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Critique de ATOS


Comment passe-t-on d'une société du « lève-toi et marche » à une société du « yes we can ! ».
Comment passe-t-on de l'ordre impératif subordonné à la soumission à un auto-commandement subordonné à l'impératif de l'ordre ?
De « l'être qui peut » au « sujet qui veut ».
L'homme antique était un homme qui pouvait, l'homme moderne est un homme qui veut.
De l'action au désir, du pouvoir à la volonté, de la puissance à l'obéissance.
C'est peut-être en cela que le propos d'Agamben sur le commandement est le plus intéressant.
Transformation de l'homo faber en l'homo sacer.
Transformation de celui qui crée en celui qui subit.
L'origine est commandement.
Dans l'espace temps, l'origine est l'instant « 0 », dans l'espace philosophique l'origine est un ordre. Car « le début est toujours le principe qui gouverne et qui commande ». « L'origine ne cesse jamais de commencer, c'est-à-dire de commander et de gouverner ce qu'elle a fait venir à l'être. »
L'origine injecte son gène dans l'histoire, l'histoire porte toujours la marque de l'origine.
Il est possible de neutraliser cette origine, briser son ADN, geste presque contre nature et qu'on ne peut acquérir que par un apprentissage philosophique, que l'on nommera politique.
Exprimer un ordre ce n'est pas exprimer l'être c'est exprimer un devoir-être. On passe du descriptif soumis au jugement, (ex : Pierre marche) à un impératif signifiant : Marche !, forme originaire du verbe.
Magie, religion et droit voici les mamelles de l'impératif. En schématisant nous pourrions indiquer que l'ordre sert à édifier un univers, il en est le fondement. Lorsque l'ordre cesse, l'univers cesse avec lui. Agamben fait d'ailleurs remarquer que l'arrêt d'un système cesse lorsque la commande n'opère plus ce qui paraît tout à fait évident à notre jeune esprit technologique mais qui peut heurter notre vieil esprit politique.
De là à penser qu'il n'y a plus lieu de se mettre à genoux qu'à partir du moment où il n'y a plus personne devant qui s'agenouiller...
Mais le propos d'Agamben n'étant pas la valeur de l'obéissance mais la définition ou plutôt la nature du commandement, relevons nous et poursuivons.
Pour Agamben l'époque moderne commence lorsque le verbe vouloir prend la place du verbe modal pouvoir.
La rupture s'est peut-être faite lorsque les théologiens ont compris le danger de l'omnipotence divine. « Dieu peut tout... » Mais s' « il » peut « tout » il est peut-être possible qu'il puisse « n'importe quoi »... !
Pour sortir de cette « scandaleuse et sulfureuse vérité » il a fallu préciser : « Il ne peut faire que ce qu'il a décidé de faire. »
L'âme de Dieu et donc celles des hommes étant sauvées, il fut décidé que l'on ne pouvait que si l'on voulait.
La puissance venait d'être endiguée.
L'Homme moderne se mit en marche.
On peut tout si on le veut !. Voilà le nouveau fondement de notre univers.
Tu peux si tu le veux, tu peux tout ….y compris obéir !
Tu obéiras d'autant mieux et vite si tu le veux !
Bien mieux que si tu te contentais de le devoir...
Ainsi l'homme moderne se mit à « devoir vouloir pouvoir », en simplifiant : il se donna à lui-même l'ordre d'obéir... »
« Le citoyen libre des sociétés démocratico-technologiques est un être qui obéit sans cesse dans le geste même par lequel il donne un commandement »
Charlie Chaplin, le plus grand illustrateur de nos modernes tragédies, avait déjà plongé notre oeil dans la vacuité du mouvement de ce terrible engrenage.

Force et puissance donnaient pouvoir à l'homme antique, et pouvoir c'est être dans la capacité d'agir.
La volonté de l'homme moderne est-elle suffisante pour être signifiante ?
Le souhait, l'ambition peuvent-ils générer l'action et en assurer sa pérennité ?
Et que se passe-t-il alors lorsque que notre impuissance dépasse notre bon vouloir ?
Quel recours ou plutôt quels options s'offrent alors à nous ?
Faudra-t-il alors créer un nouvel univers dont les bases ne reposeront sur aucun ordre ?
Astrid Shriqui Garain
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