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Critique de Lamifranz



Jean Aicard (1848-1921) est un poète, romancier et dramaturge français fort honorable, (de l'Académie française, s'il vous plaît), auteur d'une oeuvre considérable à peu près tombée dans l'oubli, à part trois oeuvres « provençales » qui suffisent à lui assurer une belle renommée (en tous cas dans le quart sud-est de la France) : « Maurin des Maures » (1908) et sa suite « L'Illustre Maurin » (1908), ainsi que « Gaspard de Besse » (1918), qui raconte l'histoire d'un « bandit à la française » ou plutôt « à la provençale ».
Avec « Maurin des Maures », Jean Aicard crée un type particulier : le braconnier provençal. Ce cousin du « Raboliot » de Maurice Genevoix (qui ne naîtra qu'en 1925) manquait dans le décor des garrigues et des collines des Maures et de l'Esterel. Il existait pourtant, comme partout, mais la littérature provençale écrite en français n'en portait pas encore la trace. Chez Daudet, le chasseur Tartarin en présente quelques aspects, mais il faudra attendre « La Gloire de mon père » pour retrouver chez Marcel Pagnol un personnage comme Mond des Parpaillous, digne successeur de Maurin des Maures.
Un autre parallèle peut être fait (plus contemporain, celui-là) avec « L'Affaire Blaireau » (1899) d'Alphonse Alllais, où le braconnier Blaireau en fait voir de toutes les couleurs au garde-champêtre Ovide Parju (vous n'avez pas oublié sans doute « Ni vu ni connu », d'Yves Robert, avec Louis de Funès en Blaireau et Moustache en Parju).
Maurin, comme tout bon braconnier, se doit de défier l'autorité. Il « emmène les gendarmes là-haut, là-haut et la maréchaussée » (comme dans la chanson), surtout un gendarme, Alessandri, dit Sandri. Non seulement, c'est un gendarme, c'est donc un devoir naturel pour un braconnier, de se moquer de lui, mais en plus il fait le joli coeur auprès de Tonia, la jolie Corsoise (un mot pour dire qu'elle n'est pas née sur le continent), pour qui Maurin a un penchant plus que penché. Maurin est aussi accompagné par Pastouré, dit Parle-soulet, parce qu'il ne parlait à personne d'autre qu'à lui-même.
C'est autour de ces quelques personnages que Jean Aicard fait vivre ses histoires : le décor ? Les montagnes des Maures, entre Hyères et Fréjus. le ton employé ? La galéjade (ou galégeade, c'est l'orthographe originelle). Qu'ès aco ? Une histoire inventée, simplement pour la raconter, parfois dans une intention plus malicieuse pour duper, berner, ou couillonner quelqu'un. Un roman bon enfant donc, à l'image de son héros, un rien rebelle, un rien anarchiste, séducteur et moqueur, et surtout libre ! Maurin, en nous emmenant dans « ses terres », peuplées de thym et de bruyère, de lavande et de menthe sauvage, nous fait respirer le double parfum de l'aventure et de la liberté.
Pour faire bonne mesure, il agrémente ses aventures de contes provençaux qu'il insère à l'instar du « Décaméron » de Boccace ou de « l'Heptaméron » de Marguerite de Navarre. Jean Aicard a une langue alerte et vive, colorée, illustrée fréquemment par des tournures locales, qui nous mettent tout de suite dans l'ambiance. le ton général a vieilli, bien sûr (on est en 2022, ce roman date de 1908), mais il reste comme un écho d'une époque ancienne qu'on ne connaîtra plus, comme ces vieilles photos, ridicules peut-être, mais touchantes, qui de toutes façons, qu'on le veuille ou non, sont « notre histoire ».
Allez, zou, on file à la garrigue, chasser le lapinou !

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