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Critique de Pasoa


Pasoa
29 février 2024
Depuis longtemps je souhaitais découvrir la poésie de Gabrielle Althen. Lors d'un passage dans une charmante bouquinerie, le hasard, tel un compagnon de fortune, me mit devant les yeux La Cavalière indemne. L'occasion était trop belle !

Publié en 2015 aux Editions al Manar, ce beau recueil est composé de textes pour la plupart en prose, rassemblés en divers chapitres, ponctués par des illustrations de Philippe Hélénon. Avant de vouloir saisir le sens du texte, les premières lignes invitent à chercher le rythme, le juste accord entre écriture et lecture. Les mots sont des signes qui font reconnaître quelque chose d'étrange et de secret.

« LE DIALOGUE FLEXIBLE

Face à face énervé de la fenêtre et d'une solitude
Un enfant à côté pris dans cette solitude
La fenêtre comme une femme fait glisser
Sa main dans ses cheveux Avec un bras parti là-bas
où traîne une lueur
Le solitaire a des yeux de gamin hébété
Nous nous serons aimés de tant aimer le monde
Sera leur dialogue flexible
Quelqu'un par là s'exerce à s'étonner
Les poètes ont des mots pour la beauté
Je voulais d'autres mots
Pour le monde qui ce soir accomplit son office de calme
Une vapeur sur la table naît de ma tasse de café
- Danse dans la chambre si simple
Où se soutient mon immobilité –
L'enfant le regard et la fenêtre sont roses de ce monde
- Roses profondes -
Lorsque la vie est sauve
Entre un babil de bébé et le silence. »

Dans l'écriture de Gabrielle Althen, il y a une recherche de concision, de justesse, au travers du plein et du fragmentaire, la recherche d'un espace enclos qui pourtant reste ouvert, comme la fin d'une phrase qui laisserait un surcroit de sens.
Sa poésie se veut comme une incessante réanimation de ce qui a déjà été dit mais ne saurait être tenu pour définitif. Il y a comme un ressassement du passé, de l'intime qui se donne et s'ouvre à une nouvelle forme, à une nouvelle singularité. L'écriture est ce lieu d'une révélation, d'un ré-enchantement, celui d'un lieu, d'un paysage ou d'une présence.
En témoigne, ce très beau poème en vers :

« ATELIERS DE BRAQUE

Parce qu'il était déjà là
Un oiseau put traverser l'esprit
Bientôt suivi de beaucoup d'autres
On eut très vite un beau losange
De choses blanches qui vivaient
Et puis le temps fit un ovale
Non ce n'était pas une auréole
Ce chant qui bourdonnait tout autour de ta tête
Mais un halo d'espace blanc
Tout frissonnant de foi prémonitoire
Oiseaux dans ce désert
- La foi déplace les images -
Oiseaux sous cette lampe
Capables immobiles d'aller
Des quatre coins
De l'épopée
Vers la chose qui habite la tête
Ô mes enfants mes impatients
Ce halo pesant le poids du ciel
Tous ses oiseaux coulaient de source. »

Écriture que l'on dirait orpheline, il y a chez Gabrielle Althen quelque chose de contradictoire, une sensibilité en proie au doute, au scepticisme mais qui laisse place à l'émerveillement, à la foi.
Dans sa poésie, elle ouvre le discontinu à la finitude de notre temps, les lie pour faire naître un sens insoupçonné.
Une très belle lecture.

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