Le titre de ces entretiens – quelque peu trompeur – illustre la pensée radicale de
Günther Anders, qu'on dit souvent exagérée, qui semble regarder le monde en lui devinant un horizon sinistre. La vie d'Anders, son parcours aux alentours des guerres, donne le moyen de comprendre le cheminement de sa pensée : réaction morale à la destruction du monde par les technologies et leur industrie qui entraînent les hommes malgré eux, la nécessité de pousser les hommes à raisonner plus loin, chacun, aux conséquences, de faire travailler leur imagination pour diriger leurs actions selon leurs désirs profonds (en cela, Anders se rapproche de
Platon : dans La République, les individus doivent connaître leur désir profond pour ne pas choisir le mal). le choix d'une langue claire, accessible, est ainsi en soi révolutionnaire (comparé à la langue volontairement âpre des philosophes, pour se protéger comme l'explique
Léo Strauss dans
La persécution et l'Art d'écrire, ou plus sûrement par tradition pour faire intellectuel comme les structuralistes, ou mieux ecore parce que écrire de manière claire est plus difficile) , puisqu'il s'agit d'amener à chacun les outils pour penser là où les classes dirigeantes se servent d'expédient pour les rassembler, leur donner un ennemi commun. La littérature devient en soi un arme, visant d'une part à la propagation de thèses, mais surtout simplement à l'éducation du peuple. Comme le conceptualise Todorov dans Critique de la critique, la littérature ne porte pas un discours de vérité, comme la science, mais un discours de croyance. Il est question d'exprimer, de réfléchir, de partager, de diffuser ses peurs, ses envies, ses idéaux, son utopie. Afin qu'une société soit bien d'accord sur la direction qu'elle souhaite vraiment prendre, non qu'elle avance tirée par des forces inconnues, contradictoires et non désirées.
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