir tout en déplaçant la boule de cristal afin qu’elle se trouve pile poil au milieu de la table.
    « Je cherche Samantha. On m’a dit que vous seule pourriez me dire où elle se trouve, énonça Helga d’une voix claire.
    — Quesse vous lui voulez à Samantha? demanda Santa Muerte en apposant ses mains sur la boule de cristal. Elle a déjà le Vatican au cul et aussi ces deux fils de pute… ces damnés frères Bronski… Si j’les tenais ces deux-là, j’leur enverrais bien de grands coups de gourdin dans leur sale gueule, histoire de les rendre encore plus moches qu’ils sont déjà. La vieille ponctua ses dernières paroles d’un crachat qui atterrit sur le sol en linoléum de la caravane. — Je veux juste la remercier. Elle l’ignore, mais elle a changé ma vie. »
    Santa Muerte sourit de ses dents noires.
    — Elle a changé la vie de pas mal de monde, tu sais, ma jolie. Elle en a fait, des miracles.
    — Oui, je sais. Mais la mienne de vie, c’est plus qu’un miracle. C’est une résurrection. »

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