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Critique de karmax211


- Tokyo vice - est un cousin nippon de - Gomorra - d'Alberto Saviano. Leurs deux auteurs ont eu d'ailleurs besoin d'une protection rapprochée de la police pour éviter la caresse mortelle des tentacules de la pieuvre.
C'eut pu être aussi un cousin d'Amérique, de Russie, d'Albanie de Colombie et de tant d'autres pays concernés par ce phénomène.
Car au-delà de "l'exotisme" et de l'adaptation géographique, culturelle, contextuelle et circonstancielle, les yakusas font partie à part entière de l'histoire moderne de la société japonaise, au même titre que les familles des pays précédemment cités.
Et je suis surpris de lire dans les commentaires certains lecteurs s'étonner de ce "scoop", de cette "révélation" de la face cachée du Pays du Soleil-levant.
Que n'ont-ils lu de grands auteurs japonais ou vu certains films !
Car c'est presque un folklore, une carte postale touristique que ces hommes entièrement tatoués et aux mains orphelines d'un petit doigt...
En Europe, nous sommes, pour la plupart d'entre nous, familiarisés (hélas) avec des noms comme Toto Riina, Giovani Falcone, Paolo Borsellino, comme nous le sommes aux US avec ceux de Capone, de Luciano... de Cosa Nostra ou de la Mano Nera.
Naïfs sont ceux qui, séjournant à Vegas, ignorent que c'est là que les Parrains blanchissent une partie de l'argent du crime, et que la ville leur appartient.
Oublieux ceux qui n'ont plus en mémoire que Kennedy fut élu grâce aussi à la mafia, mais également assassiné aussi "à cause d'elle".
Tout ça pour dire que la mafia est au Japon ce qu'elle est à l'Italie et à de beaucoup d'autres pays... la différence n'intervenant qu'au niveau des sushis ou de la pasta... et encore ! La globalisation ayant déjà depuis quelques décennies consanguinisé ces familles. L'exemple US est là pour le démontrer, lui qui, depuis longtemps, héberge sur son sol les principales mafias des pays du monde entier.
Ce qui fait l'intérêt d'un roman journalistique, d'un roman du réel, c'est, comme pour un chasseur de vampires, de réussir à s'approcher au plus près du monstre afin de pouvoir mieux le connaître.
Et c'est ce qu'a fait Jake Adelstein, petit juif américain du Missouri, élève dissipé qui, à 19 ans, frôlant l'exclusion, est parti étudier au Japon. Diplômé d'une université tokyoïte, il va devenir le premier citoyen du pays de l'Oncle Sam à intégrer la rédaction du grand journal nippon "Yomiuri Shinbun", y faire ses classes... comme tenta de le faire en son temps dans une entreprise une certaine - Amélie-san"... mais en plus hard... cadavres, hémoglobines, alcool, drogue, prostitution, trafics en tous genres en plus !
Peu à peu Jake, passionné par son job, va devenir un gaijin plus et mieux qu'assimilé. Se faire des amis dans son milieu, dans celui des flics, et dans celui très interlope des yakusas et de tous ceux qui gravitent autour d'eux.
C'est de cette proximité que va naître ce livre qui raconte une partie de l'histoire de son auteur, son itinéraire personnel et professionnel au Japon, ses amitiés, ses amours, les affaires auxquelles il a eu accès en tant que journaliste, et celle surtout qui l'a opposé à l'un des plus célèbres yakusas du pays.
C'est le livre d'un journaliste et d'un homme, les deux se confondant parfois de manière troublante. Car à force de flirter avec la bête, on finit par lui ressembler...
"Jake, est-ce que tu as déjà pensé au fait que, si tu le détestes autant, c'est parce que tu lui ressembles beaucoup.
Vous êtes tous les deux des acharnés de travail avec une forte libido, vous êtes accros à l'adrénaline et d'incorrigibles hommes à femmes. Vous buvez trop, vous fumez trop et vous exigez de la loyauté. Vous vous montrez généreux envers vos amis et impitoyables envers vos ennemis. Vous êtes prêts à tout pour obtenir ce que vous voulez. Vous vous ressemblez beaucoup."
Ce roman a effectivement le "charme" venimeux du réel, lequel s'emploie à maquiller subtilement les repères entre "la belle et la bête."
Il n'a de déconcertant que l'effet produit par l'auteur pour brouiller les pistes afin que la plupart des protagonistes de l'oeuvre ne puissent être reconnus, identifiés, menacés... ce qui crée dans le temps et l'espace narratifs une distorsion dont il est bon d'en connaître la cause.
C'est, à ce jour, le meilleur témoignage que j'ai pu lire sur cette face méconnue ( mé... pas inconnue ) du Japon.
On ne peut pas réduire un pays, l'image qu'on en a, à un de ses composants. Mais il serait angélique de nier l'existence de ce composant, de refuser d'en comprendre le pourquoi et le comment.
Les yakusas sont nés au Japon. le Japon a donné naissance aux yakusas et contribue à leur pérennité et à leur prospérité.
Si vous voulez comprendre le rapport nébuleux et complexe entre cet oeuf et cette poule nés au "pays d'où sort le soleil", ce livre contient des éléments de réponse plus qu'intéressants.
Écrit par un journaliste qui a du métier, la lecture est aisée et jamais ennuyeuse... malgré une foule d'infos... nécessaires.
J'ajoute que pour ceux qui sont sensibilisés à la question du trafic des êtres humains, Adelstein, qui s'est investi dans ce combat, contribue à lui donner un éclairage cru, authentique et révoltant.
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