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Critique de LoupAlunettes


Les débuts du roman paraitront un peu sec, pas les personnages, juste le fond de décor et l'acidité du texte.
On ne pouvait peut-être pas commencer par une scène dont on a l'habitude dans les récits lycéens où c'est la rentrée, où les ados se saluent et se vannent gentiment.
On en sera pas loin mais dans une version un peu désenchanté, hors de la perspective scolaire, dans une banlieue et avec des petsonnages un peu coriace à l'extérieur.
L'auteure nous invitera donc à croquer et à profiter d'une tendresse à l'intérieur des personnages qui ne nous ait pas permis de deviner avec la coquille.

Sol ( le héros) et son pote Tatepa ("Patate") ne seront plus copains avec le milieu scolaire, mais ils se seront trouvés grâce à lui, amis depuis le CP et depuis ne se sont plus quittés.
L'auteure Cécile Alix posera le pavé sur la table et on se dira d'emblée que ces jeunes héros là n'auront pas forcément grand chose pour plaire à un jeune public de lecteurs ados, en notant leur irrévérence et parfois leur agressivité contenue avec le monde des adultes du système qui devra faire d'eux quelqu'un.
Sol et Tatepa bifurqueront donc assez tôt vers la professionnalisation, vers le poste utile en attendant peut-être un jour d'avoir le déclic ou la véritable envie de se former.
Sol bougonnera souvent, n'aura pas l'attitude rêvée pour afficher un peu de discipline requise pour sa tâche en contacts avec les résidants l'EHPAD des Bleuets. Mais nous le lisons, il ne refusera rien avec son apprentissage d'agent technique, toutes les aides de service, descendre des malades d'étage en étage, laver les sols, changer les draps d'une chambre, renforcer les équipes débordées de son service ou pallier aux absences. C'est un début et l'équipe n'est pas mal, nul besoin de la tenir à distance parce que les courtoisies de société l'agacent.

L'auteure nous enverra une image très tôt, de l'enfant que fut Sol.
Et le suivre sur son caractère volontaire par la suite, nous le rendra forcément plus sympathique, plus accessible.
Nous connaitrons donc un peu ses travers, ses défauts avant de nous lancer dans son aventure pour éplucher le jeune garçon et découvrir le fruit sous la peau, des pistes prometteuses pouvant nous promettre une bonne histoire de transformation seront données aux lecteurs.
Nous douterons sincèrement que Sol puisse changer de caractère et promettre un conte de fées mais nous serons presque convaincus que quelque chose de chouette peut l'attendre, peut finir par l'adoucir, lui ouvrir de nouvelles perspectives et nous serons curieux de savoir quoi.
Comment un roman pour ados, avec un personnage en difficultés scolaires mais sérieux, qui finira par respecter enfin la valeur du travail, ne pourrait pas nous promettre un peu de bonnes vibrations et d'espoir?
L'idée sera réconfortante ( surtout pour ce jeune âge) qu'il n'est jamais trop tard de décider un peu de son chemin.
Mais il faudra pour Sol changer d'attitude, on ne dit pas toujours ce que l'on pense par fierté. Répondre aux professeurs est une chose sérieuse, répondre à ses employeurs est une chose grave.

Nous serons en attente dans l'aventure d'être touché par le garçon aimable sous le jogging deux-pièces du grand gaillard arrogant qui roulera en mobylette sans casque.
L'auteure nous confiera alors un secret: Sol adore les chevaux. Il n'en a jamais monté mais l'idée l'excite, le fascine, le fait rêver à cheval sur la branche d'arbre qui lui sert de perchoir.
Enfin, nous distinguerons là où le personnage pourrait nous emmener pour la suite avec l'émission d'un désir presque enfantin. Pour nous l'aventure va commencer.
Avec un apprentissage, une perspective de travail en poche, Sol s'autorisera t-il à s'envisager autrement?
Sol aura t-il envie de se faire plaisir, d'accomplir le fantasme d'apprendre à monter un cheval?
La perspective nous séduira en tous cas.
C'est double accroche.

"Homère in the city" tricotera du rêve modeste mais sensible.
Nul doute de constater en lisant que l'auteure Cécile Alix ne comptait tout de même pas nous raconter la descente aux enfers d'un gamin de banlieue, une voie de garage triste avec Sol.
Il existera des romans ados de la sorte, des collections même, mais Sol n'avait encore rien à se reprocher au début du roman - tandis que dans ces autres romans ados nous démarrerons d'une extrême perspective de "voie de garage". Que faire avec un ado difficile quand il ne semble plus rien de possible à faire pour l'intégrer à la société de tous les jours? -.
On le réalisera en étant attentif à l'écriture de Cécile Alix, qui n'en dira pas de trop pour tout justifier, Sol est inconscient, il n'aura pas le recul sur un caractère plein d'orgueil qui pourrait lui fermer des portes puisqu'il y avait sa famille, son Tatepa de copain, il avait encore tout à inventer pour les pages à venir.
Un drame va le pousser, l'obliger à recomposer, à profiter.
Avec la culpabilité, il va y avoir un électro-choc: les résidents, les copains, rien n'est éternelle, la vie est précieuse, trop précieuse pour que l'on puisse se payer le luxe de la snober, de la provoquer d'un geste d'honneur. Un jour, il faut grandir.
C'est un roman émouvant à sa manière et qui promet d'être un peu plus dur que ce que pourrait suggérer sa première de couverture.

Il est surprenant aussi, balançant un personnage comme Sol dans une résidence de séniors.
Le lieu d'apprentissage n'est pas commode et demandera un peu de maturité. Confronté aux affres compliquées de la vieillesse à l'EHPAD, Sol apprendra la vie et fera sourire l'équipe des soignants car cela n'envoie pas du rêve mais changer des personnes qui ne sont plus en état de le faire, c'est aussi la vie, une vie qui peut-être nous attendra un jour lointain, malgré nous dans la maladie.
Sa collègue soignante Jade prendra son métier avec patience et philosophie, cela se montrera très honorable, aussi honorable que de participer finalement à rendre les lieux propres et en ordre pour que le reste suive.

Le personnage de Sol offrira un regard bien différent du jeune ado face au 3ème âge assisté que celui du jeune Valentin du roman "Âge tendre" de Clémentine Beauvais(Sarbacane), obligé à un service civique fictif dans un EHPAD à 15 ans.
Valentin se montrera plus naïf, plus innocent mais sera collé aussi à la tâche d'animer et non pas de laver les résidents.
Sol devra apprendre à respecter ses aînés, une première, leur conserver leur dignité et ne pas juger avec dureté.
Il sera recadré et le roman commencera enfin.
C'est vraiment à découvrir.
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