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Critique de Merik


C'est Jmiaa qui tient la parole dans ce roman, elle ne la lâchera pas. Une prostituée de Casablanca parmi d'autres, à l'esprit vif et tenace. Autour d'elle gravite un petit monde haut en couleurs. Un univers de débrouille, de brutalité et de magouille, plus rarement de sentiments. La vie est vacharde par ici, on s'en sort comme on peut. On peut même monnayer les services de sa femme à ses copains, et la faire plonger. Le destin de Jmiaa prendra un autre tour avec l'arrivée d'une marocaine émigrée aux Pays-Bas.

Ce qui frappe dans un premier temps est la multitude des personnages, ça grouille de vie. Le panel y est varié, même si beaucoup végètent dans un milieu pour le moins défavorisé. Flics pourris et petits mecs brutaux, garagiste débraillé ou folle de quartier, prostituées. Les parcours de certaines d'entre elles sont saisissants. On ne naît pas prostituée. Jmiaa l'est devenue contrainte et forcée par une main masculine. Hamila l'est devenue contrainte et forcée surtout par elle-même, pour expier une faute impardonnable à ses yeux.
Il y a aussi Bouche de cheval, surnom donné par Jmiaa à la cinéaste venue repérer et comprendre le milieu. Difficile de ne pas imaginer Meryem Alaoui en lieu et place de la cinéaste, pour son roman. Difficile aussi de ne pas penser à « Much Loved », film sorti en 2015, qui divisa la société maghrébine. Mais « Much Loved » traitait d'une forme de prostitution plutôt luxueuse à Marakech. Ici l'on aguiche le client dans les ruelles paupérisées de Casa, l'on consomme sur des matelas dans des pièces sordides en retroussant les jellabas.

J'ai été emballé par l'écriture, surtout dans la première partie. Je l'ai trouvée délicate et subtile. Oui. Qu'on ne s'y trompe pas, il s'agit bien d'un personnage de pute à qui Meryem Alaoui donne la parole. Son langage est forcément crû, pour le moins fleuri. Des perles de grossièretés égrainent le récit, mais des touches subtiles de poésie, d'inventivité, une imagerie inspirée (souvent autour des animaux) évitent l'écueil d'une vulgarité trop facile. Le ton assigné à Jmiaa, fait de colère à la vindicte jaillissante, de tendresse refoulée ou de réserve parfois, lui donne corps, et surtout l'allure d'un beau personnage de littérature.

« La vérité sort de la bouche du cheval ». Elle sort peut-être bien aussi de la plume de Meryem Alaoui. En espérant que la société marocaine acceptera mieux ce roman que le film « Much Loved ».

Merci beaucoup à Babélio Masse Critique et aux Éditions Gallimard pour ce premier roman de Meryem Alaoui, que j'ai lu en avant-première avec curiosité, intérêt et plaisir.
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