La Face d'un autre

Ça aurait pu s'appeler Confession d'un masque, si le titre n'avait déjà été pris par Yukio Mishima pour son roman autobiographique. le récit prend la forme de mémoires qu'un homme, dont le visage a été défiguré lors d'une mauvaise manipulation d'azote liquide, écrit à son épouse. Couvert de bandages, il prend la décision de se fabriquer lui-même un masque après un entretien avec un chirurgien plasticien. Il raconte avec une extrême minutie les étapes présidant à l'élaboration de ce dernier et la double vie pour laquelle il opte, partagée entre les pansements qui lui sont familiers et sa nouvelle membrane de Fantômas. Ce dispositif postiche acquiert une quasi-autonomie dans la psyché du narrateur, comme si une seconde personnalité lui naissait, lui ouvrant des perspectives s'affranchissant de toutes les responsabilités et bravant les tabous. Cette expérience est l'occasion de mieux saisir sa solitude foncière, dans la compréhension de la géométrie variable qu'est une personnalité induite par l'apparence et de comprendre que finalement tout le monde porte quelque part un masque.

Le personnage de la Face d'un autre, tel un avatar nippon d'un roman de Dostoïevski, dévoile au fil de sa confession une personnalité névrosée avec des tendances franchement maniaques. Cette analyse clinique d'un caractère est par nature complexe et non dénuée de longueur dans sa méticulosité. Mais c'est une oeuvre riche en considérations philosophiques et d'une vive acuité psychologique.