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Critique de mesrives


Ah Felice, on murmure beaucoup de choses à ton sujet.
Tu ne parles que le patois du Val Blenio, la vallée du soleil, comme tous les autres habitants de Leontica, ce village tessinois dominé par de majestueuses montagnes, quitté il y a bien longtemps et où tu es revenu à jamais et pour toujours dans la baita familiale qui attendait ta présence.

Dans Jours à Leontica Fabio Andino nous prend par la main pour suivre Felice, ce nonagénaire imperturbable, alerte et vigoureux, un montagnard taiseux, timide et solitaire, qui trace son chemin comme une araignée tisse son fil. Un vieil homme qui fait fi du temps qui passe, débordant de bienveillance participant à la cohésion du village tout en restant indépendant. Au long des journées qui s'égrainent, Felice suit ses rituels immuables puis adapte ses activités aux réalités du terrain, des variables météorologiques et économiques, attentif à son environnement, respectueux de la nature et n'ignorant rien des enjeux contemporains.

A Leontica le temps ne s'arrête pas, il file sur un autre tempo, piano, piano.
A Leontica attendre est une grande occupation, on rêve, on se souvient, on contemple, on espère, on observe.
A Leontica, l'âge n'est plus un frein mais une voile qui mène vers le large.
Felice dans ses postures et silences en dit autant que quand il glane, troque, échange.
Un sac qui déborde de tendresse, de justesse, de pudeur.
Un jour de châtaignes ou de figues, un autre de russules ou de kakis.
Odeurs et parfums, bruits et sons, des informations que Felice engrange comme autant de messages à interpréter et à délivrer.

Au milieu d'une kermesse générale où chaque être humain et être vivant (chat, chien, mulet, volatiles en tout genre, renard ... ) jouent un rôle, le lecteur découvre les clés et les chaînons d'une communauté soudée et attachée à son territoire et patrimoine (défilé de la milice historique, l'église romane de Negrentino).

Fabio Andino a choisi un narrateur qui lui ressemble beaucoup pour nous conter cette histoire, un narrateur que Felice accepte à ses côtés après l'avoir autorisé à partager ses jours à Leontica, son quotidien d'une semaine à l'autre, entre novembre et décembre, rythmé par des libertés et des impératifs personnels au gré de la vie de tout un village, d'une communauté où presque tout les faits et gestes de chacun sont exposés, commentés, partagés, mais où seule la vie de Felice semble auréolée de mystères.

L'écriture de Fabio Andina claire, simple et précise rend le récit très réaliste, émaillée d'expressions ou de tournures locales elle conforte les spécificités de cette communauté montagnarde alors que les échappées poétiques magnifient les paysages naturels.

Felice, le sage de Leontica, une présence au monde totale, proche de la communion d'où surgit sérénité et plénitude. Une belle leçon de vie porteuse d' une sobriété heureuse. Avec une gouille en guise du Grand bleu, un banc en granit, une tisane concoctée avec les herbes du jardin, le regard accroché aux sommets des montagnes, le temps est venu de méditer.
Humer l'air tout en regardant les nuages ou les étoiles, écouter le vent…

Une lecture félicité, émouvante et emplie d'humanité.


Né à Lugano en 1972, Fabio Andina a étudié le cinéma à San Francisco. Jours à Leontica, publié en 2018 sous le titre La pozza del Felice, est son premier roman traduit en français, merci à la traductrice Anita Rochedy.
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