Aime-t-on plus l'art ou la cuisine dans ce livre ? Question à laquelle il est difficile de répondre, à moins d'admettre que l'un n'aille pas sans l'autre, et que les sommets de l'une des disciplines ne puissent être atteints sans le recours de l'autre.
Le panorama des oeuvres explorées dans ce livre est restreint, et s'étend seulement du 16e siècle, avec Joachim Beuckelaer, jusqu'au 20e siècle, avec Claes Oldenburg. Preuve donc que la qualité supplante à la quantité. En effet, les oeuvres ne sont jamais survolées. Chacune d'elles est abordée en un chapitre de quatre pages qui font s'entrecroiser de multiples informations concernant la peinture, la symbolique alimentaire qu'elle met en jeu, des éléments notables de la biographie de son réalisateur, mis en parallèle avec les évènements représentatifs de l'histoire de son temps. Et chaque chapitre se clôt en apothéose avec la présentation d'une recette qui s'inspire de tous les éléments dégagés dans les paragraphes précédents ! Ainsi, l'étrange « Gourmet » de
Pablo Picasso sera l'occasion de soulever la question de la présence des aliments bleus dans la cuisine, et permettra aux curieux de mettre en oeuvre la préparation d'une « Compote de chou rouge à la châtaigne », d'une « Compote d'aubergine aux amandes », ou d'une « Compote de pruneaux ». Simple, rapide, mais il fallait y penser… Dans le genre exotique, la « Motte de Beurre » d'Antoine Vollon » sera l'occasion de préparer un Kouignaman (600 grammes de farine, 500 grammes de beurre, 500 grammes de sucre, de l'eau et du sel… on se demande ce que ça peut donner…). Plus gargantuesque (et cela tombe bien, on passe à un tableau de Jean-François de Troy), on pourra essayer de réaliser la recette des huîtres frites : des oeufs, du fromage, de la chapelure, le tout passé dans un demi-litre d'huile bouillante… Heureusement, on pourra aussi se rafraîchir avec un petit gaspacho de Melon (tiré d'un tableau de Juan Sanchez Cotan), prendre un tiramisu aux framboises (et apprendre que Tira mi su signifie « tire-moi là-haut » et qu'il était judicieusement offert par les prostituées de Venise à leurs amants, au 16e siècle), ou s'enfiler un « Red Carpet » digestif.
Art Food éveille l'oeil aux sensations du goût, et le goût à la beauté visuelle des aliments. le seul regret est qu'il soit un peu trop court et qu'il présente un nombre d'oeuvres trop restreint. C'est aussi la raison pour laquelle, peut-être, il se laisse aussi bien savourer…
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