L'adieu aux insectes ?

Le problème en quelques mots....
-L'accumulation dans les milieux natures de dérivés azotés d'origine industrielle et agricole (engrais, lisiers) modifie, à distance et sur de vastes étendues, la composition chimique des sols. Elle retentit ainsi sur les communautés végétales qui y vivent.
-Les plantes généralistes supportant ou recherchant l'azote (végétaux nitrophiles) prolifèrent. Elles l'emportent sur celles qui sont associées aux milieux pauvres , plus spécialisées. Ces dernières se raréfient ou disparaissent, et avec elles le cortège d'insectes qui leur est associé.
-L'excès d'azote affecte ainsi indirectement mais puissamment les populations de nombreuses espèces de papillons, pollinisateurs, criquets et autres insectes, tous étroitement liés aux végétaux de milieux pauvres.
-Par ailleurs, l'imprégnation des végétaux en azote retentit sur leur composition chimique et, de de fait, sur leur attractivité et sur leurs qualités nourricières, avec là aussi des conséquences négatives sur la biodiversité entomologique.

La vente des reines ou des colonies de bourdons (B.impatiens, B.occidentalis) pour polliniser les cultures sous serres entraîne depuis le début des années 1990 la dispersion d'organismes pathogènes [...]. Le contact se fait lorsque des individus "exotiques" échappés des serres côtoient sur les fleurs des bourdons autochtones. Un petit champignon asiatique (Nosema ceranae) a contaminé les Abeilles domestiques à l'échelle mondiale, mais surtout des Hyménoptères sauvages dont les bourdons; un coléoptère parasite africain (Aethina tumida) cause des dommages considérables dans les ruches mais aussi dans les colonies de certains bourdons. Ce phénomène pourrait expliquer le déclin massif des bourdons nord-américains qui sont peu capables d'y répondre par leur immunité. En plus, abeilles et autres Hyménoptères sont d'autant plus sensibles aux agents pathogènes qu'ils sont soumis aux insecticides ou à un stress nutritionnel.

La multiplication des ruches, pour sympathique qu'elle semble, met en péril la survie des pollinisateurs apparentés à l'Abeille domestique, dont les bourdons et les abeilles sauvages: les bourdons évitent de butiner au voisinage des ruches, les abeilles tendent à les priver de nectar et de pollen par l'importance de leurs colonies, et elles leur transmettent leurs infections.

Longtemps tenu comme l'insecte le plus abondant sur la planète, avec des vols fédérant plusieurs milliards d'individus (des auteurs évoquent jusqu'à mille milliards!), le Criquet des Rocheuses fut le premier des insectes du Nouveau-Monde déclaré éteint. Alors que cette espèce qui vivait dans l'ouest du continent nord-américain a pu former en 1875 un nuage de 510 000 km² pour un poids estimé à 27,5 millions de tonnes, elle n'a plus été revue depuis 1902. La destruction massive de ses populations et des modifications structurelles dans ses zones de reproduction ont eu raison de ce criquet.

Compilées depuis des décennies, les données sur les populations d'oiseaux révèlent que la majorité des espèces insectivores sont en déclin: ce n'est pas étonnant lorqu'on sait que, chaque année, les oiseaux ingurgitent entre 400 et 500 millions de tonnes d'insectes sur la planète comme l'a calculé une équipe réunie autour du biologiste suisse Martin Nyffeler (plus que l'Homme consomme en viande et en poisson!) et que les insectes constituent la nourriture essentielle de près de 60% des oiseaux!

Il n'y a plus d'insectes pour s'écraser sur les pares brises, ils ne tournoient plus dans la lumière des lampadaires et les moins jeunes d'entre nous constatent le morne ennui des capagnes où ne voletent plus des myriades de papillon et ne bourdonnent plus de bourdons"

L'éclairage nocturne a donc un impact négatif sur beaucoup d'insectes, au plan individuel comme au plan de l'équilibre de leurs communautés. Les insectes nocturnes ou crépusculaires orientent leurs déplacements grâce à la luminosité de la lune ou des étoiles. Attirés par les lampadaires, les enseignes, les affiches lumineuses, beaucoup sont désorientés et tournoient dans la lumière pour finir par mourir d'épuisement ou par être victimes de prédateurs[...] Il est difficile voire impossible à ces insectes de se nourrir s'ils sont perturbés par la luminosité artificielle: les prédateurs ne peuvent plus trouver et poursuivre leurs proies et les butineurs ne repèrent plus les fleurs, car la lumière modifie les signaux visuels constitués par les motifs des corolles.