Tu t'es opposée à César par deux fois pour défendre nos rites funèbres, et tu as gagné. Maintenant, il est temps de te battre pour les vivants.
-Je n'engage un combat que lorsque je sais que je peux le gagner, a déclaré Juba.
-Ah, eh bien, c'est toute la différence entre toi et moi. Le sang d'Alexandre le Grand coule dans mes veines. Et il n'a jamais livré de combat en envisageant la défaite !
-Tu dois vivre. Genestho, a-t-elle ajouté à voix basse. (C'était le mot qu'elle utilisait pour signer les décrets royaux.) Qu'il en soit ainsi.
-Je ne suis plus une petite fille qui se languit d'amour.
-Je ne suis plus un imbécile qui nie ses sentiments pour toi.
Ma mère m'embrassa sur l'épaule. « Tu as le cœur d'une grande et puissante reine », murmura-t-elle.
« - Tu as ne peau superbe, a-t-il susurré. Elle a la couleur du miel au soleil.
- Il faut vraiment que je retourne à mes lectures.
J’ai pivoté sur moi-même pour faire face aux casiers. J’espérais qu’il s’en irait mais, au lieu de partir, il m’a prise par la taille et a plaqué son torse contre mon dos. J’ai étouffé un cri de surprise. Je l’ai entendu s’esclaffer tout bas et j’ai fermé les yeux.
- Pourquoi luttes-tu ? a-t-il chuchoté »
Je crois que tout a commencé lorsque j’avais sept ans, par une journée que je considérais autrefois comme l’une des plus heureuses de mon existence. Ce matin-là, un soleil éblouissant inondait les rues de la grande Alexandrie d’Égypte. Ma mère, mes frères et moi étions assis en rang sur une tribune, chacun sur son trône, à l’extérieur du quartier royal. La Méditerranée scintillait derrière nous et des rangées de palmiers dattiers se balançaient mollement dans la brise. Nous attendions que mon père, le grand général romain Marc Antoine, ait fini de défiler à travers la ville et nous rejoigne sur notre imposante estrade de cérémonie. Nous allions commémorer ensemble sa victoire sur l’Arménie, son ennemi de l’Est. Notre famille au complet et tout Alexandrie participeraient aux célébrations.
Au cours des mois qui ont suivi, mon chagrin et ma confusion n'ont pas diminué. Pourtant une phrase continuait de résonner à mon esprit comme si la prêtresse l'avait criée dans un puits sans fond : "Tu t'es opposée à César et tu l'as vaincu !"
Je n'étais pas ma mère. Je me suis répété cette phrase, comme pour mieux m'en imprégner. Je n'étais pas ma mère. Je pouvais faire un choix. Je pouvais choisir de vivre.