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Critique de Cellardoorfr


Ce que j'ai aimé dans ce roman, c'est la tendresse et la lucidité de son auteur, deux ingrédients indispensables pour offrir un récit à la fois sincère, véridique et objectif. Rien ne m'agace plus dans la vie que les histoires manichéennes. Cela fait bien longtemps que je ne crois plus que les méchants sont toujours méchants et que les gentils sont gentils en toutes occasions. Je trouve les défauts et les contradictions plus intéressants que les qualités.

Plusieurs décennies après les faits et après la mort de son père, Alysia aurait pu nous dépeindre un quotidien fantasmé, une vie améliorée par la douceur des souvenirs et par la tristesse d'avoir perdu ce papa très aimant et en même temps, délibérément perdu sans son monde d'artiste/poète/homme adulte en quête d'amour.. Quand on est un peu sentimental, c'est parfois agréable d'embellir un peu le passé… non ?

Si on attrape l'histoire dans un autre sens en considérant la vie instable qui a été celle d'Alysia, une vie sans repères, sans règles, sans cadre, une vie où son père brillait souvent par son absence, on aurait pu s'attendre à une sorte de « procès » littéraire. le procès d'un père qui a imposé ses petits amis, ses réunions littéraires jusqu'à pas d'heure, ses déménagements et sa vie bohème-sans-le-sou à une enfant qui s'est souvent sentie : bizarre/seule/décalée/en manque d'attention à une époque où les pères gay n'étaient pas si nombreux à élever leur enfant. du moins, c'est l'impression qu'elle en avait.

Mais non.

Alysia Abbott ne sombre dans aucun de ces travers. Si elle montre avec sincérité (et parfois même avec brutalité) les vices, les défauts et les erreurs d'un homme qui était parfois perdu, irascible, vulnérable, drogué à une époque et égoïste, elle démontre aussi qu'il a toujours tout fait pour conserver son enfant à ses côtés. Qui n'a jamais eu envie d'être autant aimé par un de ses parents, avec bienveillance et sans conditions ?

Je parlais plus haut d'objectivité et c'est justement avec objectivité qu'Alysia se met elle même en scène. de ses peines d'enfance à ses émois de jeune femme, elle se livre avec sincérité mais toujours avec une extrême pudeur. Au cours de ses histoires, de ses moments de vie, elle ne tend jamais le bâton pour se faire battre mais elle n'hésite JAMAIS à mettre en avant ses propres faiblesses et surtout, sa propre intolérance face à un père à la personnalité excentrique. Surtout au moment de son adolescence.

Mais Fairyland, c'est également le portrait d'une génération, un monde littéraire et d'une communauté gay. Nous sommes dans le San Francisco d'Harvey Milk… Forcément, c'est passionnant ! L'auteur nous dépeint parfaitement l'effervescence de cette époque tandis que les références aux oeuvres et aux actions de son père prouvent l'implication politique d'un homme qui aura constamment lutté pour les droits des homosexuels.

Je n'ai pas été particulièrement sensible à la poésie de Steve Abbott, dont nous avons certains extraits mais j'ai beaucoup aimé les quelques dessins qu'Alysia nous livre. J'ai surtout eu un gros coup de coeur pour les extraits de son journal intime qui révèlent un homme parfois torturé, tiraillé entre son désir d'indépendance et son besoin d'offrir une belle vie à sa fille (un temps, il a même essayé de reconstruire une famille factice en vivant avec une inconnue et l'enfant de cette dernière).

Steve Abbott est CONSTAMMENT au coeur du récit. C'est Alysia qui nous parle de lui mais à bien des égards, le roman semble avoir été écrit à quatre mains.

La dernière partie de l'oeuvre parle également de la montée du sida aux États-Unis et évidemment, dans la ville de San Francisco où la communauté gay était très importante. La père d'Alysia n'y échappera pas. Jamais pleurnichard ou triste, le livre nous parle d'une hécatombe mais également de la fin d'une époque bénie, de cette fameuse « féérie » qu'Alysia et son père auront connu dans leur quartier populaire. le San Francisco des années 70 a disparu mais ce genre de témoignages nous permet d'y faire un voyage agréable et passionnant.

Fairyland est une fantastique plongée au coeur du San Francisco gay/littéraire des années 70. Mais pas que. Car dans la dernière partie, nous suivrons également Alysia à New York et même en France. J'ai adoré suivre l'évolution de ce père et de sa fille et j'ai trouvé leur histoire et leurs rapports vraiment très émouvants. J'ai souvent eu les larmes aux yeux en lisant les lettres de Steve Abbott mais j'ai également été très touchée par les mots d'Alysia, par son écriture « sensitive » et tellement parlante. Ce livre m'a bouleversée et va me suivre longtemps. J'ai hâte de voir ce que Sofia Coppola va en faire…
Lien : http://cellardoor.fr/critiqu..
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