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Critique de adelaidebabelio


Dans ce roman à la première personne, le narrateur, dont on ne connaîtra le nom qu'à la dernière page, entraîne le lecteur à ses côtés. Les courts chapitres se succèdent dans une alternance aléatoire entre le tableau de ses souvenirs d'enfance, relatés en italiques, et sa quête de Nadia.
Ayant quitté son Maghreb d'origine à neuf ans avec sa mère illettrée pour rejoindre la France, il découvre la pauvreté, la vie dans les cités, sans jamais pourtant avoir honte, car sa mère l'en dissuade. Il a trouvé son salut dans la lecture et l'écriture ; tout le roman est ainsi parsemé de références plus ou moins développées aux grands auteurs qui ont marqué le narrateur. Pour autant, conscient de la réalité et des besoins du milieu duquel il a pu s'extraire, il dédie sa vie et ses efforts à travailler pour les anonymes à qui il veut donner ce qui leur manque : un nom et des mots. le narrateur met son écriture au service de ces funambules, en devenant biographe des anonymes. Au cours des chapitres, défilent les anonymes qui n'en sont plus, qui désirent sortir du silence, mettre des mots sur leur vie, leur parcours chaotique de funambules sans cesse sur le fil tendu de la vie.
A travers ce travail d'écriture et la proximité avec les associations comme les Restos du coeur, le narrateur est en quête de son amour de jeunesse, Nadia, dont la pensée ne l'a pas quittée depuis des années. Nadia a travaillé aux côtés de ces associations. En côtoyant ceux qu'elle a aidés, il tente de la retrouver, de la comprendre, de vivre et d'être animé par ce qui l'a animée elle aussi.

Ce livre m'a touchée par sa vérité, par la sincérité des parcours qui sont proposés au lecteur. Les noms évoqués, les vies brisées, se dotent de visages qui nous interpellent. Plein d'humanité, porteur d'espoir, ce roman nous invite à ouvrir les yeux du coeur pour ceux qui peuplent nos rues et souffrent non seulement de pauvreté matérielle mais surtout peut-être de manque de considération.
J'ai pourtant été surprise de la forme que prend ce récit, peut-être aussi proche du roman que du reportage journalistique. Cet aspect a pu me gêner quand j'attendais plus de romanesque. Les personnages souffrent ainsi pour certains d'un manque de profondeur : la galerie de portraits reste parfois seulement une évocation, et l'on peut avoir du mal à se les représenter comme des personnages plus que comme des ombres. Mais là est peut-être le secret : ces hommes et ces femmes sans nombre filent sous nos yeux trop habitués ; à nous de les reconnaître et de les regarder désormais. Ce roman se lit alors comme un point de départ de la prise de conscience de notre proximité avec ces destins brisés, que nous pouvons participer à réparer. L'écriture est belle, tantôt réaliste, tantôt lyrique et poétique, toujours proche de ces funambules sans jamais être indiscrète.

J'ai aussi trouvé dans Les Funambules un livre qui questionne et interroge le rapport de chacun à la vie, dont le fil est mince, et duquel nous pouvons à tout moment basculer. le narrateur évoque Camus à plusieurs reprises ; lui qui avait écrit le Premier homme pour donner une voix aux sans voix trouve ici un digne héritier. Comme Jacques Cormery, le narrateur ressent au plus profond de lui le déracinement qu'il a vécu et qui fait de lui un homme entre deux mondes, autant géographiques que sociaux. Ballotté entre ces deux univers, il est lui aussi un funambule, pour qui l'écriture semble être le fil.
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